A l’occasion de la sortie du film HHhH, nous avons rencontré le réalisateur Cédric Jimenez pour le compte de l’émission Mardi Cinéma sur France 2. Entretien…
HHhH : L’ascension fulgurante de Reinhard Heydrich, militaire déchu, entraîné vers l’idéologie nazie par sa femme Lina. Bras droit d’Himmler et chef de la Gestapo, Heydrich devient l’un des hommes les plus dangereux du régime. Hitler le nomme à Prague pour prendre le commandement de la Bohême-Moravie et lui confie le soin d’imaginer un plan d’extermination définitif. Il est l’architecte de la Solution Finale. Face à lui, deux jeunes soldats, Jan Kubis et Jozef Gabcik. L’un est tchèque, l’autre slovaque. Tous deux se sont engagés aux côtés de la Résistance, pour libérer leur pays de l’occupation allemande. Ils ont suivi un entraînement à Londres et se sont portés volontaires pour accomplir l’une des missions secrètes les plus importantes, et l’une des plus risquées aussi : éliminer Heydrich. Au cours de l’infiltration, Jan rencontre Anna Novak, tentant d’endiguer les sentiments qui montent en lui. Car les résistants le savent tous : leur cause passe avant leur vie. Le 27 mai 1942, les destins d’Heydrich, Jan et Jozef basculent, renversant le cours de l’Histoire.
C’est un gros changement dans votre carrière, un drame de guerre, un premier film en langue anglaise, avec des stars étrangères… Tout s’est bien passé ?
Cédric Jimenez : J’avais la chance d’avoir plus un lien avec l’équipe car c’est le même producteur que La French, la même équipe aussi. J’avais tout le monde avec moi, le chef opérateur, le chef décorateur, l’assistant-réalisateur. Une grosse partie de l’équipe a suivi, la famille était la même. la langue anglaise a été l’élément le plus nouveau mais ça a été du bonheur. Ça fait toujours appel à un cinéma qui nous a bercé, je veux dire le cinéma américain, ou anglo-saxon plutôt. Le cinéma est ma passion donc ça fait appel à des rêves d’enfant.
Comment êtes arrivé sur ce projet, quelles ont été les origines de HHhH ?
Cédric Jimenez : Je connaissais le roman, je l’avais acheté et lu. Mais c’est seulement deux ans après, alors que j’étais en tournée de La French, que le producteur Ilan Goldman m’a dit qu’il avait acheté les droits de HHhH. Je lui ai dit que j’adorais ce livre et il m’a proposé de le réaliser. Il a fallu que je le redise car à l’époque, j’avais même pas fait La French encore. Je l’avais lu seul et le hasard a fait que le producteur avec qui je travaillais en avait les droits.
Qu’est-ce qui vous avait plu dans ce roman ? Et qu’est-ce qui vous a intéressé ensuite, sur un plan plus cinématographique ?
Cédric Jimenez : Il y a beaucoup de choses passionnantes dans cette histoire. Tout d’abord l’antagonisme entre les deux parties. on est sur un rapport entre les extrêmes. Il y a d’un côté les nazis, le IIIeme Reich, la part la plus sombre de l’être humain. C’est un parcours destructeur et auto-destructeur, avec une notion de déshumanisation du monde entier et de parcours macabre. Et de l’autre côté, il y a tout l’inverse. Le sacrifice de soi-même pour sauver ce qui peut être sauvé d’humanité, pour protéger des innocents. On est sur deux pôles tellement forts et significatifs de ce que peut être l’être humain, dans ce qu’il a de plus sombre et de plus beau et sacrificiel. Rie que là-dedans, il y a déjà des thématiques qui me sont chères. Après, il y a évidemment tout l’aspect historique, l’Europe a été très marquée par la Deuxième Guerre Mondiale et on a toujours autant envie de comprendre et de se plonger dans ce sujet. Finalement, cette histoire est encore proche et fraîche et c’est important de continuer à rappeler ces évènements régulièrement pour ne pas qu’ils s’oublient.
Comment s’est passé le tournage en lui-même ? On se demande toujours de l’extérieur, comment ça se passe quand on filme des choses aussi horribles. Est-ce qu’on arrive quand même à prendre un peu de plaisir ou est-ce qu’on est écrasé par le poids de cette histoire atroce ?
Cédric Jimenez : Ca impacte forcément. Tous les matins, on se lève et on voit arriver des figurants et acteurs habillés avec des costumes de nazis… On répète des scènes de tuerie plusieurs fois par jour, voire sur plusieurs jours. C’est forcément éprouvant moralement. Après, faire un film, c’est aussi créer et recréer. Donc, on ne ressent logiquement pas les choses comme si on était en train de les vivre. Mais c’est vrai que c’est trouble. Puis il y a la responsabilité qui va avec car quand on fait ça, on essaie de le faire avec tact et respect. Et il faut avoir assez de distance pour recréer tout ça de façon réelle car je ne voulais pas qu’il y avait de pudeur. Du moment qu’on se met dans la position d’Heydrich, c’est impossible d’avoir de la pudeur. Cet homme n’avait aucune pudeur donc je ne pouvais pas être dans son point de vue et pudique en même temps. Du coup, j’étais obligé de montrer les choses de façon brutale et violente, comme il l’était. mais en même temps, je devais faire attention de rester à ma place d’auteur et réalisateur, car cette histoire est beaucoup plus importante que n’importe quel film.
Vous évoquez justement ce côté extrême et il y a dans le film, cette construction particulière, en deux temps. Est-ce qu’à un moment, vous avez eu un peu de cette première partie ? Parce qu’au final, le spectateur se retrouve dans l’intimité d’un personnage monstrueux et il lui est impossible de pouvoir se rattacher à qui que ce soit…
Cédric Jimenez : Oui, et même temps, c’était une nécessité. A cette époque-là, le monde s’est mis à tourner un peu à l’envers et finalement, la Résistance, ces jeunes garçons, ont existé tant cet homme a été horrible. Le nazisme est arrivé grâce à une ascension fulgurante, Heydrich étant l’un de ses plus terrifiants représentants et notamment représentant de cette ascension rapide. Montrer cette première partie était importante car cela traduisait le besoin qu’il fallait que ça s’arrête. On ne pouvait pas laisser cette trajectoire continuer à monter. Il fallait que ça s’arrête. Et parce qu’il fallait que ça s’arrête, la Résistance est arrivée. Elle s’est créée autour de cette idée qu’il fallait que ça cesse, qu’on devait résister car on ne pouvait pas laisser faire. On devait les stopper coût que coût, au péril de la vie de nos frères, de nos sœurs, de la nôtre. Pour traduire ça, je devais passer du temps avec Heydrich. Pour comprendre ce que les Résistants pouvaient ressentir, cette nécessité d’arrêter tout ça. C’est pour ça que la première partie du film est comme ça.
J’ai l’impression finalement, que l’idée générale du film est que, quand le monde arrive à un certain degré d’inhumanité, c’est là que l’humanité arrive, comme si le courage est toujours la réponse à la barbarie…
Cédric Jimenez : C’est totalement l’idée. C’est au moment où l’on se rend compte que seul la vie compte, au sens littéral du terme, qu’on se débarrasse des tous les superflus et que le meilleur de l’humanité ressort. Quand on est face à la barbarie, on est face à la négation de la vie. Et ce qu’on se met à défendre, c’est la vie, c’est pas les économies ou les maisons. Et ça, ça ramène l’être humain à ses instincts les plus primaires. Et quand c’est du bon côté, il y a de l’abnégation, de l’altruisme, de l’amour. C’est un des grands sujets du film, l’engagement.
RENCONTRE AVEC JASON CLARKE ET ROSAMUND PIKE
BANDE-ANNONCE :
Propos recueillis par Nicolas Rieux