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LA FÉLINE de Paul Schrader : la critique du film [Blu-ray]

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note 4 -5
Carte d’identité :
Nom : Cat People
Père : Paul Schrader
Date de naissance : 2015
Majorité : 1er juin 2016
Type : Sortie Blu-ray/DVD
(Éditeur : Elephant Films)
Nationalité : USA
Taille : 1h58 / Poids : 18 M$
Genre : Horreur, Épouvante

Livret de famille : Nastassja Kinski, Malcolm McDowell, John Heard, Ruby Dee, Ray Wise, Annette O’Toole…

Signes particuliers : Un remake fabuleux d’un film déjà fabuleux.

QUI N’A JAMAIS VOULU ÊTRE DÉVORÉ PAR NASTASSJA KINSKI ?

LA CRITIQUE

Résumé : Irena retrouve son frère Paul à la Nouvelle-Orléans. Dans les jours qui suivent, une mystérieuse panthère tue une prostituée. L’animal se révèle avoir d’étranges liens avec Paul et Irena.cat-people-1982L’INTRO :

Se risquer à un remake du chef-d’œuvre de Jacques Tourneur était un pari aussi périlleux que suicidaire pour Paul Schrader. Pourtant, à l’aube des années 80, alors que le cinéma connaissait une énième révolution de fond, l’estimé et talentueux cinéaste, déjà auteur des brillants Blue Collar et American Gigolo, n’a pas eu froid aux yeux en s’attaquant sans vergogne à ce monument du cinéma. Le classique originel reste encore aujourd’hui comme l’une des meilleures séries B horrifiques jamais produites. Intelligemment, Tourneur avait compris que la suggestion avait bien plus de pouvoir que la révélation et au lieu de montrer, il avait préféré laisser son angoissante créature tapie dans l’ombre, la même démarche qui donnera corps, bien des années plus tard, à un autre chef-d’œuvre intemporel, le Alien de Ridley Scott. Amusément pour ceux qui découvrirait le film seulement aujourd’hui, si l’on peut croire dans les capacités du scénariste de Taxi Driver ou Raging Bull, on pourrait avoir en revanche, davantage de réserves en voyant le nom de Jerry Bruckheimer s’afficher à l’écran, le futur nabab pilotant cet exercice en tant que producteur exécutif. Avec la crainte de voir un « blockbuster » asservissant la relecture d’un classique sur l’autel du divertissement simpliste ? Heureusement non, Paul Schrader a su confectionner une œuvre magistrale, aussi différente de son aînée que fondamentalement magnifique.nastassja-kinski-27451aa0c515f8efd24a44a4918cf34a-large-815827L’AVIS :

