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THE SUBSTANCE de Coralie Fargeat : la critique du film

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Nom : The Substance
Mère : Coralie Fargeat
Date de naissance : 06 novembre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : France, USA
Taille : 2h20 / Poids : NC
Genre : Drame, Horreur

Livret de Famille : Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid

Signes particuliers : Le film qui a secoué Cannes !

Synopsis : Avez-vous déjà rêvé d’une meilleure version de vous-même ? Vous devriez essayer ce nouveau produit : THE SUBSTANCE. Il a changé ma vie. Il permet de générer une autre version de vous-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite. Respectez les instructions : VOUS ACTIVEZ une seule fois. VOUS STABILISEZ chaque jour. VOUS PERMUTEZ tous les sept jours sans exception. Il suffit de partager le temps. C’est si simple, qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?

 

DE LA MEILLEURE A LA PIRE VERSION DE SOI-MÊME

NOTRE AVIS SUR THE SUBSTANCE

Encore un film de genre français « à la Cronenberg » en compétition officielle à Cannes. Après le Titane de Julia Ducournau en 2021, la Croisette déroulait cette année son tapis rouge à The Substance, deuxième film de la réalisatrice Coralie Fargeat (le revenge movie Revenge). Un second long-métrage avec des ambitions nettement décuplées par rapport à sa précédente série B féministe (avec en commun la mort symbolique d’une héroïne et sa renaissance déterminée), et une star au casting : la revenante Demi Moore.

Ancienne star de cinéma désormais à la tête d’une émission de fitness très populaire façon Jane Fonda, Elisabeth Sparkle est dégagée de son show le jour de ses 50 ans par son (horrible) patron désireux rajeunir l’image de la chaîne et qui la trouve de fait, trop vieille pour le sacro-saint « entertainment ». Déprimée, elle accepte avec appréhension la proposition d’un laboratoire énigmatique qui aurait développé un traitement révolutionnaire. En s’injectant une mystérieuse substance qui va modifier son ADN, elle pourrait devenir la « meilleure version d’elle-même ». Comprenez par là, plus jeune, plus belle, plus parfaite. Sue est née et avec elle, le début d’un vrai cauchemar.

Voilà le genre de film qui secoue violemment un festival comme le festival de Cannes. Entre deux drames roumains ou iraniens, The Substance a vite fait de traumatiser un festivalier enfariné par les projections enchaînées à la pelle. Classé Body Horror, ce sous-genre horrifique auquel David Cronenberg ou Clive Barker -entre autres- ont donné ses lettres de noblesse, The Substance est un drame qui déforme les corps, qui tripote la chair, qui fait craquer les os, qui fait couler des litres de fluides corporels… Un véritable étalage d’images bien dégueulasses au service d’un propos fort, rageur et moderne.

Avec The Substance, Coralie Fargeat sort les crocs et les images chocs pour parler des ravages du jeunisme dans un monde actuel qui ne jure que par la culture de l’image et de la perfection artificielle. De l’invisibilisation sociétale des femmes de plus de 50 ans jugées « inutiles » à une industrie du spectacle cynique obnubilée par les chiffres ou l’audimat, en passant par la vision de la femme dans une société machiste et patriarcale, le star system carnassier ou encore l’angoisse de vieillir, The Substance est une critique plus que virulente qui vient se fondre avec cohérence dans l’élan post #MeToo. La démonstration de Coralie Fargeat, soutenue par l’exceptionnelle performance de Demi Moore (et de Margaret Qualley), est plutôt brillante, intelligente et pas avare en férocité viscérale. Excessif voire extrême jusqu’au volontairement grotesque, torturé, violent, tragique, The Substance est un film sur la monstruosité sociale qui pousse à la monstruosité physique. Non sans une virtuosité parfois vertigineuse dans sa capacité à traduire ses idées fortes par des images impactantes qui se graveront pour longtemps dans les mémoires (la dégénérescence physique de cette star déchue fracasse les rétines et soulève les coeurs mal accrochés). À ce propos, on déconseillera vivement de voir le film le ventre plein tant l’écœurement flirte avec le vomitif dans des séquences visuellement proches de l’insoutenable.

Œuvre aussi tordue que le corps féminin qu’elle déforme et détruit, The Substance est une fable gore qui aura bien mérité un prix cannois. En revanche, on s’interroge toujours sur le choix de lui avoir octroyé celui du meilleur scénario. Car en étant un peu regardant, on regrettera que l’ensemble ne tienne pas vraiment dans l’idée : le fait que la « meilleure version » de soi-même générée soit une autre personne ne partageant pas de mémoire commune amène à un sentiment d’incohérence global car au final, pourquoi se lancer dans ce traitement puisqu’il n’apporte rien à celle qui le prend et tout à la nouvelle entitée créée à partir d’elle-même ? Si l’on passe sur un postulat franchement branlant, Coralie Fargeat réussit tout de même son entrée au panthéon de l’horreur intelligente avec cette satire grand-guignolesque hallucinée. The Substance vient inscrire son nom avec fracas dans le monde des drames « de monstres humains » aux côtés des Frankenstein, Freaks, Elephant Man, La Mouche. Avec une touche de Faust pour le mythe du pacte avec le diable (ici une société de biotechnologie) et surtout beaucoup beaucoup de Cronenberg. Il est d’ailleurs amusant de voir qu’aujourd’hui, les meilleurs Cronenberg ne sont pas ceux réalisés par le cinéaste culte (voir son dernier -et nullissime- Les Linceuls) mais plutôt par des héritiers spirituels comme Julia Ducournau ou Coralie Fargeat, entre autres.

 

 

 

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