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TEHACHAPI de JR : la critique du film

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Nom : Tehachapi
Père : JR
Date de naissance : 12 juin 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h30 / Poids : NC
Genre : Documentaire

Livret de Famille : JR, des détenus de la prison de Tehachapi…

Signes particuliers : L’un des plus beaux films de l’année. 

Synopsis : Les Etats-Unis représentent 4,2% de la population mondiale et 20% des détenus dans le monde. En octobre 2019, l’artiste JR obtient l’autorisation sans précédent d’intervenir dans l’une des prisons de haute sécurité les plus violentes de Californie : Tehachapi. Certains détenus y purgent des peines à perpétuité pour des crimes commis alors qu’ils n’étaient que mineurs. À travers son projet de fresque, JR rassemble les portraits et les histoires de ces hommes, offrant un regard différent sur le milieu carcéral et apportant un message d’espoir et de rédemption possible.

JR S’INVITE DANS UNE PRISON AMERICAINE

NOTRE AVIS SUR TEHACHAPI

Artiste contemporain de génie dont les œuvres rayonnent aux quatre coins du monde, JR n’est pas que l’homme des immenses photo-collages majestueux qui subliment des lieux improbables en racontant des histoires de gens, c’est aussi un grand amoureux de cinéma qui s’est essayé à l’exercice à plusieurs reprises dans une logique de prolongement de son travail formel. On n’est pas prêt d’oublier son magnifique Visages, Villages corealisé avec la regrettée Agnès Varda. L’un de nos plus gros coups de cœur de l’année 2017. Avec Tehachapi, JR prolonge cette fois l’un de ses grands projets artistiques récents. L’artiste a pu obtenir l’autorisation exceptionnelle d’aller réaliser une œuvre photographique gigantesque dans l’une des prisons les plus sévères des États-Unis, avec la collaboration de prisonniers pour la plupart condamnés à perpétuité. Tehachapi raconte la réalisation de cette œuvre et dresse des portraits de repris de justice en quête de rédemption.
Magnifique, bouleversant. Deux qualificatifs qui résument à eux-seuls ce Tehachapi, long-métrage documentaire aux allures de making of sur les coulisses d’une œuvre géniale, s’ouvrant sur des portraits d’êtres brisés. « Magnifique » comme l’œuvre collage réalisée dans cette prison, un montage de portraits photographiques de condamnés prisonniers d’une fosse. Évocatrice, elle est une allégorie visuelle de ces hommes jetés dans ce trou qu’est la prison de Tehachapi pour le reste de leur vie ou presque. Car aux États-Unis, le travail de réinsertion n’est que peu développé et les perspectives sont limitées pour les condamnés longue durée. « Bouleversant » ensuite, comme certains témoignages qu’extirpe JR de ces hommes, pour beaucoup des repentis assumant leurs erreurs et avouant mériter d’être en prison même s’ils regrettent parfois que leur passé condamne à jamais leur futur. Gueules cassées, corps portant des stigmates de violence, tatouages néo-nazis, JR rencontre divers profils, sans jugement, avec une profonde sincérité. De leurs échanges entre rires légers et confessions déchirantes, jaillit un torrent d’humanité intarissable durant l’heure et demi passée en compagnie de ces fautifs d’un jour devenu des parias de toujours. En rehumanisant ces êtres déshumanisés depuis trop longtemps, JR leur offre une nouvelle dignité porteuse d’espoir. Ces prisonniers, pour la plupart condamnés à des sentences à vie alors qu’ils étaient mineurs, ne sortiront possiblement jamais de Tehachapi. À défaut de franchir un jour à pieds les imposants murs de béton de cette forteresse isolée dans le désert californien, ces visages vont les franchir en photo, ils vont s’extraire pour l’éternité du trou dans lequel ils ont été parqués par un gouvernement qui préfère planquer et oublier ces criminels plutôt que de chercher à les réinsérer. Privés d’espoir, privés de futur, ils vont évoluer dans un semblant de société repliée sur elle-même et épris de violence entre guerre de gangs, groupes ou communautés. Et leur peine d’être sans cesse rallongée à chaque événement violent, histoire d’être sûr que ces parias soient définitivement oubliés.

Peut-être parce qu’il a ce recul d’un regard étranger, l’artiste-cinéaste signe un documentaire puissant et politique sur le système carcéral américain, sur le traitement des condamnés, sur la manière de gérer ces soit-disant « monstres à enfermer ». Tehachapi est une éloge de la rédemption et du pardon. JR montre surtout qu’en considérant ces âmes perdues avec dignité et respect, certaines peuvent revenir de l’enfer. Mais encore faut-il vouloir faire ce travail que le gouvernement américain ne veut pas faire, préférant la facilité de ne pas s’y confronter.

Par Nicolas Rieux

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