Nom : Rapito
Père : Marco Bellocchio
Date de naissance : 1er novembre 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : Italie
Taille : 2h14 / Poids : NC
Genre : Drame, Historique
Livret de Famille : Paolo Pierobon, Fausto Russo Alesi, Barbara Ronchi…
Signes particuliers : Bellocchio a encore marqué Cannes.
Synopsis : En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé et la loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…
LES CASSEROLES DE LA PAPAUTÉ
NOTRE AVIS SUR L’ENLEVEMENT
Du côté des vétérans, il y a eu Ken Loach, en très belle forme avec un chef-d’oeuvre. Il y a Wim Wenders dont le magnifique Perfect Days a enchanté la sélection. Et il y a eu Marco Bellocchio dont L’Enlèvement a durant un temps occupé un siège de premier choix dans le compartiment des favoris. L’illustre metteur en scène transalpin y relate l’histoire vraie d’Edgardo Mortara, jeune garçon juif d’une bonne famille de Bologne, arraché de force aux siens par l’Eglise pour être élevé comme un chrétien. En 1858, l’affaire avait fait grand bruit, dépassant les frontières de la seule Italie pour faire parler dans toute l’Europe. Comment un tel acte a pu se produire ? Tout simplement parce que l’enfant avait été baptisé en douce par sa nourrice catholique et que les lois pontificales (appliquées à la lettre par l’autorité papale déclinante à l’époque) autorisaient l’Eglise à mettre le grappin sur tout enfant baptisé pour parfaire son éducation.
Marco Bellocchio, 83 ans, et quelle forme ! Le cinéaste a signé avec L’Enlèvement l’un des grands films de la compétition. Histoire d’un lavage de cerveau sur fond de syndrome de Stockholm, L’Enlèvement est une charge poing levé contre l’Eglise catholique. Bellocchio a toujours été un grand critique des institutions en général mais avouons que cette fois, il ne ménage pas sa verve en pointant du doigt une Église pontificale qui essaie par tous les moyens de contrer son déclin en redoublant d’autorité mal placée. Il montre aussi comment l’Eglise catholique a pu creuser sa propre tombe au fil des siècles en étant toujours dans les mauvais coups, parfois dans la grande histoire (les guerres), parfois dans l’intime de faits isolés. Méchanceté, opiniâtreté, intransigeance, sournoiseries ou humiliations, le portrait de l’institution religieuse est terrible et féroce.
Derrière le film aux relents politiques réfléchissant en creux sur le dogmatisme religieux et ses moyens opératiques (un sujet qui prend une dimension supplémentaire en ces temps troublés), Bellocchio signe aussi un film magnifié par sa beauté. Beauté esthétique avec des plans léchés, dignes de tableaux de maîtres italiens (notamment la peinture romantique italienne du XIXème ou la période pré-impressionniste façon Delacroix dont l’influence est très visible). Des plans composés qui ont cette particularité de donner l’illusion d’un académisme formel qui n’en est pas tant on pourra noter une véritable hardiesse dans la mise en scène. Beauté sonore aussi avec une musique et un travail acoustique qui portent puissamment les images. Et beauté narrative enfin, avec un récit construit avec adresse et pourvoyeur d’émotions déchirantes et d’effrayante fascination.
Globalement réussi, L’Enlèvement a été l’une des belles éclaircies cannoises et la preuve que certains « vieux » ont encore beaucoup de cinéma à montrer. L’addition de ses qualités occultent les défauts plus mineurs que l’on pourra lui trouver. Comme l’équilibre entre ses différentes parties, une mise en scène qui ne maintient pas toujours sa virtuosité ou certaines longueurs.
Par Nicolas Rieux