MISANTHROPE de Damián Szifron : la critique du film

On l’avait un peu perdu de vue depuis son excellent Les Nouveaux Sauvages qui avait grand bruit en 2014 (sélection officielle à Cannes, engagé dans la course à l’Oscar). Neuf ans plus tard, l’argentin récent membre du jury cannois a fait son retour en salles au printemps dernier avec Misanthrope, un polar sombre suivant la course contre la montre de policiers pour mettre la main sur un tueur de masse qui venait d’abattre plusieurs dizaines de personnes à Baltimore. Shailene Woodley et Ben Mendelhson sont les têtes d’affiche de ce premier film en langue anglaise pour Szifron.

Le saut vers les États-Unis est souvent périlleux pour les cinéastes étrangers. Plus particulièrement pour les auteurs qui d’un coup s’essaient aux lois d’un film plus commercial. Mais visiblement Szifron avait suffisamment de talent pour relever tous les défis. Le cinéaste s’en est sorti à merveille. Loin des thrillers fades et formatés, Misanthrope surprend par la personnalité qui l’anime. Derrière une mise en scène nerveuse, précise et inventive, derrière une écriture au cordeau, un rythme haletant et une interprétation exceptionnelle de Shailene Woodley, Damian Szifron affiche de vraies thématiques modernes. Une société qui sombre dans la folie, une ambiance de désespoir, la frontière entre le Bien et le Mal qui se brouille, des luttes de pouvoirs intestines qui minent la logique humaine, Misanthrope est un thriller nihiliste magistral dans la lignée des David Fincher. Au cœur de ce polar âpre et glaçant très porté sur la psychologie, Szifron dresse au passage un portrait de femme tourmentée. Un vrai bon film à la fois captivant et non dénué d’intelligence dans sa manière d’aborder un genre pourtant continuellement labouré.