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MUD – Sur les rives du Mississipi (critique – drame)

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120x160 Mud OK 21-03Mondo-mètre :
note 7.5
Carte d’identité :
Nom : Mud
Père : Jeff Nichols
Livret de famille : Matthew McConaughey (Mud), Tye Sheridan (Ellis), Jacob Lofland (Neckbone), Reese Witherspoon (Juniper), Sam Shepard (Blankenship), Sarah Paulson (Mary Lee), Ray McKinnon (Senior), Michael Shannon (Galen), Paul Sparks (Carver), Joe Don Baker (King)…
Date de naissance : 2013
Nationalité : Etats-Unis
Taille/Poids : 2h10 – 10 millions $

Signes particuliers (+) : Un thriller dramatique puissant et envoûtant, marqué par un casting d’exception dominé par un McConaughey des très grands soirs. Jeff Nichols signe un film aussi superbe qu’étourdissant sur fond de récit initiatique de l’enfance, d’amitié et d’amour.

Signes particuliers (-) : De très très rares longueurs.

 

IN THE MUD FOR LOVE

Résumé : Deux adolescents, Ellis et Neckbone, vivent avec leur famille sur les rives du Mississipi. Ils apprennent qu’un bateau serait échoué dans un arbre sur une petite île proche. En s’y rendant, ils trouvent non seulement le dit bateau mais aussi Mud, un homme étrange qui se cache pour de sombres raisons dans les méandres du vaste Mississipi…

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S’il y a une chose que l’on a bien compris et dont on sait pertinemment qu’il faut se méfier, ce sont les éloges aux envolées passionnées présentes sur les affiches de films. « Extraordinaire » assorti d’un quatre étoiles de la part de tel journal ou « un vrai chef d’œuvre » pour tel ou tel magazine, agrémenté là-aussi d’une signalétique dithyrambique… Ces superlatifs exaltés traduisent souvent les collusions qui orchestrent les relations entre la presse spécialisée (ou pas) et les distributeurs les yeux rivés sur les résultats financiers finaux.  Complaisance, arrangement ou éloge sortie de son contexte, le phénomène est monnaie courante. Pour le nouveau film de Jeff Nichols, c’est rien de moins que « le plus beau film américain de l’année » selon… on ne sait pas en fait. Ces chers exécutifs du marketing ne le précisent pas. Peut-être parce qu’ils l’ont inventé tout simplement. Mensonge ou pas ?

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Mud est le nouveau long-métrage d’un Jeff Nichols jusque-là acclamé pour son travail après les succès critiques de Shotgun Stories et surtout de Take Shelter couronné de prix, tout deux avec à l’affiche sa star personnelle, l’excellent, il faut bien l’avouer, Michael Shannon. Pour ce troisième film, le cinéaste nous emmène sur les rives de l’immense et mystérieux Mississipi, du côté de l’Arkansas. Dans la chaleur moite de cet Etat du sud des Etats-Unis globalement pauvre (en dehors du Nord-Ouest) et à dominance agricole, deux jeunes adolescents, Ellis et Neckbone, aiment à partir en exploration en forêt ou sur le fleuve légendaire, à bord de leur petite embarcation à moteur. C’est ainsi, lors d’une de leur excursion, qu’ils découvrent sur une île plantée au milieu du fleuve, un bateau abandonné dans un arbre. Mais ils découvrent aussi Mud, un étrange personnage charismatique, isolé dans ce lieu sauvage comme s’il fuyait ou se cachait de quelque-chose. Présenté au Festival de Cannes 2012, Mud y a reçu un accueil assez mitigé qui a compliqué sa distribution, notamment aux Etats-Unis avant que ces menues déboires ne soient rattrapées par son triomphe à Sundance. A l’affiche, un casting impressionnant de solidité, des premiers aux seconds rôles, dominé par la présence crépusculaire d’un Matthew McConaughey au meilleur de sa carrière. Le comédien semble se bonifier avec le temps et jouit de plus en plus d’une aura exceptionnelle de profondeur dans chacun des films où il joue, témoin ses prestations sensationnelles dans des films comme le Killer Joe de William Friedkin ou Paperboy de Lee Daniels (il était d’ailleurs l’un des rares éléments positifs de ce dernier). Autour de lui, Jeff Nichols a bien choisi. Le tandem adolescent est confié à l’étoile montante Tye Sheridan (prodigieux dans The Tree of Life de Terrence Malick) et au jeune et inconnu Jacob Lofland qui, on l’espère, n’a pas fini de faire parler de lui. Deux gamins étincelants de profondeur dans leur jeu avec mention surtout à Sheridan qui interprète Ellis, le point central des différentes ramifications qui se rejoignent dans cette histoire. Egalement de la partie, le vétéran Sam Shepard, l’habituel Michael Shannon dans un rôle plus mineur, Sarah Paulson (la grande sœur dans l’intense Martha Marcy May Marlene) et Reese Witherspoon qui vient casser un peu son image de petite fiancée idéale rose bonbon dans un rôle plus troublant et sauvage. On notera également l’excellente prestation de Ray McKinnon, qui campe le père d’Ellis, un paternel aimant mais à l’ancienne et élevant son fiston à la dure car « la vie est dure ».

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Mud prend place dans ce sud un peu poisseux et chaudement humide, celui des bayous, celui des berges du Mississipi peuplées de baraques flottantes, de cabanes de pêche et d’agriculteurs. Ce Mississipi cher à Mark Twain dans ses écrits comme Tom Sawyer ou Huckleberry Finn comme l’avoue bien volontiers le cinéaste Jeff Nichols qui a vu là sa plus grande source d’inspiration pour matérialiser un cadre presque irréel ou au contraire trop réel et sauvage, à la fois dangereux et sublimé, fascinant et terrifiant mais dans les cas envoûtant à l’image, aidé dans ce travail de contextualisation extrême par la sublime photo d’Adam Stone qui a beaucoup travaillé avec la lumière naturelle de ces contrées magnifiques. Un lieu qui fait presque office de personnage et qui participe à l’excellence de ce nouveau film, peut-être le meilleur de son auteur à ce jour. Mais l’autre point fort de Mud, c’est évidemment lui : Mud. Un personnage trouble et troublant, sympathique menteur attachant et dévorant de présence charismatique, qui flatte sans cesse pour s’attirer cette sympathie essentielle à sa survie. C’est ainsi que fonctionne d’ailleurs l’étroite relation qu’il noue avec ces deux gamins, dans cette façon flatteuse qu’il a de les traiter en adultes pour qu’ils lui viennent en aide. Matthew McConaughey a pris la mesure de son personne et le joue en conséquence, dans une tonalité à mi-chemin entre l’être cabossé et apeuré et le badass sauvageon hypnotisant.

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On pourrait disserter des heures sur ce véritable film surpuissant délivré par un Jeff Nichols qui progressivement se débarrasse de ces défauts pour révéler ses qualités. Mud est effectivement l’un des meilleurs drames américain de cette année 2013, un film envoûtant, attractif, qui nous capte pour ne plus jamais nous relâcher à la force de son histoire destructrice balayant des thématiques comme l’amour, l’amitié, la survie, dans un récit presque initiatique traversé de fulgurances étourdissantes. On pense à Stand by Me qui rencontrerait Tom Sawyer, Terrence Malick, The Mosquito Coast ou Le Sauvage de Rappeneau. Electrisant, romantique, lyrique, Mud est une prodigieuse histoire façonnée à l’exigence d’un metteur en scène qui livre un récit ciselé, écartelé entre ses histoires agencées avec concision pour se rejoindre autour d’un personnage qui fait liant. L’ambiguïté de Mud n’a comme résonnance que la passion adolescente de ces deux enfants attirés, fascinés, comme le spectateur, par le goût de l’aventure dans cette belle histoire qui finalement n’est qu’amour intense, pour une femme, pour la vie, pour des lieux.

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Nichols s’impose comme un grand, de même qu’un McConaughey que l’on prend plaisir à redécouvrir ces temps-ci. Mud est un drame émotionnel et aventurier magistral qui se mue par moments en thriller haletant, prenant place dans un cadre hypnotique et mystérieux qui n’a pas fini d’alimenter des histoires incroyables. La simplicité dont il fait preuve pour narrer ce récit bouleversant n’a d’égale que dans la force de ses personnages qui le font vivre grâce à l’engagement de ses comédiens tous plus exceptionnels les uns que les autres. Nichols ne laisse rien au hasard et bétonne chaque parcelle de son film, même les plus infimes, pour composer un film brillant et lumineux opérant sous le soleil brûlant de cette jungle fantasmagorique donnant lieu à une fabuleuse histoire sur l’enfance face au monde adulte. Un grand film.

Bande-annonce :

One thought on “MUD – Sur les rives du Mississipi (critique – drame)

  1. Merci pour votre critique.
    Je me permet de laisser un commentaire car je suis en désaccord.
    Je trouve justement qu’aucune scène n’est de trop et qu’elles ont toutes leur utilité. C’est la première chose que je me suis dit en sortant de la projection :
    « On a l’impression qu’il ne se passe rien alors que c’est tout l’inverse, chaque scène apporte une pierre à l’histoire ».
    Et pour le coup, nous ne pouvons pas du tout affirmer que nous savons ce qui arrive à Haemi.
    Nous pouvons le supposer mais plusieurs versions sont possibles, rien n’est confirmé. Et c’est là où c’est très fort (je trouve).
    Chaque scène apporte des informations et des mystères laissant toutes les interprétations possibles (dont la scène du procès du père et celle avec la mère).
    Par contre, je suis d’accord avec vous, la photographie est magnifique, à « couper le souffle ».
    Pour ma part, il s’agit d’un excellent film.

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