1970, Sylvester Stallone est encore loin d’être la superstar mondiale qu’il deviendra quelques années plus tard avec le succès de Rocky. A cette époque, il n’est qu’un jeune comédien de 23 ans cherchant à percer après avoir étudié l’art dramatique à Miami. Malheureusement, comme tant d’autres, les débuts sont difficiles. Un petit rôle de figuration par-ci, 2-3 apparitions dans des pièces off-Broadway par-là, les temps sont durs et Sly n’y arrive pas. Au point de ne plus pouvoir payer son loyer et de se retrouver brièvement SDF. C’est précisément à ce moment-là, alors qu’il dort dans des gares routières, qu’on va lui proposer l’un des premiers rôles dans un sous-nanar financé par un groupe d’avocats : The Party at Kitty and Stud’s signé Morton Lewis. Un film soft érotique racontant la vie sexuelle de Kitty, une jeune new-yorkaise, et de son petit ami Stud (incarné par Stallone). Pour le rôle, l’acteur se verra offrir la somme de… 200 dollars ! « J’étais affamé et désespéré quand je l’ai fait. Vous savez, quand on a faim, on fait beaucoup de choses qu’on ne ferait pas en temps normal. » dira plus tard l’iconique John Rambo.
Lorsqu’il sort en salles, le film n’attire guère l’attention. Pas étonnant, on peut décemment affirmer qu’il est d’une nullité consternante. Mais « appât du gain quand tu nous tiens »… Six ans plus tard, Stallone entre dans une nouvelle dimension. L’acteur fracasse le box office mondial avec le légendaire Rocky de John G. Avildsen. Sly est désormais une star planétaire. Et The Party at Kitty and Stud’s va vite refaire surface… Profitant de la soudaine notoriété de Stallone, le film est remonté fissa, rebaptisé sous un nouveau titre et redistribué en salles sous le nom (bien plus connu) de L’Etalon Italien, aka le fameux « porno de Stallone » comme aime l’affirmer la légende. On parle de « légende » car de nombreuses discordances existent autour du film et son contenu originel. Certaines enquêtes ont conclu que le film de base ne contenait pas de scènes de réelle pornographie, au mieux du soft érotisme. Les scènes les plus crues apparues plus tard, notamment dans une version remontée en 2007, auraient été tournées et insérées à posteriori, sans la participation de Stallone. Le doute subsiste. Ce qui est sûr, c’est qu’il est difficile de parler de « porno ». On laisse ça aux médias à click-buzz et on parlera plutôt de « film érotique », terme plus juste pour qualifier la « chose ».
Toujours est-il que l’on s’est récemment demandé ce qu’était devenu le film depuis et plus particulièrement ses droits de propriété. Et notre petite enquête s’est révélée étonnante. On sait que pendant un temps, le matériel avait soi-disant été perdu selon le PDG de Bryanston Distributors, alors détenteur des droits originaux. Après s’être bien gavée dans les années 70 (avec les sorties de Gorge Profonde ou Massacre à la Tronçonneuse, La Fureur du Dragon etc.), la société Bryanston Distributors, pas super réglo sur les bords, a connu quelques démêlés judiciaires, ce qui précipita un peu sa fin. Les droits d’exploitation de son catalogue furent rachetés en 1983 par New Line Cinema avec comme accord, qu’un pourcentage conséquent des bénéfices réalisés avec ses films soit reversés aux producteurs de Bryanston. L’Etalon Italien a alors connu de très nombreuses éditions en VHS puis en DVD, aux Etats-Unis comme dans le monde entier. Jusque-là, on savait à peu près où étaient les droits, du moins ça semblait assez clair. En 2009, la rumeur voudrait que la MGM aurait tenté de les acquérir mais le deal aurait échoué.
Rebondissement en 2010. Le film se retrouve de nouveau sous le feu des projecteurs. Les droits exclusifs et mondiaux ainsi que tous les négatifs sont mis en vente aux enchères… sur Ebay ! Hum… Etrange démarche. Et puis mis en vente par qui au juste ? Première chose très floue, on ne sait pas. Pas par New Line Cinema déjà, les grosses firmes hollywoodiennes ne pratiquent pas le marchandage de films sur internet. Cela voudrait donc dire que la firme avait racheté les droits sur le catalogue de Bryanston Distributors… mais pas les droits sur ce titre en particulier ? Toujours est-il que le vendeur inconnu a trouvé preneur pour la modique somme de 412 000 dollars ! Logiquement, la rumeur d’une ressortie en salles ou en vidéo a très vite circulé. Sauf que 12 ans plus tard, rien. Le film semble avoir complètement disparu des écrans radars et n’a plus jamais été édité d’aucune manière. Que fout donc son acheteur ?? Mais au fait, qui l’avait acheté déjà ? C’est là que l’affaire devient savoureuse. L’acquéreur a tenu à rester anonyme ! Aujourd’hui, personne (ou presque) ne sait exactement qui a les droits d’exploitation du film sulfureux de Sly. En 2020, il aurait été distribué en Espagne par la société Research Entertainment. On pensait tenir enfin le nom de ce mystérieux acquéreur. Problème, contactée par nos soins, la société a répondu « ne jamais avoir entendu parler de ce film« . Et logiquement, la réflexion fait le reste.
Et si Stallone avait tout simplement (et anonymement) racheté les droits du film pour l’enterrer une bonne fois pour toute afin d’éviter toute réédition ou ressortie d’une manière ou d’une autre. C’est à n’en pas douter l’explication la plus crédible et la plus cohérente tant il est désormais impossible de remonter jusqu’au bout la piste des droits du film. Si demain vous souhaitez le projeter au cinéma, impossible de savoir à qui s’adresser. A la sortie de Rocky en 1976, les producteurs et réalisateurs avait déjà proposé à Stallone de racheter tout le bordel pour 100.000 dollars. Une sorte de menace indirecte du genre « Maintenant t’es une star, tu raques ou on exploite le dossier ». Stallone, droit dans ses bottes et assumant son passé, avait rétorqué qu’il n’était pas intéressé et qu’il ne paierait même pas 2 dollars pour cette merde. Le film était ressorti en salles comme évoqué plus haut et a acquis son petit statut de truc « culte ». Mais il ne serait pas étonnant que le Stallone soixantenaire de 2010 ait vu les choses autrement et profité de l’aubaine que fut cette « vente » pour foutre cette saleté sous le tapis une bonne fois pour toute.