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POLICE FEDERALE LOS ANGELES de William Friedkin : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : To Live and Die in L.A.
Père : William Friedkin
Date de naissance : 1985
Majorité : 04 janvier 2017
Type : Ressortie au cinéma
Nationalité : États-Unis
Taille : 1h55 / Poids : 6 M$
Genre : Policier

Livret de famille : William Petersen, Willem Dafoe, John Pankow, Debra Feuer, John Turturro, Dean Stockwell, Steve James, Robert Downey Sr., Darlanne Fluegel, Michael Greene…

Signes particuliers : L’approche du thème de la lutte du Bien contre le Mal personnifiée dans un face à face quasi-biblique tendu entre charisme et déchaînement furieux. Du cinéma policier racé au casting parfait. Un film culte des eighties, une pièce fondatrice.

AUX FRONTIÈRES DU BIEN ET DU MAL

Résumé : Jim Hart et son coéquipier Richard Chance traquent depuis longtemps un dangereux faussaire spécialisé dans la fabrication de faux billet, Rick Masters. Mais Jim Hart tente une expédition en solitaire pensant avoir trouvé le repère de Masters et se fait assassiné à quelques jours de la retraite. Richard Chance en fait une affaire personnelle et veut Marsters à tout prix…

To Live and Die in L.A. –sublime titre original- est non seulement l’un des nombreux chefs-d’œuvre jalonnant la carrière du grand William Friedkin, mais aussi l’une des œuvres majeures des années 80 et l’un des plus grands films policier jamais tourné. Très ancré dans son esthétique eighties (entre la B.O et les typos colorées), le film marque autant les sommets stylistiques de la carrière de son auteur, que l’apogée du genre, dans ce qui dépasse de loin le seul cadre de la lutte policiers vs criminels. En effet, Police Fédérale Los Angeles transcende son essence, pour s’élever au rang de réflexion extraordinaire sur la lutte entre le Bien et le Mal, entre un ange de la justice sur terre (William Les Experts Petersen dans son premier grand rôle au cinéma) et le diable humainement incarné, campé de façon terrifiante et hallucinante par un Willem Dafoe à la dimension biblique et vénéneuse, comme possédé par son rôle et habité par le mal à l’état pur qu’il personnifie.


Police Fédérale Los Angeles s’inscrit dans la veine des plus grandes œuvres du genre, côtoyant les Cruising, L’année du Dragon ou French Connection, ces polars à la puissance destructrice et ravageuse, proposant non pas seulement un simple récit policier mais une véritable plongée en enfer tout en brutalité sèche, froide et brûlante, à la fois et directe. Friedkin délaisse les traditionnelles histoires de drogue et de mafia organisée, pour se pencher sur une autre criminalité galopante, les faussaires inondant les grandes métropoles de faux billets en essayant de hisser leur œuvre malfaisante au rang d’art génial. Une approche différente de la criminalité sombre évoquée dans son précédent Cruising ou dans des films tels que Serpico, le meurtre sordide ou le trafic incontrôlable étant remplacés par le génie du mal, par le froidement organisé, par la virtuosité du crime. Cette criminalité est incarnée par un Willem Dafoe dépassant son statut de simple malfrat, captant et incarnant dans une sublime contradiction, le Mal tout entier avec son hystérie froide à la fois toute en retenue et pourtant se métamorphosant épisodiquement en archange dévastateur au charme envoûtant et terrifiant. Face à lui, c’est un impressionnant William Petersen qui lui est opposé, flic tête brûlé obnubilé par un désir de vengeance, son partenaire et meilleur ami ayant été tué par cet ennemi de toujours devenu désormais, un adversaire personnel. C’est une traque apocalyptique qui s’engage entre ces deux hommes, traque qui va les plonger au bord du gouffre. Rick Marsters (Dafoe) est prudent, organisé, implacable. Richard Chance (Petersen) est fou, inconscient, prêt à tout. La moindre erreur de part et d’autre va être fatale, et c’est une descente aux enfers parfaitement maîtrisée par un Friedkin réglé en mode chef d’orchestre, qui s’engage autour de cette course contre la montre et contre la mort. Ce qui est certain, très rapidement, c’est qu’il n’y aura pas d’échappatoire, pas d’issue à cet affrontement tragique annoncé, prenant des accents de guerre métaphoriquement théologique.


