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UNE PLUIE SANS FIN de Dong Yue : la critique du film

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Carte d’identité :
Père : Dong Yue
Date de naissance : 2017
Majorité : 25 juillet 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : Corée du Sud
Taille : 1h59 / Poids : NC
Genre : Thriller, Polar

Livret de famille : Yihong Duan, Yiyan Jiang, Yuan Du…

Signes particuliers : Le potentiel d’un grand, la réalité d’un plus petit.

MEMORIES OF SE7EN

LA CRITIQUE DE UNE PLUIE SANS FIN

Résumé : 1997. À quelques mois de la rétrocession de Hong-Kong, la Chine va vivre de grands changements… Yu Guowei, le chef de la sécurité d’une vieille usine, dans le Sud du pays, enquête sur une série de meurtres commis sur des jeunes femmes. Alors que la police piétine, cette enquête va très vite devenir une véritable obsession pour Yu… puis sa raison de vivre.

Pour son premier long-métrage, le jeune cinéaste chinois Dong Yue aura su faire parler de lui et sortir de ses frontières pour se faire connaître à l’international. Une pluie sans fin s’est notamment fait remarquer au dernier festival du film policier de Beaune où il raflé le Grand Prix, décerné par un jury conquis par ce polar pluvieux qui donnerait parfois l’impression d’être face à un nouveau Seven à la sauce asiatique. L’histoire du chef de la sécurité d’une usine qui va collaborer à une enquête sur une série de meurtres sauvages commis sur des femmes. Une enquête qui va virer à l’obsession.

Plus précisément, Une pluie sans fin marque une sorte de rencontre entre le cinéma social chinois et le polar sombre à la coréenne. Méticuleux et extrêmement précis dans chacune des composantes de son film à l’esthétique sur-léchée, Dong Yue signe un long-métrage qui tente d’envoûter, de prendre le spectateur au piège de la toile d’araignée orchestrée autour de son enquête menée selon les diktats d’une narration audacieuse. Davantage tourné vers l’élaboration d’une atmosphère pesante plus que préoccupé par les impératifs de rebondissements dramatiques trépidants, Une pluie sans fin distille un inconfort poisseux qui fait écho à la pluie incessante qui s’abat à l’écran d’un bout à l’autre du récit, mais surtout à son contexte socio-économique anxiogène (à quelques mois de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine en 1997), contexte censé être une porte d’entrée pour un commentaire sur la désindustrialisation qui a durement touché le sud de la Chine, contribuant à creuser les inégalités, mais aussi pour parler de l’héritage culturel d’un pays communiste qui pendant des années a conditionné ses ouvriers à l’obsession du travail.

Mais si Une pluie sans fin ne manque pas de virtuosité dans ses meilleurs moments, Dong Yue ne réussit toutefois pas à rendre une copie pleinement aboutie pour sublimer ses intentions. À commencer par ce sous-texte socio-politique que le cinéaste ne travaille pas très bien, comme s’il ne savait pas trop comment s’en servir au-delà de l’envie de l’évoquer en toile de fond. Côté personnages, le cinéaste s’étale sur la psychologie de son anti-héros mais sans parvenir à créer un lien indéfectible entre le spectateur et lui (tout le contraire de Memories Of Murder, son évident modèle). Et puis il y a l’ambiance, qui profite de l’atmosphère suffocante et du ton sombre plaqué à l’image, mais qui pâtit des longueurs d’un film manquant cruellement d’intensité. Néo-réalisateur qui pourrait inaugurer une énième « nouvelle génération » de jeunes cinéastes chinois, Dong Yue semble avoir du mal à gérer les héritages qu’il prend en main, entre l’influence des voisins coréens (Bong Joon-ho certes, mais aussi Sung-hyun Byun ou Na Hong-jin) et le modèle du cinéma d’auteur chinois façon Jia Zhang-ke et compagnie. Le mélange entre policier retors et drame social prend par intermittence. Quand la mayonnaise monte, le film éblouit par sa robustesse et sa maestria. Mais quand la machine s’enraye, Une pluie sans fin ronronne, souffre de son manque de rythme, de ses longueurs et de son équilibre précaire, une force qui devient sa faiblesse. Sans compter qu’il pourra paraître un peu en retard sur son temps pour les mordus de cinéma asiatique.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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