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LA CONVOCATION de Halfdan Ullmann Tøndel : la critique du film

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Nom : Armand
Père : Halfdan Ullmann Tøndel
Date de naissance : 12 mars 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : Norvège, Suède, Allemagne, Pays-Bas
Taille : 1h51 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller

Livret de famille : Renate Reinsve, Ellen Dorrit Petersen, Endre Hellestveit

Signes particuliers : L’acte d’un naissance d’un grand cinéaste.

Synopsis : Lorsqu’un incident se produit à l’école, les parents des jeunes Armand et Jon sont convoqués par la direction. Mais tout le monde a du mal à expliquer ce qu’il s’est réellement passé. Les récits des enfants s’opposent, les points de vue s’affrontent, jusqu’à faire trembler les certitudes des adultes…

 

LA POMME N’EST PAS TOMBÉE LOIN DE L’ARBRE

NOTRE AVIS SUR LA CONVOCATION

Auréolé de la Caméra d’Or récompensant le meilleur premier film toutes sélections confondues, La Convocation avait été l’un des (nombreux) chocs du festival de Cannes 2024. Pour sa première réalisation, le norvégien Halfdan Ullmann Tøndel a frappé fort avec ce drame tendu, quasi en temps réel, en immersion dans une école. Lorsqu’un incident se produit entre ses murs, les parents des jeunes Armand et Jon sont convoqués par la direction. Mais tout le monde a du mal à expliquer ce qu’il s’est réellement passé. Les récits des enfants s’opposent, les points de vue s’affrontent, jusqu’à faire trembler les certitudes des adultes…

Si le talent n’est pas forcément quelque chose d’héréditaire, Halfdan Ullmann Tøndel a su faire honneur à sa lignée et respecter son héritage. Petit-fils de l’immense Ingmar Bergman, le jeune cinéaste a tiré d’une histoire de fait divers tristement banal, un grand film doublé d’une véritable leçon de cinéma XXL. De quoi bouleverser ce qui aurait pu n’être qu’une simple chronique familiale sur le papier. Huis-clos étouffant entre les murs d’une école où une toute petite poignée de protagonistes s’affrontent, La Convocation va s’imposer très vite comme un drame aux allures de thriller jouant avec les apparences et les faux-semblants. De l’extérieur, l’école qui va devenir le tombeau de secrets excavés, a des allures d’établissement plutôt noble. En y pénétrant, tout y est dysfonctionnel, d’une alarme incendie qui débloque à des murs égratignés en passant par des lumières défaillantes ou une direction emprunt de lâcheté. Cette illusion trompeuse donne le ton, La Convocation sera un film dont il faut se méfier, de ce qui y est présenté, de ce qui y est dit, de ce qui y est fait, de ce qui y est imposé comme vrai ou faux.

Autopsie d’une confrontation houleuse entre parents, La Convocation brille par l’impeccable précision de son écriture qui plante des personnages ayant l’air d’occuper des fonctions déterminées dans le récit avant que tout ne se trouble, d’abord quand les apparences commencent à paraître dissonantes, puis quand l’on plonge dans les plus petites failles d’un schéma trop facilement établi pour que tout soit aussi noir ou blanc qu’on ne veuille bien nous le présenter. Halfdan Ullmann Tøndel va alors remarquablement et fort subtilement user de la force des sous-entendus, des petites piques, des attitudes placides, surprenantes ou des colères tempétueuses.

Mais la véritable audace du cinéaste est de n’avoir pas fait le choix du drame aiguisé comme un pur thriller à l’os mais d’y avoir injecté une dimension presque surréaliste chargée en symbolismes, allant jusqu’à imaginer les enfants -pourtant au cœur de l’intrigue- comme des fantômes absents, allant jusqu’à imaginer une séquence musicale d’une beauté renversante au milieu de la gravité de l’histoire, allant jusquà placer un interminable fou-rire en plein coeur d’une ambiance glaçante de tension. Ces choix artistiques ne plairont pas forcément à tout le monde, mais c’est dans ce parti pris possiblement clivant que La Convocation s’élève en œuvre de caractère, en élan de cinéma magistral aux aspérités tranchantes.

Cette mise en scène qui frôle le vertige et emmène le film à flirter avec une atmosphère quasi surnaturelle, donne une consistance nouvelle à un drame qui pose des questions passionnantes et d’actualité à l’heure où règne une tendance aux jugements faciles, expéditifs et souvent peu réfléchis. Comment conjuguer la prise en compte sérieuse de la parole d’un enfant et la méfiance envers la complexité de l’interprétation d’un esprit immature ? Comment trouver le juste milieu entre le croire et le prisme du regard concerné ? Comment dialoguer sereinement quand une petite tension peut vite dégénérer vers la colère incontrôlée ? La Convocation discours sur l’importance de prendre le temps de comprendre, d’analyser, d’éviter les jugements hâtifs, à plus forte raison quand il s’agit de la vérité des plus petits récupérée par des regards d’adultes. Si le film s’effiloche un tout petit peu dans une dernière partie moins sèche et davantage tournée vers les métaphores et les allégories, La Convocation n’en demeure pas moins un sacré long-métrage, souvent brillant, parfois surprenant, et globalement très maîtrisé. À ces qualités s’ajoutent les interprétations exceptionnelles d’Ellen Dorit Petersen (Blind, Thelma) et surtout Renato Reinsve en mère expédoée sans sommation sur le banc des accusés.

 

Par Nicolas Rieux

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