Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : I Saw the Devil (aka Akmareul Boatda )
Père : Jee-Woon Kim
Livret de famille : Lee Byung-Hun (Soo-hyun), Min-sik Choi (Kyung-Chul), Oh San-ha (Ju-yeon), Chun Kook-Haun (Capitaine Jang), Yoon-seo Kim (Chef Oh), Chun Ho-Jin (Se-yeon)…
Date de naissance : 2010
Nationalité : Corée du Sud
Taille/Poids : 2h22 – 6 millions $
Signes particuliers (+) : Un thriller hardcore époustouflant, face à face sans pitié entre deux grands comédiens locaux dans un monument du cinéma coréen récent où la violence trouve sa justification évidente dans l’horreur du drame raconté. I Saw The Devil se pose les bonnes questions sur le concept de la « vengeance » et y répond avec une furie jusqu’au-boutiste hallucinée.
I HAVEN’T SAW THE DEBILE
Résumé : Un agent des services secrets coréens traque le sadique assassin de sa fiancée. Un véritable jeu du chat et la souris s’instaure entre les deux hommes…
En 2003, Jee-woon Kim se fait remarquer et quasiment découvrir dans le milieu du septième art avec son sublime 2 Sœurs, superbe œuvre poétique et complexe à la maîtrise époustouflante. Deux ans plus tard, en 2005, il met le monde du cinéma en ébullition avec son dément et violent A Bittersweet Life. Trois ans plus tard, il conquiert le coeur des derniers irréductibles par son déjanté et fantasque Le Bon, La Brute et Le Cinglé. Un auteur est né, il a confirmé et depuis son un style subjuguait.
Mais Jee-Woon Kim n’avait pas encore réalisé son plus grand chef d’œuvre même si l’on n’était pas en mesure à l’époque de penser que le coréen puisse un jour supplanter son A Bittersweet Life, véritable maestria visuelle furieuse et mélancolique qui restait alors la pierre angulaire de sa jeune carrière. Et pourtant, c’est en 2010 qu’il va le pondre et qu’il va clouer littéralement le spectateur dans son fauteuil, pour 2h20 de folie cinématographique à la rage et la démence éprouvantes. 2h20 de mise à mal à le spectateur va subir un authentique roller coaster cinéphilique intense, époustouflant, mais qui va faire également couler beaucoup d’encre…
I Saw the Devil est tout simplement la plus grosse claque de l’année 2010 et certainement l’un des films les plus prodigieux que la Corée nous ait offert dans ses années 2000. Et c’est encore à Jee-woon Kim qu’on le doit, comme un habitué revenant régulièrement pour nous couper les pattes. Après avoir eu du mal à sortir en Corée pour des raisons de forts démêlés avec la censure locale, le film débarque enfin (en se coltinant un bon « interdit aux moins de 18 ans ») dans son pays d’origine, ce qui ne manque pas de nous rappeler les nombreux ennuis connus par Martyrs en France. La tension et l’interrogation croît. Qu’est-ce qui peut bien justifier un tel classement et de tels déboires ? Annoncé comme ultra-violent, l’impatience est grandissante. Et bonne nouvelle, I Saw The Devil sortira bien dans nos contrées. Tardivement mais il sortira au cours de l’année 2011.
Dire que la Corée du Sud nous a habitué depuis quelques années à des thrillers très violents relève presque du doux euphémisme. Breathess, Memories of Murders, The Chaser, Old Boy n’en sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Mais effectivement, force est de reconnaître que l’on était encore très très loin de ce hard-boiled I Saw the Devil, œuvre furieuse et impitoyable tant dans l’écran que dans le non-ménagement qu’elle impose au spectateur, même préparé. Brutal, ultra-violent, pervers (moralement, physiquement, sexuellement) et dérangeant, la dernière claque de Jee-woon Kim dépasse l’entendement. Une claque non sans rappeler les grandes œuvres jusqu’au-boutistes du cinéma à l’instar des Orange Mécanique etc. Face à face hardcore entre deux immenses acteurs dont un Choi Min-Sik (Old Boy) habité par son personnage de tueur dérangé et sauvage, et un Byung-hun Lee (qui avait déjà tourné avec Kim dans A Bittersweet Life) en agent des service secret entreprenant une traque sans merci motivée par la rage du plus redoutable des désirs de vengeance, I Saw the Devil nous pousse loin, très loin, dans nos retranchements. Insoutenable, dur, très dur, jamais le spectacle de la colère vengeresse et de la haine viscérale ne nous aura autant été difficile à supporter dans ce qui prend presque des allures de survival inversé où la victime n’est finalement pas l’amoureux éploré mais le tueur sadique traqué comme une souris.
