SENTINELLE SUD de Mathieu Gerault : la critique du film

Sentinelle Sud est un « mauvais bon film ». Porté par d’excellents comédiens (Niels Schneider, Sofian Khammes, India Hair) avec une mention spéciale pour la dernière, le film est admirablement cadré et photographié.

Passées ces qualités indéniables qui en font un vrai film de cinéma, il souffre malheureusement de deux défauts majeurs. D’une part, un scénario qui, bien que travaillé et en partie dialogué avec soin, complique inutilement ce qui aurait pu constituer un fil rouge très respectable : la descente d’un ex-sentinelle revenu du conflit afghan et qui peine à se réinsérer au sein des « civils ». Un long chemin l’attend avec au bout le rachat, l’amour et un but pour le reste de son existence. Le réalisateur (et scénariste de métier) a cru bon d’alourdir le récit de plusieurs intrigues parallèles (trafic d’opium au sein du corps de l’armée, magouilles entre arabes et gitans, casse de bijouterie pour payer des dettes.) qui n’apportent rien au récit et en affaiblissent même le corps névralgique.

D’autre part, le film est volontairement teinté d’une esthétique « seventies » (les véhicules, la quasi-absence d’objet post-millénaires…) et, plus grave, reprend quasiment à la scène près certains des plans des films de Melville (Niels Schneider reprenant des poses d’Alain Delon). C’est furieusement daté, inséré sans cohérence au reste du film. On a l’impression d’un réalisateur qui rend hommage par pastiche interposé à ses maîtres de cinéma. Avec Tarantino ça passe voire ça épate, mais ici ça gêne et ça agace. Au final, un film qui partait d’une intention louable mais qui se perd en route par manque de personnalité (ou d’abus de personnification).