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DO NOT DISTURB (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Do Not Disturb
Parents : Yvan Attal
Livret de famille : Yvan Attal (Ben), François Cluzet (Jeff), Laetitia Casta (Anna), Asia Argento (Monica), Charlotte Gainsbourg (Lilly)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : France
Taille/Poids : 1h28 – 5 millions €

Signes particuliers (+) : De bons comédiens, un ton et une bonne idée aléatoirement bien exploitée. Les fesses de Laetitia Casta enfin à l’image (si, ça compte !)

Signes particuliers (-) : En demi-teinte par manque de folie, d’humour, de rythme et de sincérité avec ses allures de films bobo roublard.

 

ON S’EN VAUDRAIT DE DÉRANGER…

Résumé : Jeff et Ben, deux amis de très longue date, se lancent un soir un peu trop arrosé dans une idée folle : réaliser le premier film porno avec deux hommes hétéro qui couchent ensemble ! Pas pour eux mais au nom de « l’Art »…

L’apprécié comédien Yvan Attal poursuit sa gentille petite carrière de metteur en scène qui avait débuté en fanfare il y a onze ans (mis à part son court-métrage en 1997) avec le successfull très bon et bien senti Ma Femme est une Actrice où il exorcisait sur grand écran sa position de mari jaloux d’une comédienne belle et courtisée. Toujours dans le registre de la comédie et pour son troisième long-métrage, Attal s’attèle cette fois-ci à un remake d’un film… américain ! Alors que l’on est habitué à régulièrement voir l’inverse, il est plus rare de voir le phénomène du remodelage dans ce sens là. A la base, il était une fois Humpday, petit film indépendant de Lynn Shelton qui a fait le tour des festivals en glanant pas mal de prix, de Sundance à Deauville et qui a connu une sortie très discrète en France courant septembre 2009. L’acteur/cinéaste s’empare du sujet de cette méconnue comédie bricolée dans l’improvisation la plus totale (dialogues improvisés, tournage en deux semaines…) pour en tirer une relecture à la française qui s’éloigne du côté auteuriste de l’original pour adopter un angle plus estampillé comédie masculine proche du burlesque. Deux amis hétéros, anciens des beaux-arts qui ont évolué chacun de manière très différente, des retrouvailles, une soirée alcoolisée, une idée à la limite pari idiot… L’idée de tourner un film porno ensemble dans le cadre d’un festival artistique réputé (le festival annuel Hump, à Seattle). Et Do not Disturb de voir comment ces deux esprits qui se voient libres, courageux, sans tabous ni barrière, prêts à s’investir passionnément dans un projet qui leur permettrait de réaliser quelque chose de fort dans leur vie, vont se confronter à un blocage « naturel » qui va se dresser comme une muraille devant toute leur motivation pour tenter une expérience. L’amitié masculine et son carcan culturel, c’est une chose. Vouloir être un artiste et le dépasser, c’en est une autre. Et Ben et Jeff de se rendre compte qu’il est plus facile de lancer de grandes phrases toutes faites sur la fonction de l’artiste que de passer à l’acte. De même qu’il est facile de se considérer « artiste » mais que c’est clairement autre chose que d’en être un. Les deux compères résument cela au fait qu’un artiste doit savoir aller là où il a peur, s’y confronter, se mettre en danger. Mais entre le dire et le faire ?

