Mondociné

EMILIA PEREZ de Jacques Audiard : la critique du film [Cannes 2024]

Partagez cet article
Spectateurs

Nom : Emilia Pérez
Père : Jacques Audiard
Date de naissance : 21 août 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h10 / Poids : NC
Genre : Drame, musical

Livret de Famille : Zoe SaldanaKarla Sofía Gascón, Selena Gomez, Adriana Paz, Edgar Ramirez…

Signes particuliers : Magnifique !

Synopsis : Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle, aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu’il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être.

LA SURPRISE DU CHEF

NOTRE AVIS SUR EMILIA PEREZ

En 20 ans de carrière, Jacques Audiard a essayé beaucoup de choses. Le drame avec De Battre mon cœur s’est arrêté ou Sur mes lèvres, le film de gangsters avec Un Prophète, le film social avec Dheepan, la tragédie romanesque avec De Rouille et d’Os, la chronique chorale avec Les Olympiades, le western avec Les Frères Sisters… Et pourquoi pas le film musical maintenant ? C’est désormais chose faite avec Emilia Pérez, un thriller musical donc, récompensé d’un quadruple prix d’interprétation à Cannes pour ses comédiennes : Zoé Saldana, Selena Gomez, Karla Sofia Gascon et Adriana Paz. Emilia Pérez, c’est le nouveau nom de Manitas, un chef de cartel redouté qui engage une brillante avocate sous-exploitée pour l’aider à mener à bien sa transition pour changer de sexe et s’évanouir dans l’anonymat. Désormais femme comme il le voulait fermement depuis longtemps, il disparaît aux yeux des siens pour vivre enfin la vie qu’il souhaitait.
Pendant longtemps, on a cru tenir la nouvelle palme d’or tant Emilia Pérez a été acclamé par la presse comme par le public du côté de la Croisette. Le nouveau Jacques Audiard a été salué comme un film immense, comme un chef-d’œuvre lisait-on à droite à gauche. Un accueil mérité tant le cinéaste réussit dans les grandes largeurs sa tentative périlleuse de thriller musical s’arrogeant un sujet pourtant difficile à traiter. Emilia Pérez est un film formidable, une grande odyssée palpitante, intelligente, musicale, qui va jusqu’au bout de tout ce qu’il entreprend. Du choix d’une comédienne transgenre (dont c’est le premier film depuis sa transition) à des chansons et chorégraphies superbes en passant par le choix de la langue espagnole, un véritable propos politique ou un mélange des genres compliqués mais qui fonctionne à la perfection. Maîtrisé de bout de bout, sublimé par une mise en scène virtuose et fourmillant d’idées, extraordinairement interprété par sa galerie de comédiennes toutes plus bouleversantes les unes que les autres, Emilia Pérez peut compter sur un scénario à la fois captivant et d’une immense finesse et sur une profondeur qui résonne fort derrière l’exercice de style et le suspens injecté.

À la fois drame existentiel, mélo queer et polar noir, le film musical de Jacques Audiard est un bijou fascinant. Parce qu’il évolue à la lisière de l’improbable, parce qu’il vient jouer sur des terres où l’on aurait volontiers imaginé s’aventurer un Almodovar avec tout son panache coloré, parce qu’il tente non sans risque de marier des thématiques qui auraient pu rendre le tout confus au possible. Audiard évoque le racisme quotidien, les souffrances identitaires, le regard encore compliqué sur la transidentité, l’ère MeToo, la place des femmes dans un monde encore très patriarcal, les violences conjugales, la corruption étatique, la pluralité des nouveaux modèles de parentalité… Une grande moisson de sujets qui auraient pu se télescoper et s’annuler mais que le cinéaste tient dans un ensemble fluide, cohérent et homogène. Emilia Pérez est une grande ode plurielle aux femmes, un grand film politique et social, un grand drame progressiste et un spectacle. Et quel spectacle ! Les numéros de chants et de danse (parfaitement intégrés) sont fabuleux tant dans leur conception que dans leur exécution, l’intrigue captive dans sa partie thriller/polar, la fragilité des personnages émerveille et bouleverse.

Sans jamais en faire ni trop ni pas assez, Audiard tape dans le mille avec un film d’une extrême vitalité, enrichi par du cinéma avec un grand C, par une profonde émotion, par une délicate mélancolie, par une subtile drôlerie. Et Karla Sofía Gascón est une prodigieuse révélation !

 

Par Nicolas Rieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux