Nom : Barbès, Little Algérie
Père : Hassan Guerrar
Date de naissance : 16 octobre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h33 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique
Livret de Famille : Sofiane Zermani, Khalil Gharbia, Khaled Benaissa, Eye Haïdara, Adila Bendimera, Clotilde Courau…
Signes particuliers : Premier film, première pépite !
Synopsis : Malek, la quarantaine, célibataire, vient d’emménager à Montmartre et accueille bientôt chez lui son neveu Riyad fraîchement arrivé d’Algérie. Ensemble ils découvrent Barbès, le quartier de la communauté algérienne, très vivant, malgré la crise sanitaire en cours. Ses rencontres avec les figures locales vont permettre à Malek de retrouver une part de lui qu’il avait enfouie, de renouer avec ses origines et de commencer à faire le deuil de ses disparus.
FENÊTRE OUVERTE SUR UN MONDE
NOTRE AVIS SUR BARBES, LITTLE ALGÉRIE
Des comédiens qui s’essaient à la réalisation, on a vu ça mille fois. Des scénaristes, des chefs opérateurs voire des anciens journalistes aussi. Mais un attaché de presse, beaucoup moins. C’est pourtant la trajectoire d’Hassan Guerrar, attaché de presse incontournable du milieu du cinéma français. Habitué de longue date à « vendre » les films des autres, il prend aujourd’hui le risque périlleux et courageux de proposer le sien. Et parce que le talent peut se cacher partout, il explose de nulle part. Sa première réalisation, acclamée au festival d’Angoulême, est une merveille.
On le répète souvent mais pour un premier film, nul besoin d’aller chercher très loin, on parle généralement bien mieux de ce qui nous est proche et familier. C’est ce que fait Hassan Guerrar avec Barbès, Little Algérie, chronique qui nous offre par personnage interposé, une déambulation pleine de charme dans les ruelles animées de Barbès, quartier cosmopolite mais éminemment algérien de Paris. « Les Chinois ont le 13ème, nous on a Barbès » s’exclame avec humour un protagoniste du film. Avec cette première expérience de réalisateur, Hassan Guerrar voyage dans son quartier, dans sa culture, dans certains recoins de sa vie et ses souvenirs.
Barbès, Little Algérie raconte rien et tout à la fois. Enfin, plutôt tout que rien. Parce qu’il se drape dans les oripeaux de la chronique, un peu comme si le cinéma de Deniz Gamze Ergüven rencontrait celui de Woody Allen à Barbès, le film d’Hassan Guerrar est une incursion, comme une balade dans un quartier et une culture, sans avoir recours à une narration nécessairement rythmée par des événements et rebondissements. Hors du temps, hors d’une histoire classique, Barbès, Little Algérie adopte le mouvement qui fait tourner le quartier de Barbès et les habitants qui l’animent, et vibre au rythme des jours qui passent et des figures qui s’y trouvent et s’y retrouvent. Comme Malek, quarantenaire qui vient d’y emménager. Comme son neuveu Riyad qui découvre la France. Comme « monsieur Préfecture », le gouailleur du coin à qui il faut s’adresser pour avoir des faux papiers. Comme Hadria qui tient un bar-restaurant où les anciens se rejoignent pour passer un moment. Comme Slimane, qui est toujours là. Comme ceux qui s’occupent de la collecte alimentaire pour les démunis. Et comme tous les autres…
Inspirant, émouvant, drôle, intelligent, beau, Barbès, Little Algérie est tout ça. En somme, une pépite ballotée par la tendresse et une intense effusion de vie. C’est avec une profonde sensibilité et une humanité bienveillante qu’Hassan Guerrar nous plonge dans ce quartier culturellement riche, poétiquement vivant, haut en couleurs, en éclats de rire, en drames aussi. La résilience des uns y côtoie les éclats de rires fraternels des autres, dans un bouillonnement permanent que le film nous ouvre avec un profond charme solaire. Derrière les volets de ce joyeux bordel plus ou moins organisé qu’est Barbès, Hassan Guerrar niche une bouleversante histoire de pardon et de sacrifice, dessinée en pointillés dans le sillage des pas du mélancolique Malek (Sofiane Zermani), lequel traîne dans son regard le poids d’un passé qui filtrera par petites esquisses. Barbès, Little Algérie est un film sur la famille, celle que l’on a, celle que l’on se construit au gré des rencontres.
Coécrit avec la talentueuse Audrey Diwan (L’évènement, Emmanuelle), Barbès, Little Algérie est un enchantement, comme une bulle de (très beau) cinéma où l’on est pris par la valse de quotidiens qui, ensemble, dessinent un grand tout qui embrasse plein de directions, vers la joie, les peines, la révolte, l’introspection ou la nostalgie. Filmé avec talent selon une esthétique forte voulue très luminescente, comme si l’on était dans une rêverie fantasmée, Barbès, Little Algérie prend presque des allures de conte pour célébrer le plus beau visage d’un quartier capté comme un personnage à part entière. Un quartier où, entre légèreté et tragédie, s’affronte la misère de laissés-pour-compte, la violence d’un quotidien parfois difficile, la solidarité fraternelle ou le vivre-ensemble (puissamment incarné dans une scène somptueuse près du Sacré-Coeur). L’entraide, les humains qui se fédèrent malgré leurs différences, c’est l’un des socles d’un film qui se veut positif et engagé à sa manière. A ce propos, petite parenthèse, on soulignera le QR Code présent sur toutes les affiches du film, permettant de soutenir les collectes alimentaires pour les défavorisés. La belle idée d’un cinéaste qui est à l’image de son film, pour la vie et le partage.
Sorte de dramédie sociale que l’on pourrait aussi voir comme un mélange d’Amélie Poulain version Barbès et d’Abdellatif Kechiche en plus positif, Barbès, Little Algérie est un cadeau, une échappée en apesanteur sublimée par une forme de puissance discrète et de beauté enivrante. Et sublimée aussi par Sofiane Fianso Zermani. Après des rôles où il ne s’est jamais vraiment montré à son avantage, le rappeur-acteur prouve pour la première fois qu’il peut être un comédien crédible. Il trouve là un rôle qui marquera sa carrière et il le lui rend bien en étant à la fois sobre et irradiant, remarquablement dirigé par un cinéaste qui impressionne de maîtrise. Un sacré premier film qui déborde d’amour !
Par Nicolas Rieux