Yvan Attal tient un super concept, même s’il n’en est pas l’auteur et que le crédit est à l’actif de Lynn Shelton, réalisatrice du film d’origine. Mais en se glissant dans la peau de Ben et en choisissant l’excellent François Cluzet pour interpréter Jeff, l’acteur/réalisateur français a eu du flair. Ensemble, ils forment un duo délicieux entre complicité et cocasserie, que leur différences rendent encore meilleur. L’un est devenu un aventurier libre, l’autre un pur quadra rangé, parisien dans l’âme, avec femme, belle maison, tout le confort dedans et bien entendu, le 4×4 qui va avec. Do not Disturb va alors s’amuser à scruter le problème de taille qui se pose à ses deux amis de très longue date qui ont une idée folle et qui se sont vus un peu trop beaux dans cette affaire. Sur le papier, leur projet de porno amateur hétérosexuel ensemble était envisageable mais dans la réalité ? Dans la réalité, encore faut-il passer ou plutôt dépasser, le cap de l’intimité, de l’acte. Et les deux amis de mesurer tout le fossé qui sépare la soit-disante amitié sans limites de l’annihilation des barrières sociologico-culturelles. Entre tendresse ambiguë et un certain conformisme de position, l’amitié virile passe avec finesse sous l’objectif d’Attal qui s’amuse de sa complexité.

Do not Disturb est fort sur certains points. Il l’est notamment dans la façon dont il se moque de ces petits gestes entre potes plein de virilité vu de l’intérieur et qui, quand on y repense vu de l’extérieur, sont si étrangement ambigus. Il est également attendrissant de justesse quand il confronte ces deux amis à leur pari avec tout ce que cela trimballe de malaise, de maladresse, de gaucherie due à l’angoisse et à la peur sur réel fond de différences entre ce que l’on aimerait être et ce que l’on est, entre ce que l’on a été et ce que l’on est devenu avec tout l’attirail culturel que cela implique et qui a forgé nos propres mentalités en évoluant dans la vie. Yvan Attal réussit en fait ce sur quoi il a toujours été bon jusque-là dans sa courte filmographie : la justesse de ton. Pour l’instant, il aura toujours su trouver le bon ton pour traiter des sujets qu’il a abordé et c’est une nouvelle fois le cas avec Do not Disturb, résultat probable d’une longue observation de la réalité dont il s’impose comme un miroir à peine déformé. Le problème est que, contrairement par exemple à un Ma Femme est une Actrice, Do not Disturb manque de rythme autant qu’il manque d’inspiration pour remplir les grosso-modo 1h30 de son contenu. Passé son postulat, Attal est à la peine pour remplir le vide de sa tentative qui sonne un peu creuse derrière la justesse du propos. Ironiquement, on aurait presque l’impression qu’Attal échoue dans le sens inverse de 99% de ses confrères. Alors que généralement la forme tient la route mais que c’est dans le fond que les films pèchent, Do not Disturb fait l’inverse et réussit plus son fond que sa forme. Un meilleur équilibrage entre l’humour et la peinture de ces deux potes qui se retrouvent face aux limites de leur amitié qui se cogne contre les barrières culturelles relatives à l’identité sexuelle et inhérentes à notre monde sociétal, aurait pu donner lieu à l’une des meilleures comédies de l’année. Mais au final, on se retrouve face à une œuvre en demi-teinte, qui fonctionne dans l’arrière-plan sur certains points malgré quelques postures transgressives pas toujours sincères, parfois frappées du syndrome de l’allure bobo-hypocrite faussement contestataire déguisant son conformisme pour en travestir l’apparence, mais qui oublie en cours de route le plaisir immédiat de son registre par un manque de gags pour alimenter la loufoquerie de cette histoire tordue. En lieu et place, Attal étire chaque séquence en longueur pour rattacher les wagons de ce qui peine à devenir un film consistant.

Vis-à-vis de son modèle originel, Do not Disturb est très différent même s’il reprend des scènes entières en mode copier-coller. Si les deux films roulent sur l’autoroute de la comédie, la version Attal sonne autant plus professionnelle, plus léchée (là où il se dégageait un certain amateurisme plein de naturel dans le Humpday de Lynn Shelton) que moins drôle et moins touchante. Probablement le résultat d’une sincérité que l’on a du mal à mesurer. En tout cas, Do not Disturb essaie de se démarquer du film de Shelton pour toucher un autre public, un plus grand public avec un film est plus confortable. Deux visions.

Bande-annonce :

Pour les aventuriers, celle de l’original Humpday :

3 thoughts on “DO NOT DISTURB (critique)

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