
Nom : Hamnet
Mère : Chloé Zhao
Date de naissance : 21 janvier 2026
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h05 / Poids : NC
Genre : Drame, Historique
Livret de Famille : Paul Mescal, Jessie Buckley, Emily Watson…
Signes particuliers : Romanesque, contemplatif, sublime.
Synopsis : Angleterre, 1580. Un professeur de latin fauché, fait la connaissance d’Agnes, jeune femme à l’esprit libre. Fascinés l’un par l’autre, ils entament une liaison fougueuse avant de se marier et d’avoir trois enfants. Tandis que Will tente sa chance comme dramaturge à Londres, Agnes assume seule les tâches domestiques. Lorsqu’un drame se produit, le couple, autrefois profondément uni, vacille. Mais c’est de leur épreuve commune que naîtra l’inspiration d’un chef d’œuvre universel.

TO BE OR NOT TO BE
NOTRE AVIS SUR HAMNET
C’est avec une joie non dissimulée que l’on retrouve Chloé Zhao quatre ans après sa surprenante aventure du côté de Marvel. Celle qui s’était imposée comme l’une des cinéastes les plus passionnantes du paysage cinématographique indépendant américain avec des œuvres précieuses telles que Les Chansons que les frères m’ont apprises, The Rider ou Nomadland avait tenté inconsciemment l’expérience -en total contre-emploi- du blockbuster de super-héros avec Les Éternels. A l’arrivée, l’un des plus gros flops pour Marvel et l’un des films les plus intelligents jamais sortis de leurs fourneaux. Chloé Zhao avait su apporter profondeur et humanité à son long métrage et ironiquement, c’est probablement cette même densité qui lui a valu son échec. On est donc doublement heureux de voir la cinéaste revenir à un cinéma plus tangible et humain, loin des pirouettes super-héroïques et des effets spéciaux.
Avec Hamnet, Chloé Zhao adapte le roman éponyme de Maggie O’Farrell, au passage coscénariste avec Zhao de cette adaptation. Le film, comme le livre, imagine de manière fictive les coulisses de la création du célébrissime Hamlet de William Shakespeare en faisant résonner dans la pièce, la mort (authentique) de son jeune fils à l’âge de 11 ans. Il s’appelait Hamnet. Et Chloé Zhao de rappeler pourquoi elle est une immense cinéaste au talent rare et pur.

Il y a quelques mois, le public du festival de Toronto lui a décerné son prix. Hamnet était lancé et qui sait, sa trajectoire pourrait bien se finir aux Oscars, comme Nomadland il y a quelques années. L’avenir nous le dira mais l’évidence est moindre car force est d’avouer que le film est une œuvre bien plus exigeante. Hamnet est une tragédie d’époque toute en langueur et en lenteur, balancée par des vents contraires, tour à tour sombre ou lumineuse, émouvante ou mélancolique, naturaliste ou impressionniste, sobre ou poétique, charnelle, existentielle, épurée ou mélodramatique. Tel un diamant subtilement taillé, Hamnet est un film de reflets où aucun n’est semblable à un autre.
En matière de cinéma, on parle souvent du « fond et de la forme », la sacro-sainte combinaison qui fait battre le cœur des chefs-d’œuvre. Hamnet est un grand film car il séduit sous toutes ses formes, car il emballe le cœur, nourrit l’intellect et émerveille les yeux. Par son sujet, il s’en dégage forcément une profonde dimension émotionnelle. Chloé Zhao filme le deuil selon un adroit mélange de tragédie viscérale et de lyrisme bouleversant. En étant juste à chaque fois, à chaque étape, à chaque plan, à chaque scène. Mais la cinéaste ne se contente pas d’extirper des larmes grâce à la simple puissance du cinéma. Elle va faire parler toute l’intelligence de son sens de la mise en scène avec des instants en apesanteur. Comme cette rage silencieuse d’une mère qui hurle sa douleur, comme cet entrechevetrement entre les mauvais souvenirs du passé (la mort d’une mère) et le présent (la mort d’un enfant), comme cette fuite d’un père dévasté, comme l’utilisation de cette puissante montée musicale signée Max Richter sublimant la finalité du propos général. Hamnet est une tragédie sur le deuil, mais c’est surtout un film sur la création, où quand le plus beau jaillit du plus horrible, où quand une douleur inextinguible donne naissance à une merveille expiatoire. Hamlet est une pièce sur la mort. Shakespeare l’a côtoyée de trop près. Difficile d’imaginer qu’il n’y ait aucun lien de cause à effet. Et puis Hamnet, Hamlet…

Ces dernières années, on a connu une recrudescence de ces films « biopicisés » racontant la genèse d’une œuvre légendaire par le vécu de son auteur. Edmond sur la création de Cyrano de Bergerac par Rostand, Boléro sur la création de la partition la plus jouée au monde par Ravel, encore récemment Cervantes avant Don Quichotte (tout est dans le titre). Mais aucune de ces fictions n’arrivaient à aller au-delà de leur postulat d’existence. En même temps, ni Michalik, ni Anne Fontaine ni Amenabar sont Chloé Zhao. La cinéaste parle du deuil, évidemment c’est le cœur de son d’histoire. Mais son Hamnet parle aussi de transmission, de vie en communion avec la nature, d’amour, de filiation, de mysticisme, du processus créatif.
Hamnet impressionne justement par son incroyable richesse, thématique comme artistique. La profusion d’idées de fond n’a d’égale que la profusion d’idées sur la forme. Alors que les sujets se multiplient dans tout d’une grande cohérence, Chloé Zhao épate par l’inventivité subtile et discrète de sa mise en scène et par la finesse de son portrait de personnages aimantés par leurs joies et leurs peines, une femme dont la différence la conduit à être perçue comme une sorcière par ses pairs, un père dont les rêves d’autre chose (de théâtre en l’occurrence) finissent par ne plus être contenus par le bonheur familial et les murs de leur mansarde.
Phénoménal de puissance, à l’image de ses comédiens habités (excellent Paul Mescal en père rongé par le remord et pourchassant une destinée cathartique, saisissante Jessie Buckley en mère dévorée par l’amour puis la colère), Hamnet est bel et bien un grand film. Certes un film pas forcément très aimable, certes un film parfois ralenti par ses petites longueurs, mais un film fantastique quand même, d’une beauté insondable, porté par des émotions charnelles, par une créativité inspirée, par une véritable passion fiévreuse et l’envie d’exprimer des choses.
Par Nicolas Rieux
