Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Truth
Père : James Vanderbilt
Date de naissance : 2015
Majorité : 06 avril 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h06 / Poids : NC
Genre : Drame, Biopic
Livret de famille : Cate Blanchett, Robert Redford, Dennis Quaid, Elizabeth Moss, Topher Grace, Stacy Keach, Bruce Greenwood, Dermot Mulroney…
Signes particuliers : Quelques mois après Spotlight, un biopic efficace qui remet le journalisme noble au centre de la lumière.
L’IDÉAL DU JOURNALISME BAFOUÉ
LA CRITIQUE
Résumé : L’histoire de Mary Mapes, journaliste primée de CBS et productrice de Dan Rather, l’un des plus célèbres journalistes et présentateurs de l’histoire de la télévision américaine, qui a dévoilé -entre autres scoops- le scandale de la prison d’Abou Ghraib.L’INTRO :
« Basé sur des faits réels… » Cette sentence que l’on voit de plus en plus en introduction de films divers et variés, est-elle la simple résultante du manque d’imagination d’un Hollywood à bout de souffle ? Peut-être, en partie, mais pas seulement. Car ce serait oublier aussi à quel point les « petites » histoires cachées derrière les plus grandes, peuvent être souvent de formidables récits de cinéma. Qu’ils soient des drames, des comédies, des thrillers, des romances ou des aventures étonnantes, une chose est sûre, ces récits réellement (ou partiellement) vécus ont ce pouvoir de captiver leur audience, de les soumettre à l’incroyable, au suspens, à l’émerveillement, à l’indignation, au rire ou aux larmes. Truth sort alors que le thriller journalistique, genre qui aura eu son heure de gloire dans les années 70, connaît actuellement un regain de forme pas prêt de s’essouffler après le récent sacre de Spotlight aux Oscars. Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur après s’être fait un nom comme scénariste (Basic, Zodiac, Amazing Spider-Man ou White House Down), James Vanderbilt s’attache à l’affaire communément appelée « Memogathe » ou « Rathergate ».L’AVIS :
En 2004, dans la foulée de leur coup d’éclat journalistique avec la mise au jour du scandale de la prison d’Abou Ghraib, les équipes de la célèbre émission d’investigation américaine 60 Minutes (sur CBS) se penchent sur un possible mensonge impliquant un Président George W. Bush qui aurait considérablement déformé son passif militaire en plus d’avoir été pistonné. Une enquête menée alors que le quotidien de l’Amérique bat au rythme des prochaines élections présidentielles, enquête qui conduira à la diffusion d’un reportage dont l’exactitude sera rapidement contestée. Mais derrière ce barouf qui aura agité l’opinion publique, médiatique et politique, se cachait surtout l’histoire d’un groupe de journalistes qui se sera battu au nom de la vérité et d’un devoir l’information qu’ils croyaient défendre. Truth est inspiré du livre écrit par Mary Mapes, journaliste-productrice qui se sera retrouvée en première ligne du front, au cœur de la tourmente engendrée par le déterrement de cette sombre histoire touchant l’un des hommes alors parmi les plus puissants de la planète.Avant tout pensé pour être efficace et pour tenir le spectateur en haleine sur ses deux heures articulées en deux parties distinctes, Truth réussit globalement son pari malgré une absence de panache qui en amenuise l’impact et lui cause un tort dont il arrive à se remettre sans difficulté, mais aussi sans brio. Une première moitié davantage tournée vers le récit d’enquête narré de manière très classique, puis une seconde développant de nouveaux enjeux questionnant l’éthique journalistique, sa liberté ou les confluences entre pouvoirs et intérêts. Mené avec un didactisme à la fois sobre et informatif, Truth se suit avec plaisir et peut compter, pour asseoir sa conduite captivante, autant sur son récit solide que sur sa distribution impeccable, d’une convaincante Cate Blanchett à un Robert Redford érigé en figure charismatique, lui qui retrouve un genre qu’il aura si bien côtoyé il y a quarante ans avec Les Hommes du Président. La seconde moitié, elle, viendra ensuite essayer d’étoffer davantage enjeux et propos, afin de diriger le film vers une sphère plus élevée, dépassant le simple déroulé factuel des évènements mis en lumière. Habilement et avec une sincérité que l’on ne mettra pas en doute, James Vanderbilt remet sur le devant de la scène, les questions de l’indépendance du journalisme, de l’importance du devoir de « poser des questions », nécessité absolue pour que toute démocratie puisse fonctionner sur des bases saines. Malheureusement, il s’applique aussi à montrer comment cette quête combattive est aujourd’hui contrariée par un ensemble de ficelles reliant tout et tout le monde, médias, groupes financiers, États, pouvoirs et politiciens. On regrettera seulement de voir son point de vue se noyer un peu dans son absence de prise de risques ou sa méthodologie privilégiant la surface à toute rhétorique embrassant profondeur et réelle complexité.Mais finalement, plus que son histoire d’enquête palpitante aux sombres conséquences ou sa mise en valeur d’un idéal du journalisme noble dont les chevaliers sont propulsés au rang de héros des temps modernes, là où parvient vraiment à briller Truth, c’est dans le portrait sans fard qu’il dresse du monde télévisuel et ses coulisses, rappelant (toutes proportions gardées) le fameux Network de Sidney Lumet sorti en 1976. La pression, le stress, les deadline, le besoin de trouver le scoop, d’être efficace et de faire de l’audience, la hiérarchie impitoyable capable de soutenir ou de lâcher, l’égoïsme, les retournements de veste, la condescendance et l’exploitation de victimes sacrifiées sur l’autel de l’audimat, les mensonges, la solidarité des petits bras contre le cynisme des plus hauts-placés, la nécessité de désigner un bouc émissaire quand un accroc prend de trop grandes proportions… James Vanderbilt se révèle bien meilleur dans l’illustration de ce panier de crabe où l’intégrité et l’idéalisme sont des notions devenues trop rares, et dans le cas du journalisme, désormais absorbées et digérées par des considérations qui les dominent. Effort honorable et dans l’ensemble passionnant, Truth égrène les passages attendus et ficelles très visibles, mais il a ce mérite de nous rendre addict à son intrigue dont l’intelligence est aussi de savoir laisser le planer le doute sur la problématique au cœur de ce qu’il raconte, pour mieux placer sa finalité au-dessus de ce premier niveau de lecture « divertissant ».
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux