Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Gibraltar
Père : Julien Leclercq
Livret de famille : Gilles Lellouche (Marc), Tahar Rahim (Belimane), Riccardo Scamarcio (Lanfredi), Philippe Nahon (Glacose), Mélanie Bernier (Cécile), Raphaëlle Agogué (Clara), Aidan Devine (Bobby Sims)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 11 septembre 2013 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 1h56
Poids : 19 millions €
Signes particuliers (+) : Un thriller recherchant la filiation avec les thrillers politiques des années 70 animé par la sincérité de ses comédiens et reposant sur son sujet intéressant, une « affaire » française rimant avec injustice.
Signes particuliers (-) : Julien Leclercq passe à côté de son exercice en accumulant les maladresses d’écriture et de rythme. En ressort un déséquilibre entre la concision et la solidité enviées et la poussivité trouvée d’un récit prévisible, mis en échec par ses bonnes idées ne se concrétisant jamais et ses velléités manquées. Jusqu’à ce que l’ennui finisse par prendre la place de la tension brute et haletante.
QUAND Y’EN A MARRE, Y’A GIBRALTAR
Résumé : Marc Duval, expatrié français tenant un bar en difficulté avec sa femme à Gibraltar, est contacté par les services des douanes françaises pour travailler avec eux comme indic. Les petites actions en amenant d’autres, il se retrouve plonger dans les eaux troubles de l’univers des puissants narcotrafiquants…
Cinéaste de genre français qui a touché au thriller SF ou au film d’action, Julien Leclercq est de retour pour son troisième long-métrage. Direction le Gibraltar des années 90 pour le réalisateur de L’Assaut et Chrysalis, qui met en boîte une injustice tirée d’un étonnant fait divers racontée par son protagoniste principal dans un ouvrage baptisé L’Aviseur. Gibraltar est un thriller inspiré de l’histoire vraie de Marc Fievet, tenancier d’un bar sur l’étroit territoire d’outre-mer britannique stratégique, entraîné dans une infernale spirale lorsqu’il acceptera de travailler comme indic pour le compte des autorités douanières françaises avant de se retrouver à infiltrer de dangereux réseaux de narcotrafiquants. Le livre de Fievet sera retravaillé par le scénariste Abdel Raouf Dafri, connu pour son boulot sur des polars comme le diptyque Mesrine ou Un prophète de Jacques Audiard et c’est le populaire et diversifié Gilles Lellouche (qui décidément semble affectionner le genre après une série de films comme Le Dernier Gang, Mesrine ou A Bout Portant) qui se glissera dans la peau de cette victime des machinations du système français de l’époque, sorte de dégât collatéral livré en pâture. Pour le reste du casting, Leclercq s’entoure d’excellents comédiens comme Tahar Rahim ou Riccardo Scamarcio, Philippe Nahon ou Mélanie Bernier…
L’AVIS :
Thriller dramatique de bonne facture et efficace, Gibraltar transpire l’inspiration des classiques du polar et des thrillers politiques des années 70. Appliqué dans son travail, Julien Leclercq met tout en œuvre pour essayer de rechercher solidité et densité, pour les conjuguer à un souci du détail documenté afin de livrer une copie propre et la plus passionnante possible sur la réalité de l’époque de ce carrefour mondial alors véritable plaque tournante du trafic de drogue et sur les interactions entre les « barbouzes » des différents pays européens y agissant dans l’ombre. Gibraltar tenait une histoire forte à la croisée des genres (entre le polar, le thriller, le film politique et le drame) prenant place dans une France mitterrandienne minutieusement reconstituée avec l’affaire tragique de cet exilé du fin fond du sud de L’Espagne, broyé par des intérêts le dépassant et dont le cas fait encore toujours débat aujourd’hui et méritait bien d’être porté sur écran, d’autant qu’il se nourri d’une thématique universelle souvent propice aux adaptations cinématographiques : l’injustice frappant un quidam incapable de lutter contre les puissants.
Leclercq avait à sa disposition un bon matériau mais malheureusement, il n’a su en faire ce que l’on était en droit d’en attendre. Incapable de le transcender, le cinéaste semble tellement préoccupé par la concision et le compactage de son histoire, qu’il en perd toute émotion, la faute à un récit naïf et prévisible perdant toute son intensité au fil des minutes alors qu’une même et seule idée à la lourde charge de devoir faire évoluer l’ensemble des ressorts dramatiques s’enlisant au point de tourner en rond. Malgré ses ambitieuses visées référentielles, Leclercq ne trouve jamais le bon tempo, multiplie les erreurs et les carences, broute du moteur à chaque effort de reprise en main pugnace de son thriller qui au final ennuie plus qu’il ne passionne, faute d’aller provoquer la tension et l’atmosphère haletante. On ne discutera pas les indéniables qualités esthétiques de Gibraltar mais le film patauge, manque de suspense, souffre d’une structure narrative maladroite et ce qui aurait du être un thriller au cordeau et captivant, demeure un lointain fait divers illustré qui n’emporte jamais dans la descente de sa victime d’un jeu dont il ne maîtrisait pas les cartes. Les tares défilent alors en rang d’oignons, l’équilibre entre le drame humain et le film de genre ne prend pas, l’empathie ne fonctionne pas, le rythme patine, l’habileté de jaillit jamais… Gibraltar avait les idées mais ne les concrétise que trop rarement ou pas suffisamment et malgré la sincérité de sa distribution, l’ensemble demeure trop en demi-teinte pour convaincre pleinement.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux