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JIMMY P. (PSYCHOTHÉRAPIE D’UN INDIEN DES PLAINES) de Arnaud Desplechin
Critique – en salles – (drame)

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note 7.5
Carte d’identité :
Nom : Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des Plaines)
Père : Arnaud Desplechin
Livret de famille : Benicio Del Toro (Jimmy Picard), Matthieu Amalric (Georges Devereux), Gina McKee (Madeleine), Larry Pine (Menninger), Joseph Cross (Holt), Misty Upham (Jane), Michelle Thrush (Gayle), Elya Baskin (Jokl)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 11 septembre 2013 (en salles)
Nationalité : France, USA
Taille : 1h57
Poids : Petit budget

Signes particuliers (+) : Un film lumineux à double visage, à la fois passionnante plongée élaborée au sein d’un suivi psychanalytique construit comme un drame à suspense et sublime peinture d’une amitié naissante entre deux hommes que tout oppose, de leurs origines à leur culture, en passant par leur langage, mode de vie ou conception de l’existence. L’histoire fascinante d’un double-apprivoisement porté par deux magnifiques comédiens.

Signes particuliers (-) : Le sujet, son aspect formel et ses thématiques sont un peu rudes et requièrent beaucoup d’exigence pour entrevoir la beauté de ce qu’ils cachent.

 

DANSE AVEC LES PSY

Résumé : Jimmy Picard, un amérindien vétéran de la Deuxième Guerre Mondiale, est admis au Winter Hospital pour ses violents maux de tête et terrifiantes crises d’angoisse inexpliqués. Rapidement, la piste d’une origine psychique se dessine. Un anthropologue et psychanalyste français, Georges Devereux, va le suivre et essayer de démêler les noeuds  de cette psyché malade…

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L’INTRO :

Absent de derrière les caméras depuis cinq ans et Un Conte de Noël, le plus bel héritier de la Nouvelle Vague Arnaud Desplechin signe son retour par un petit budget rapidement emballé mais longuement pensé qui lui a valu d’aller faire, une fois n’est pas coutume, une petite excursion en terres cannoises puisque Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des Pleines) s’y est défendu en sélection officielle. Cette coproduction franco-américaine réunissant face à face deux talents internationaux, d’un côté le fidèle Matthieu Amalric (qui tourne pour Desplechin pour la cinquième fois) et de l’autre, le talentueux portoricain Benicio Del Toro, est une adaptation courageuse d’un livre de psychanalyse publié en 1951 où l’anthropologue et thérapeute Georges Devereux revenait sur son travail avec Jimmy Picard, amérindien de retour du front de la Deuxième Guerre Mondiale avec de terribles maux de tête et crise d’angoisses diagnostiqués tardivement comme psychiques. La longue thérapie entreprise par l’analyste et son patient aura conduit à un ouvrage de référence dont Desplechin s’empare pour le traduire en images dans un tournage en langue anglaise et aux Etats-Unis.

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L’AVIS :

Le récit sur deux heures d’une psychanalyse représentait un véritable défi pour Desplechin qui prenait le risque de tomber dans le face à face verbeux et ennuyeux malgré le passionnant matériau source lui servant de base dont le potentiel cinégénique pouvait questionner. Mais intelligemment, le cinéaste va construire son œuvre avec brio comme un suspense à la fois haletant et bouleversant, dessinant un fabuleux portait humain magnifiquement porté par deux comédiens exceptionnels en état de grâce. Benicio Del Toro se livre à l’une de fines et frissonnantes prestations de sa carrière, aidé par un rôle puissant à la mesure de son talent connu mais pas assez reconnu. Amalric, fidèle à lui-même, est prodigieux de subtilité dans ce face à face étincelant d’une grâce prodigieuse que renforce la simplicité de la mise en scène, un choix de l’épuration par Desplechin pour mieux se concentrer sur ses personnages, seuls moteurs de cette aventure humaine se glissant dans les profondeurs de l’âme pour graviter autour de ses failles et cicatrices douloureuses en caressant la naissance bienveillante et compréhensive d’une amitié entre deux hommes que tout oppose, l’un étant un intellectuel européen et l’autre un indien des plaines du Montana.

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Avec une sincérité étourdissante et une douceur épidermique, Desplechin réussit précisément là où David Cronenberg avait échoué il y a peu avec A Dangerous Method. Sans raccourcis, sans facilités, sans démonstratif ou balourdise, il nous emmène dans un intense suivi sondant une âme en peine, la mettant à nue, évoluant conjointement dans le récit passionnant de la vie d’un homme marqué à partir des événements clés de sa vie lentement dévoilée, et dans la mise en scène fascinante du processus de soin des troubles de la psyché endolorie avec les techniques des années 40 sur fond de justesse de compréhension à trouver entre deux hommes, deux cultures, deux univers. Psychologiquement  bluffant, Jimmy P. est autant une superbe incursion sur le travail de psychanalyste, ses dimensions et processus qu’une magistral étude des tréfonds de la construction mentale troublée d’un homme complexe. Les conversations thérapeutiques nous permettent au gré des échanges, des souvenirs ravivés, des questionnements soulevés, de dévoiler l’étonnante vie d’un homme en apparence semblable à tout autre, et pourtant au parcours d’une « banalité authentique extraordinaire » fait de joies, de peines, de drames et des bonheurs, de petits riens et d’aventures, d’erreurs et de succès, de regrets et de fiertés, de douleurs et de moments de bien-être… Autant de facettes l’ayant amené à ce point de sa vie où une aide lui est indispensable pour régler ses comptes avec lui-même, pour dépasser ses maux et vivre une vie sans l’handicap de démons intérieurs cachés qui ne demandaient qu’à ressurgir.

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Ce régal d’histoire d’amitié universelle, qui pourra paraître long par sa facture et ses thématiques, est transcendé par Desplechin pour ne jamais ennuyer. Le magnétisme tant de ses comédiens, personnages, dialogues et moments de pure émotion, nous conduit sur les traces d’un drame mélancolique à fleur de peau, sublime d’humanité et de subtile élégance. Son cinéma d’auteur agité laisse ici place à un échange théâtral apaisé pour une quête identitaire à la fois profonde, intelligente et plus créative que ne laisse croire son académisme. S’il faudra passer outre sa lenteur, sa monotonie, son cyclisme et son rythme en suspens, l’éclaircie qui se cache au bout du chemin est somptueuse, virtuose, magistrale où simplicité rime avec complexité dans une histoire attachante et dévastatrice. Desplechin redéfinit le « film psychologique » et passionne avec ce drame merveilleux captant avec magie des instants uniques.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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Critique – en salles – (drame)

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