Paul Schrader a su se sortir avec les honneurs de cette entreprise hautement casse-gueule. Comme Friedkin avait su distinguer de Clouzot sur son remake du Salaire de la Peur ou comme Abel Ferrara allait se distinguer de Don Siegel sur son remake de Body Snatcher, même si ce dernier est plus décrié. Car à l’inverse, ce serait presque un euphémisme de dire que le film de Schrader est aujourd’hui, globalement apprécié comme une indéniable réussite. En accouchant d’un film très différent de son modèle, à la fois respectueux tout en trouvant sa propre voie, le cinéaste s’est réapproprié à merveille l’histoire de cette femme-panthère qu’il situe dans un cadre toujours propice aux films à ambiance : La Nouvelle-Orléans. À mi-chemin entre le drame érotico-fantastique et le film d’horreur, La Féline version 1982 s’écarte du film de Tourneur pour devenir une œuvre érotisante, envoûtante, où la sensuelle Nastassja Kinski se glisse telle une véritable féline, dans la peau de son personnage pour livrer une composition tout en relief. Face à elle, Malcolm Orange Mécanique McDowell est un frère passionnant et trouble. Le duo délivre une charge émotionnelle époustouflante et sulfureuse, qui marque la rétine à jamais.cat_people_mcdowellPas très bien accueilli par une critique trop occupée à le comparer au classique de la RKO dont il reprend le titre, La Féline version Paul Schrader méritait certainement mieux et c’est logiquement que sa valeur insoupçonnable et sa légende se sont forgées avec le temps. Le metteur en scène ne s’est pas lancé toutes voiles dehors dans un pur remake, proposant finalement plus une relecture aux antipodes, développant certains points et thématiques suggérés en pointillés par un Tourneur alors coincé par la censure. Des divergences d’intentions d’emblée incarnées par ce parti pris radicalement opposé de montrer plutôt que de suggérer, sans pour autant tomber dans le vulgaire sensationnalisme idiot. Au contraire, avec intelligence et élégance, Schrader montre tout ce que Tourneur avait laissé dans l’ombre, la sexualité, l’horreur, la violence, la monstruosité, et y accole une dimension psychologique bien plus forte que celle présente chez son homologue, qui restait finalement plus terre-à-terre et ancré dans les codes narratifs de la série B.Nastassja Kinski - Cat People - 1_4Ni meilleur ni moins bien, La Féline version Schrader est si « autre » qu’il ne se compare pas avec le film de Tourneur. Dans une atmosphère fantastique troublante, le cinéaste américain traite de l’entremêlement entre l’éveil au désir et les pulsions refoulées et plus généralement, de la dualité humaine (entre civilisation refrénée et animalité sous-jacente incontrôlable) sur fond de tabous, d’interdits et de religion. Puissante allégorie, cette relecture plus charnelle et fiévreuse est aussi nécessaire que sublimement graphique, et elle ne vient jamais trahir le culte voué au film de 1942. Deux films, deux œuvres différentes, et deux plaisirs qui ne trouvent pas leurs racines dans les mêmes fondamentaux du cinéma. Opposés ? En un sens. Complémentaires ? Totalement. Un film à voir et à revoir, et surtout, à (re)découvrir dans une nouvelle édition haute-définition.La_feline_blu-ray

L’ÉDITION BLU-RAY

C’est une édition comme en rêvent les cinéphiles que sort Elephant Films. Non seulement parce que techniquement, le niveau est très élevé, mais par ailleurs, parce que sa richesse impressionne. De son admirable facture visuelle pleine de piqué et de profondeur (avec juste une légère surabondance de grains par moments) à la puissance de sa bande-son tutoyant la perfection, la galette Blu-ray de La Féline n’est pas loin du travail d’orfèvre. Un pur régal qui affiche toute la splendeur d’un film, lui-même splendide. De quoi redécouvrir ce bijou de Paul Schrader dans des conditions presque optimales.

Côté « suppléments », que dire à part qu’Elephant Films gâte son public et proposant de la quantité, de la qualité et de la diversité. A commencer par les très nombreux interviews associés au film, qui se présentent en plusieurs modules, à commencer par une section dédiée égrenant des entretiens actuels avec Paul Schrader, le compositeur Giorgio Moroder et une large partie du casting (Nastassja Kinski, Malcolm McDowell, Annette O’Toole, John Heard et Lynn Lowry). Tous reviennent sur leur expérience du tournage, comment ils sont arrivés à bord ou ce qu’ils en gardent en mémoire. On parlait d’interview « actuels » car deux autres entretiens sont proposés avec Paul Schrader. Un premier au détour d’un portrait du cinéaste réalisé en 2000. Passionnant de bout en bout (environ 25 minutes), ce « portrait » est l’occasion d’écouter Schrader revenir plus en détails sur La Féline, son arrivée sur le projet, ce qu’il entendait faire avec le film, son rapport à l’original ou la réception critique. Et quitte à remonter dans le temps, un troisième entretien est également proposé, cette fois-ci à même le tournage en 1982. On pardonne aisément une qualité d’image assez médiocre (compréhensible) pour profiter de cette séquence d’archives fascinante (10 minutes) nous reployant dans l’état d’esprit de l’auteur au moment de la confection de son joyau. Outre ces nombreux interviews, cette nouvelle édition est également l’occasion de se replonger dans la célèbre B.O composée par Moroder et entonnée par David Bowie. Le journaliste Christophe Conte (Les Inrocks) revient d’ailleurs au détour d’un module spécifique, sur cette collaboration ayant accouché d’un thème mémorable. Également au programme, une galerie photos et la possibilité de revoir le film avec les commentaires (passionnants) de Paul Schrader qui s’attarde sur mille et unes choses et distille un sacré lot d’anecdotes de tournage.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

3 thoughts on “LA FÉLINE de Paul Schrader : la critique du film [Blu-ray]

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