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SIRAT d’Oliver Laxe : la critique du film [Cannes 2025]

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Spectateurs

Nom : Sirat
Père : Oliver Laxe
Date de naissance : 10 septembre 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : Espagne, France
Taille : 1h55 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Sergi LópezBruno NúñezJade Oukid

Signes particuliers : L’un des meilleurs films de Cannes 2025.

Synopsis : Au cœur des montagnes du sud du Maroc, Luis, accompagné de son fils Estéban, recherche sa fille aînée qui a disparu. Ils rallient un groupe de ravers lancé à la recherche d’une énième fête dans les profondeurs du désert. Ils s’enfoncent dans l’immensité brûlante d’un miroir de sable qui les confronte à leurs propres limites.

NOTRE PALME D’OR

NOTRE AVIS SUR SIRAT

C’est l’un des films qui aura le plus fait parler dans le vaste cru cannois 2025. Avec un prix du jury ex-æquo à l’arrivée. Réalisé par le franco-espagnol Oliver Laxe (Viendra le feu), Sirat nous embarque pour une expérience sensorielle dans l’effervescence d’une rave party sauvage sous le soleil brûlant du désert marocain. Là où se rend Luis (Sergi Lopez), un homme à la recherche de sa fille disparue depuis cinq mois et dont il a eu vent qu’elle pourrait se rendre à cette fête illégale célébrant un idéal de liberté et de danse effrénée. Quand la police met fin à l’événement en expulsant tous les participants, Luis et son fils suivent un groupe de ravers décidés à voyager à travers l’Atlas pour se rendre à une autre fête prévue au sud du pays, près de la frontière mauritanienne. Le début d’un long périple dangereux et hypnotique.

Découvrir Sirat, c’est accepter de faire un voyage qui sollicitera tous les sens dans une harmonie enivrante de musiques, de sourires, d’angoisses, de frayeurs et de quête de liberté totale. Dans la culture musulmane, le « Sirat » est un pont suspendu qui mène ceux qui l’empruntent vers le paradis ou l’enfer. Dans le film d’Oliver Laxe, le chemin des personnages va justement les conduire au paradis de la liberté ou à l’enfer d’un cauchemar chaotique. On a coutume de dire parfois que peu importe la destination, c’est le voyage qui compte. Celui de Sirat est extraordinaire, fiévreux, d’une intensité folle, d’une beauté humaine forte, d’un désespoir tenace, d’une horreur terrible aussi.

Sirat est une métaphore du monde. Oliver Laxe imagine un acte de résistance dans un effondrement général. La radio ou quelques brefs échanges entre les personnages nous font comprendre plus ou moins le tableau général, les conflits sont partout, tout est fichu, la Troisième Guerre Mondiale est sur le point d’éclater. Mais dans ce désert marocain éclairé par un soleil ardent, un désir de vivre passionnément résonne. Au rythme de la musique techno crachée par une horde d’enceintes géantes, on danse, on vibre, on s’amuse, on vit. Après tout, quand tout s’écroule, qu’est-ce qu’il nous reste à part… danser pour rester en vie. Luis débarque, comme nous spectateurs, un peu perdu dans ce monde qui n’est pas le sien. Il n’est pas là pour la fête, lui ne fait que chercher désespérément sa fille disparue. Mais en emboîtant le pas à ces teufeurs qui vivent en nomades dans leurs camions, il va découvrir comme nous un univers fascinant, hypnotisant. Ils sont tous semblables à des Freaks (et le revendiquent, t-shirt à l’appui) mais à leur contact, on éprouve la sensation d’un idéal de vie sur lequel la marche du monde semble ne pas avoir d’emprise. Jusqu’à un certain point. Car la réalité semble rattraper toujours, tristement, inéluctablement.

Quelque part entre un voyage sous tension à la Sorcerer de William Friedkin, un trip punk à la Mad Max et un périple halluciné à la Werner Herzog, Sirat est une œuvre radicale qui ne cherche pas forcément à se faire aimer facilement mais qui emporte par la puissance qu’elle dégage. Ce désert marocain qui ressemble autant à un purgatoire infernal qu’à un espace libre où les corps bougent au rythme de la techno qui pulse, va être le théâtre d’une allégorie du monde où l’on est en suspens entre la vie et la mort alors que le système collapse autour de nous. Certains sont très conscients de l’urgence de la situation, d’autres veulent y échapper par l’évasion dans un espace hors du temps. Mais peut-on réellement s’affranchir de tout en fuyant la réalité ? Dans Sirat, une poignée tente de le faire avec ce road trip dément dans les montagne de l’Atlas. Mais le macabre de la réalité du monde n’est jamais bien loin et c’est probablement parce que l’on s’habitue trop vite à cet univers doux- dingue en compagnie de ces marginaux éclatants, que le choc est si violent quand le boomerang revient. Sirat est un choc inoubliable. Et même si le Un Simple Accident de Jafar Panahi est crédible dans le rôle, on ne peut s’empêcher de se dire que Sirat aurait pu faire une sacrée Palme d’Or originale.

 

Par Nicolas Rieux

 

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