Cette semaine est sorti dans les salles françaises Le Cas Richard Jewell, le nouveau long-métrage du grand Clint Eastwood. Depuis 1971, l’acteur-réalisateur a signé pas moins de 38 films en tant que metteur en scène, et pas des moindres quand on regarde sa belle filmographie regorgeant de classiques tels que Bird, Impitoyable, Sur La Route de Madison, Mystic River, Million Dollar Baby ou encore Gran Torino. Mais d’où vient cette vocation de cinéaste chez celui qui a été starisé par les westerns de Sergio Leone ?
Selon Clint Eastwood lui-même, il faut remonter en 1968 pour comprendre la naissance de cette vocation. Alors davantage célèbre en Italie qu’aux États-Unis grâce aux succès de la trilogie du dollar (Pour une Poignée de Dollars, Et Pour Quelques Dollars de Plus et Le Bon, La Brute et le Truand), Clint Eastwood signe pour le western musical La Kermesse de l’Ouest, produit par la Paramount. Libre adaptation d’une comédie musicale de Broadway réalisée par Joshua Logan (La Mélodie du Bonheur), le film réunit autour d’Eastwood, Lee Marvin et Jean Seberg. Les deux stars masculines y chantent eux-mêmes de nombreuses chansons. Mais au panthéon des tournages catastrophiques, autant dire que celui-ci se pose là…
Passons sur les petites complications du genre le caractériel Lee Marvin qui arrivait tous les matins ivre-mort sur le plateau, ou Romain Gary qui, apprenant l’idylle entre sa femme Jean Seberg et Clint Eastwood, a débarqué par avion pour provoquer l’acteur en duel au revolver. Et venons-en au tournage en lui-même. Très coûteux déjà de base du haut de son budget de 14 millions de dollars, le film manqua de peu de ruiner la Paramount. En effet, les prises de vues se sont éternisées sur 5 mois, Joshua Logan semble avoir eu du mal à diriger le projet et le budget a littéralement explosé pour grimper à 20 millions, somme monstrueuse pour l’époque. Tout ça pour un massacre à sa sortie. Le film se fera copieusement assaisonner par la critique et recevra un mauvais accueil côté public également. Échec financier malgré sa nomination à l’Oscar de la Meilleure Musique, La Kermesse de l’Ouest entraîna de grosses pertes pour la Paramount. Mais il inspira un « nouveau Clint Eastwood ».
En effet, effaré par les sommes colossales dépensées pour une « telle stupidité », Clint Eastwood s’est alors juré qu’il ne tomberait plus jamais dans pareil bordel ni fait ni à faire. Alors qu’il venait tout juste de créer sa société Malpaso Productions un an auparavant pour produire Pendez-les Haut et Court grâce à l’argent gagné sur la trilogie du dollars, l’acteur a compris qu’il ferait mieux de réaliser lui-même ses films plutôt que d’aller se compromettre dans ce genre de piètres productions. Et Clint d’avouer que le tournage de La Kermesse de l’Ouest lui a au moins servi de leçon. Après ça, il a compris « tout ce qu’il ne fallait pas faire quand on réalise un film ».