Si besoin en étant encore, William Friedkin affiche son talent avec un fracas retentissant. On le savait réalisateur de génie après ses nombreux chefs-d’œuvre, de French Connection à L’Exorciste en passant par Cruising. Mais le cinéaste semble franchir encore un nouveau cap. La maîtrise relevant presque de l’horlogerie fine de French Connection, l’ambiance pesante de L’Exorciste, la noirceur désespérée de Cruising, viennent s’entremêler ici sous la mainmise d’un Friedkin qui compose avec tous les éléments qui ont fait les succès intemporels de ces classiques passés, pour les assembler en un seul et même long-métrage. Car To Live and Die in L.A. a la précision mécanique de French Connection comme en témoigne sa construction subtile et maîtrisée. Témoin, l’incroyable séquence de course-poursuite qui vient à la fois rendre hommage à celle de son film de 1971, tout en la faisant voler en éclat qualitativement. Une séquence qui alterne temps forts et répits, déchaînement furieux sonore et pauses surprenantes, pour la rendre haletante, palpitante, tendue comme rarement. L’une des meilleures courses-poursuites vues au cinéma, à ranger aux côtés de celles d’un Bullitt. Mais le film a aussi cette ambiance lourde, oppressante, évoquant L’Exorciste, sublimée ici par la musique de Wang Chung ancrée dans son époque. Tonitruante, exubérante, elle vient renforcer par à-coups, l’efficacité brute d’un film jouant avec les nerfs d’un spectateur qui n’a désormais plus d’autre choix que de s’engager pleinement dans cette aventure démesurée, toujours à la frontière de la morale, marchant sur le mince fil de la tension permanente. Et pour couronner cette réunion de qualités visuelles et scénaristiques, Friedkin appose une noirceur sondant les abysses de la sombre facette de l’homme. Que ce soit par Richard Chance ou par Rick Marsters, Police Fédérale Los Angeles nous pousse à explorer les facettes tétanisantes de l’homme. D’un côté, le mal pur, de l’autre, le mal sinueux hantant un policier prêt à oublier toute morale, toute justice, pour assouvir sa soif et son désir de revanche et de vengeance. Richard Chance est un anti-héro parfait, un homme provoquant à la fois empathie par ses attitudes délurées préfigurant presque le John McClane de Piège de Cristal ou le Martin Riggs de L’Arme Fatale. Mais à côté de cela, il est aussi un bel exemple d’enfoiré quasi déshumanisé et égoïste, comme en témoigne sa relation avec son indic accessoirement maîtresse, la touchante Darlanne Fluegel. Et Police Fédérale… de devenir un film fondateur d’un genre à venir, un précurseur retentissant d’un nouveau cinéma en devenir, détruisant la frontière marquée opposant les personnages stéréotypés. Ici, les « gentils » et les « méchants » partagent en commun, plus de choses qu’ils ne le pensent, et le film joue grandement avec cette trouble proximité.

Inspiré et inspirant, Police Fédérale est certainement une pièce maîtresse du cinéma des années 80, voire du cinéma tout court. Si Friedkin s’inspire par exemple du cinéma du grand Sam Peckinpah par sa violence sans concession, brutale et soudaine, il est aussi un film qui appelle à en inspirer d’autres à son tour, aussi bien dans un futur proche que plus lointain (on ne peut dénier l’influence du fil sur le cinéma de Nicolas Winding Refn, Drive par exemple). Quasi parfait en tout point, de sa mise en scène millimétrée à son casting prodigieux où, derrière les têtes d’affiche, même les seconds rôles marquent à l’image de John Pankov (le nouveau coéquipier de Richard Chance tiraillé entre volonté d’intégrité et conscience lourde), à l’image de la lunaire Debra Feuer (assistante/maîtresse de Rick Marsters) ou d’un John Turturro formidable en criminel coincé entre la justice et sa peur pour sa vie. En 1985, Friedkin apposait une nouvelle ligne en caractères dorés à sa belle filmographie. Mémorable !

Bande-annonce :

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