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LOUISE VIOLET d’Eric Besnard : la critique du film

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Nom : Louise Violet
Père : Eric Besnard
Date de naissance : 06 novembre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h43 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique, Historique

Livret de Famille : Alexandra Lamy, Grégory Gadebois, Jérôme Kircher

Signes particuliers : Un joli film qui a oublié d’être bête ou creux.

Synopsis : 1889. Envoyée dans un village de la campagne française, l’institutrice Louise Violet doit y imposer l’école de la République (gratuite, obligatoire et laïque). Une mission qui ne la rend populaire ni auprès des enfants… ni auprès des parents.

LE POUVOIR DE L’INSTRUCTION

NOTRE AVIS SUR LOUISE VIOLET

Dire que l’on attendait le « nouveau Éric Besnard » serait un fieffé mensonge, et ce même si l’on éprouve toujours un gros capital sympathique pour l’adorable Alexandra Lamy. Depuis son ravissant Le Goût des Merveilles en 2015, le cinéaste n’a franchement pas su s’imposer comme un nom porteur de gros espoirs. Que ce soit sa comédie culinaire Délicieux avec Grégory Gadebois ou ses tristounes L’esprit de famille et Les Choses Simples, Éric Besnard est gentiment rentré dans le rang des faiseurs d’un cinéma de comédies ampoulées (rang où l’on retrouve des Nicolas Vanier et plein d’autres). Avec Louise Violet, le cinéaste tenait un sujet un poil plus interessant qu’à l’accoutumée.
1889, la République vient de rendre l’école obligatoire. Payant un passé que l’on devine trouble, Louise Violet est envoyée dans un petit village au fin fond de la campagne française pour y devenir l’institutrice provisoire d’enfants à convaincre de rallier les bancs de la classe plutôt que les champs. Elle va se heurter à la réticence des paysans locaux, pour qui leur progéniture doit avant tout aider aux tâches du quotidien plutôt qu’aller apprendre « des choses inutiles » qu’eux-mêmes n’ont jamais apprises et qui ne leur manquent pas.
Il y a les films dont on attend rien et qui réussissent quand même l’exploit de décevoir et ceux qui, au contraire, profitent de cette absence de pression pour surprendre. C’est dans cette deuxième catégorie qui vient se ranger Louise Violet, porté par l’attachante Alexandra Lamy (formidable au passage). Avec beaucoup de conviction et d’envie, la comédienne y incarne avec brio cette femme à la mélancolie intrigante, qui tente de convaincre enfants et parents que l’école de la République pourrait tout changer pour les générations futures. Mais encore faut-il parvenir à implanter ce vent changement dans des esprits accrochés à des siècles et des siècles de façon de faire.
Si Éric Besnard confectionne son film selon une méthodologie et des ingrédients populaires, Louise Violet est une démonstration qu’un film peut toujours trouver le moyen de dépasser sa fonction. Ici, le plus passionnant n’est pas la tonalité comique, les esquisses de romance ou le parfum de « joli film historique » bercé d’un léger esprit feel good, mais bel et bien les thématiques qu’Eric Besnard parvient à cheviller au corps de sa fable qui se révèle progressivement plus sombre qu’on ne le pensait au départ. A travers le destin et le combat de sa Louise Violet (qui sur certains aspects rappelle Louise Michel), Éric Besnard parle de l’importance du savoir, de l’instruction, du système éducatif, de la chance que l’on a de pouvoir choisir sa vie plutôt que de subir une destinée pré-écrite comme ce fut le cas pendant des siècles. Surtout, le metteur en scène analyse bien l’époque dans laquelle il situe son histoire en évitant tout manichéisme simpliste opposant les instruits supérieurs aux paysans incultes. Louise Violet rend bien compte de toute la complexité générée par la décision de rendre l’école obligatoire pour les familles françaises du XIXème siècle et tire de cette bascule, quelques enseignements encore pertinents aujourd’hui.
Les enjeux noués autour du scénario sont très certainement ce qui élève un simple film historique qui aurait pu rater son envol s’il ne les avait pas bien pris et compris au départ. Comment expliquer à des familles de paysans sans le sou qu’on va leur retirer des bras utiles dans les champs pour les asseoir dans une salle de classe afin de les rendre plus intelligents qu’eux ? Comment leur expliquer qu’ils vont apprendre à écrire et à lire, des choses qui n’ont aucune importance quand votre destin est de devenir travailleur des champs comme vos parents ? Comment expliquer une évolution sociétale majeure sans tomber dans une posture d’érudit laissant entendre un sentiment de supériorité ? Comment expliquer que l’école laïque n’est pas là pour soustraire aux parents leur autorité, qu’elle n’est pas là pour inculquer les idéaux des professeurs mais pour enseigner avec neutralité, que ce que les enfants y apprendront viendra compléter le savoir des anciens et non détruire leurs cultures ancestrales ?
Et Louise Violet de se charger de plusieurs propos annexes évoquant la lutte des classes, la perdition des traditions face à la marche du progrès, les rapports entre idéalisme, fatalisme et déterminisme. La force du film d’Eric Besnard est là, ne jamais sacrifier l’exploration de thématiques sociologiques sur l’autel de la comédie dramatique populaire simpliste. Autour de sa belle histoire première, Louise Violet est un film qui défend et porte des choses, en plus d’être une leçon intéressante sur une période complexe de l’histoire de France (la Commune de Paris).
Plus substantiel sur le fond que la majorité des films de son acabit, Louise Violet regorge de qualités. Comme une réelle implication artistique avec une mise en scène qui ose quelques vrais plans de cinéma plutôt que de se limiter à du platement illustratif. Même s’il peut paraître un peu programmatique par moments dans sa construction ou son déroulé, on ne peut que saluer un film qui s’efforce d’inviter un peu de consistance dans un divertissement buccolique. Le résultat est à la fois charmant, sympathique, rieur, grave aussi, mais surtout -osons le dire- passionnant. Et ce, même si l’on pourra toujours discuter de certains choix artistiques (la photo trop typique), narratifs (les petites commodités d’écriture) ou de caractère (inoffensif pour demeurer grand public).

 

 

 

One thought on “LOUISE VIOLET d’Eric Besnard : la critique du film

  1. Une superbe approche de l’école et de la défiance des paysans. Seules la patience, l’intelligence et l’indulgence viendront à bout des résistances. Un jeu d’acteurs subtil et une reconstitution méticuleuse

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