LE LIVRE DES SOLUTIONS de Michel Gondry : la critique du film

Qu’il semble loin le Michel Gondry à succès d’Eternal Sunshine of a Spotless Mind. Si le cinéaste est loin d’avoir chômé ces dernières années entre courts-métrages, séries télé, clips ou publicités, sa dernière sortie au cinéma remonte à l’anecdotique Microbe et Gasoil, passé inaperçu à sa sortie en 2015. Présenté au festival de Cannes où il a été chaudement acclamé, Le Livre des Solutions marquait donc son grand retour avec un film attendu. Dans cette comédie fantaisiste portée par Pierre Niney et Blanche Gardin, Gondry y imagine l’histoire d’un réalisateur essayant de terminer un film contre l’avis de ses producteurs qui ne veulent plus le suivre dans ses délires expérimentaux. Se sentant piégé, il vole ledit film et ses rushes avec la complicité de sa monteuse et de sa chargée de production, pour aller se planquer au fin fond des Cévennes chez sa grand-tante. L’objectif, le finir selon sa vision… sous réserve qu’il en soit vraiment capable.

Sous couvert d’une comédie souvent hilarante, Michel Gondry dresse une réflexion aux allures de mise en abîme sur le métier de cinéaste. Une fois une œuvre terminée, place à l’heure tant redoutée du regard des autres sur un travail qui a demandé tant d’efforts, d’implication et d’abnégation. Ce moment redouté, on voudrait le fuir, le repousser éternellement à plus tard pour ne pas s’y confronter… et c’est ce que fait Marc (exceptionnel Pierre Niney faussement en roue libre). Il fuit constamment la fin de son travail pour ne pas vivre le moment fatidique de la confrontation aux jugements d’autrui. De cette idée qui a sans nul doute un petit quelque chose de personnel (voire de vécu ?), Michel Gondry tire une amusante rêverie mélancolique qui lui correspond si bien. On rit beaucoup devant ce faux feel good movie qui philosophe sur le métier d’artiste en recourant à une bonne dose de second degré. Car le Marc de Michel Gondry est un vrai personnage, à la fois plein d’idées brillantes ou folles, tour à tour passionné ou dépressif (en gros bipolaire), colérique et touchant, fantaisiste, névrosé, égocentrique et parfois misanthrope. On se croirait chez Woody Allen, la touche poético-ubuesque chère à Gondry en plus. Le cinéaste signe un film qui lui ressemble et qui régale même s’il patine un peu dans sa denrière partie plus laborieuse car sur la longueur, Le Livre des Solutions semble tourner en rond en cherchant sa sortie… au fond à l’image de son héros.