[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Molly’s Game
Père : Aaron Sorkin
Date de naissance : 2017
Majorité : 03 janvier 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h20 / Poids : NC
Genre : Thriller, Biopic
Livret de famille : Jessica Chastain, Idris Elba, Kevin Costner, Michael Cera…
Signes particuliers : Jessica Chastain, c’est le « triple S » : Somptueuse, sympa, surdouée.
AARON SORKIN RÉUSSIT SON PASSAGE À LA MISE EN SCÈNE
LA CRITIQUE DE LE GRAND JEU
Résumé : La prodigieuse histoire vraie d’une jeune femme surdouée devenue la reine d’un gigantesque empire du jeu clandestin à Hollywood ! En 2004, la jeune Molly Bloom débarque à Los Angeles. Simple assistante, elle épaule son patron qui réunit toutes les semaines des joueurs de poker autour de parties clandestines. Virée sans ménagement, elle décide de monter son propre cercle : la mise d’entrée sera de 250 000 $ ! Très vite, les stars hollywoodiennes, les millionnaires et les grands sportifs accourent. Le succès est immédiat et vertigineux. Acculée par les agents du FBI décidés à la faire tomber, menacée par la mafia russe décidée à faire main basse sur son activité, et harcelée par des célébrités inquiètes qu’elle ne les trahisse, Molly Bloom se retrouve prise entre tous les feux…
2004, Los Angeles. Molly Bloom est une ancienne grande espoir du ski gravement blessée au dos. Adieu la prometteuse carrière olympique qui lui tendait les bras. Ce mouton noir d’une famille successfull où tous les enfants atteignent des sommets d’excellence, débarque à Los Angeles sans savoir de quoi sera fait le lendemain. Assistante d’un type exécrable, elle entre en contact avec le monde du poker alors que son boss organise des parties privées. Ce sera le début de l’ascension de Molly Bloom. Très intelligente et armé d’un mental de gagnante quoiqu’elle fasse, la jeune femme va bâtir un empire autour des parties clandestines qu’elle organisera, où les sommes les plus dingues seront mises sur la table par des célébrités du cinéma (Leonardo DiCaprio ou Ben Affleck) comme de la télé, de la finance… voire de la mafia ! A l’écran dans Le Grand Jeu, c’est la talentueuse Jessica Chastain qui se glisse dans le tailleur de Molly Bloom. Et puisque l’on parle de « Grand Jeu« …
Jessica Chastain mériterait un Oscar. C’est drôle, on a l’impression de redire la même chose à chaque nouvelle prestation de l’immense comédienne qu’elle est. Avec Le Grand Jeu, son impressionnante régularité au plus haut niveau de son art épate encore une fois, quelques mois seulement après sa formidable performance dans le très bon Miss Sloane de John Madden. C’est (presque) à bout de bras qu’elle porte aujourd’hui cette première réalisation du génial Aaron Sorkin, le brillant scénariste de The Social Network et Steve Jobs, aussi créateur des séries A la Maison Blanche ou The Newsroom. On disait « presque » car l’interprétation XXL de miss Chastain profite à n’en pas douter, de l’excellence de ce qu’elle a eu à jouer dans ce nouveau long-métrage. Cette excellence, c’est le script de Sorkin, du caviar pour un comédien, du caviar pour tout amateur de cinéma, de fins dialogues, de profondeur thématique, et d’intelligence dans l’art de raconter une histoire. Un peu à la manière du Steve Jobs de Danny Boyle mais dans un registre toutefois très différent, Le Grand Jeu est une époustouflante partition qui fascine et hypnotise par sa maîtrise à tous les niveaux, que ce soit dans sa méthodologie narrative d’une précision horlogesque, dans le rythme métronomique de ses tirades vivaces à la fluidité virtuose et mélodieuse, ou dans la vigueur de sa mise en scène où l’énergie répond sans cesse à la créativité.
Sorte de pseudo-rencontre entre Le Loup de Wall Street, Ocean’s Eleven et Miss Sloane, chacun pour des raisons très différentes, Molly’s Game (son très beau titre original) est un concentré d’efficacité qui file à 200 à l’heure. Un film où tout se passe à la mesure de l’ascension fulgurante de son personnage. C’est simple, tournez la tête ne serait-ce que vingt secondes pour regarder ailleurs, et vous serez largué au milieu d’une séquence qui ne vous aura pas attendu pour avancer. Tout le génie de Sorkin, artiste du langage et musicien des dialogues, qui élabore ici un film d’une densité incroyable. Par l’entremise d’une plongée captivante dans l’univers du poker, le promu metteur en scène déroule en réalité un portrait de femme exceptionnel, l’histoire d’une battante qui aura certes flirté avec l’illégalité, mais qui n’aura eu de cesse d’être l’incarnation du courage et surtout de la dignité, pour surmonter toutes les épreuves qui se dresseront face à elle. Une femme aux accents d’héroïne moderne, anoblie par son indéfectible intégrité. Et si certains n’y verront qu’un énième film sur le poker, ce serait passer à côté des nombreuses idées esquissées par un script bien plus riche qu’il n’y paraît de premier abord. En filigrane du récit de cette aventure tirée d’une histoire vraie, Sorkin de parler d’amour filial, de l’importance du « nom » que l’on porte, de la justice, des préjugés et des conséquences des choix que l’on fait. Et au cœur de cette édifice brillant, Jessica Chastain est tout, le visage d’une tragédie malchanceuse, le corps d’une sorte de femme fatale fantasmagorique, la force d’une âme indestructible qui rien ne mettra à terre, et le symbole d’une droiture admirable. Tout ça, et aussi une remarquable mannequin arborant mille et une tenues de luxe mettant sans cesse en valeur, un alignement de décolletés à ranger au patrimoine de l’Unesco ! Simple régalade masculine d’un réalisateur qui s’est fait plaisir avec l’incroyable beauté incandescente de sa comédienne ? Non. Juste la traduction physique d’une transformation totale, de jeune fille timide sous la coupe d’un père très dur puis d’un boss épouvantable, à femme pleine d’assurance dominant des hommes de pouvoir. Et par ce biais, un moyen de poser une réflexion sur la perception et la manière d’évaluer les hommes et les femmes dans nos sociétés modernes, le tout dans une lecture fondée sur l’éternel arc de l’ascension et de la chute d’un personnage attachant.
BANDE ANNONCE :
Par Nicolas Rieux