Le thème de la vengeance est au centre du récit conté par Jee-woon Kim. Mais en allant plus loin que le simple film de la pauvre âme désespérée se vengeant de son ennemi, I Saw the Devil se mue en véritable dissertation sans concession sur le principe même de la vengeance, sur la notion même, sur son fonctionnement psychologique, ici analysé avec rigueur et richesse derrière le simple polar d’action. La question posée ici est la suivante : que reste t-il à un homme brisé une fois que sa vengeance est accomplie, si toutefois il y parvient ? Le principe de la vengeance est une mécanique permettant de faire le deuil pour trouver, en apparence, la sérénité d’esprit. En apparence seulement car I Saw the Devil montre à quel point la réelle douleur est après. La vengeance est un exutoire, un défouloir permettant d’assouvir un besoin de se décharger de la colère et de la rage qui consume de l’intérieur. Mais le grand problème de la vengeance est qu’elle permet par ailleurs d’entretenir le souvenir de l’être aimé et perdu, de la garder encore un peu parmi les vivants, avec soi, le temps d’honorer sa mémoire par la violence et par la réciprocité de la douleur en rendant à l’auteur les coups portés. La vengeance permet, en écrivant un dernier chapitre de l’histoire que l’on partageait avec l’être perdu, de garder sa flamme allumée le temps d’une dernière action de communion spirituellement avec lui. Et le grand problème d’être là. La vengeance se « savoure » durant son processus, elle permet également de dénier la perte de l’être cher, de repousser le temps du deuil à plus tard. Mais une fois ce processus fini, que reste t-il ? Tout simplement un homme brisé, seul face à son deuil et sa tragédie, seul face à sa solitude et sa douleur. Et il ne peut y avoir une seconde vengeance pour oublier car la vengeance se « savoure » qu’une seule fois. L’agent Soo-Hyeon le sait. Traquer et tuer l’auteur de son drame pourrait être facile, pourrait être rapide. Mais poussé par un désir de repousser le moment inéluctable du deuil, transfiguré par le désir de prolonger l’acte de vengeance d’une part pour rendre le sadisme infligée à sa compagne et d’autre part pour faire perdurer le plus longtemps possible ce qui n’est finalement plus que sa seule raison de vivre et sa seule motivation pour avancer, il ne va pas accomplir sa funeste croisade simplement et rapidement. Il va la faire durer le plus longtemps possible, il va engager une traque lente et progressive, pour lui parce qu’il en a besoin mais également contre sa proie qu’il veut faire souffrir, qu’il veut terrifier, qu’il veut briser, qu’il veut rendre fou.
Et c’est là que s’impose I Saw the Devil comme un authentique chef d’œuvre ultime sur la question. Dans ce jeu du chat et la souris entre un tueur en série et le compagnon d’une victime qui veut faire perdurer au maximum ce rendu du sadisme, le cinéaste philosophe à sa manière et pose une réflexion passionnante sur la mécanique de l’œil pour œil, dent pour dent, sur sa futilité, sur ses conséquences tragiques. Et la question fondamentale du titre du film de se poser. I Saw The Devil… Qui parle ? L’agent Soo-hyeon qui a vu l’être le plus maléfique que la terre ait jamais porté ? Ou Hyung-chul, ce psychopathe déjanté qui se retrouve à la merci d’un homme capable des pires atrocités, capable d’élever l’horreur au-delà de ce que lui-même était capable d’infliger à ses victimes ?
Jee-woon Kim signe un chef d’œuvre d’intelligence, introspectif et psychologique en proposant une analyse brillante de finesse cachée derrière un film enragé de cruauté et de furie. En cela, jamais I Saw the Devil ne se montre gratuit, comme certains ont pu le lui reprocher. Chaque scène de violence, chaque acte de haine se justifie et encore plus fortement au détour d’un plan final faisant planer le film sur un état de grâce indicible. Dément, nerveux, quasi-parfait cinématographiquement, ce dernier Jee-woon Kim est certes difficile à voir, à subir, à endurer, mais il est aussi magistral à tout point de vue et s’impose comme un polar d’action énervé abouti tant dans la forme que dans le fond. Une baffe. Une qui fait mal.
Bande-annonce :
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