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THE BATMAN de Matt Reeves : la critique du film

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Nom : The Batman
Père : Matt Reeves
Date de naissance : 2021
Majorité : 02 mars 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h47 / Poids : NC
Genre : Thriller, Polar, Action

Livret de Famille : Robert PattinsonZoë KravitzPaul Dano, Colin Farrell, Jeffrey Wright, John Turturro, Andy Serkis, Peter Sarsgaard…

Signes particuliers : Quasi parfait, The Batman renouvelle la mythologie de la chauve-souris de Gotham au cinéma. Un chef-d’œuvre du genre. 

Synopsis : Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au coeur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance – Alfred Pennyworth, le lieutenant James Gordon – parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu’un tueur s’en prend à l’élite de Gotham par une série de machinations sadiques, une piste d’indices cryptiques envoie le plus grand détective du monde sur une enquête dans la pègre, où il rencontre des personnages tels que Selina Kyle, alias Catwoman, Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, Carmine Falcone et Edward Nashton, alias l’Homme-Mystère. Alors que les preuves s’accumulent et que l’ampleur des plans du coupable devient clair, Batman doit forger de nouvelles relations, démasquer le coupable et rétablir un semblant de justice au milieu de l’abus de pouvoir et de corruption sévissant à Gotham City depuis longtemps.

VOUS N’ETES PAS PRÊTS !

NOTRE AVIS SUR THE BATMAN

Batman est de retour ! Mais pas dans le DC Universe. On avoue que l’on s’y perd un peu dans la ligne conduite par le studio depuis toutes ces années, laquelle n’a jamais réussi à afficher la cohérence du concurrent Marvel avec cette impression dissonante de naviguer à vue, et souvent à contretemps. The Batman, c’est ce projet de longue date que devait initialement dirigé Ben Affleck du temps où il incarnait la chauve-souris de Gotham. Il devait le réaliser mais avait fini par jeter l’éponge en raison d’un mélange de lassitude et de problèmes personnels. Matt Reeves avait fini par monter à bord, Ben Affleck a le quitter complètement, y compris en tant qu’interprète. Et après une valse de noms ayant circulé, le choix s’est porté sur Robert Pattinson, pour le bonheur des uns et le dépit des autres. Mais passons sur une genèse qu’il serait trop long de raconter en détail, sans compter qu’on s’en fout un peu. Dans les faits, le talentueux Matt Reeves (Cloverfield, La Planète des Singes) est donc aux commandes d’une nouvelle adaptation voulue comme un retour aux sources du Bat. Avec un casting de grande classe derrière Pattinson, Zoé Kravitz en Catwoman, Colin Farrell (méconnaissable) en Pingouin, Jeffrey Wright en Jim Gordon mais aussi John Turturro, Paul Dano, Andy Serkis ou encore Peter Sarsgaard. L’histoire, pondue à quatre mains par Reeves lui-même et Peter Craig (The Town, Hunger Games, Bad Boys For Life ou Blood Father), prend comme point d’entrée un Bruce Wayne qui pratique ses activités de justicier nocturne depuis environ deux ans seulement. Au cœur d’un Gotham gangréné par la corruption et la déliquescence, il inspire terreur chez les criminels et rejet auprès des forces de police qui voit en lui un simple vigilante cinglé. Alors qu’il se cherche personnellement, il va être happé par une enquête aux limites indéfinissables.
Vous vous souvenez de cette époque où la trilogie de Nolan a débarqué et où l’on entendait un festival de louanges vantant son côté plus sombre et plus réaliste ? Vous n’êtes pas préparés au train qui va vous rouler sur la tronche avec The Batman. A côté du film de Matt Reeves, les Nolan ont la noirceur d’épisodes des Barbapapas. Le cinéaste signe probablement « le film de super-héros » le plus noir, le plus dérangé et le plus torturé jamais vu dans une superproduction de cet acabit. On met volontairement des guillemets à super-héros car de manière très déroutante (et le public risque d’en être surpris), The Batman ressemble bien plus à un polar gothique qu’à un film de super-héros classique. Loin des Burton comme des Nolan, Matt Reeves s’est reconnecté de toute son âme à la véritable représentation de la chauve-souris et de son univers tel que Bob Kane et Bill Finger ont pu l’imaginer, mais surtout tel que Frank Miller a pu se la réapproprier dans les années 80. Un Batman qui dirige des enquêtes criminelles, un Batman qui n’est pas vraiment empathique mais dont l’objectif est d’inspirer la peur, une Gotham qui ressemble à une décharge à ciel ouvert façon Sin City, des personnages qui incarnent ce pourrissement global de la ville, un désespoir palpable caractérisé par une atmosphère profondément anxiogène et une ambiance terriblement nihiliste… En même temps, quand on ouvre son film sur du Nirvana, le ton est donné question « mal-être ».
On avait peur de la redite cinématographique, on ne peut que remercier Matt Reeves d’avoir su trouver une voie différente pour explorer le mythe de Batman. Son film est aussi grandiose que radical, conjuguant à merveille des références et des choix multiples. Sur certains aspects, on peut voir dans le film un travail d’auteur (adoubé par le succès du récent Joker) via une œuvre très personnelle, très psychologique, très intense dans son exploration des tourments d’un Bruce Wayne tragique, jeune homme reclus et en lambeaux n’ayant pas encore trouvé son identité aussi bien en tant qu’homme qu’en tant que justicier, et procédant avec une violence n’étant rien d’autre qu’une réponse au chaos, celui qui l’entoure à l’extérieur et celui qui le dévore de l’intérieur. A d’autres égards, Matt Reeves signe un film épique mixant avec une intelligence rare le film d’action, le thriller rugueux à consonance fincherienne et le polar ténébreux et ambigu. La conjugaison de tout cela donne une œuvre racée et vertigineuse qui aspire le spectateur dans un remous aux courants surpuissants jusqu’à le traîner en enfer.
A la fois passionnant dans sa réflexion sur l’héroïsme, haletant dans sa conduite d’un suspens labyrinthique et machiavélique, spectaculaire par à-coups savamment dosés (l’ambiance est souvent lancinante mais quand il envoie le bois, il ne le fait pas à moitié), émouvant dans son portrait d’un homme/justicier qui tente d’avoir le contrôle sur une situation qui dégénère et enfin radicalement immersif dans sa manière d’imbriquer ses pions dans une ville aux allures de personnage vivant, The Batman est le film immense que l’on se désespérait de (re)voir un jour dans le genre. Un film où les protagonistes ne sont jamais résumés à des figures fonctionnelles. Un film dense et profond où est développé un vrai regard sur la trajectoire de la chauve-souris de Gotham sans verser dans la facilité ni de l’origin story ni du simple spectacle décérébré. Un film offrant à rencontrer la meilleure Catwoman jamais imaginée et à voir la meilleure Batmobile qui soit. Un film capable d’être cruel, terrible, terrifiant, bouleversant, épuré ou au contraire emphatique. Un film personnel avec une vision personnelle (et très forte). Un film interprété avec génie et conviction par tous ses comédiens. Et enfin un film sublime, Matt Reeves déployant des trésors d’inventivité pour imager son entreprise à la force d’une mise en scène très graphique, extrêmement léchée, prodigieusement réfléchie et pourvoyeuse de scènes d’une beauté à crever (dont un final dévastateur).
Allant jusqu’à donner des frissons (merci au passage à la musique enivrante du si talentueux Michael Giacchino) tel un concentré d’adrénaline exposé à des rayons politiques sur l’idéalisme, le sécuritaire ou les jeux de pouvoirs, The Batman impose une sensation de grandiose monumental, de film total où le réalisme du regard épouse parfaitement le fantasme de l’univers batmanesque en se révélant comme un trait d’union ingénieux entre le fantasmagorique de Burton et le (souhaité) réalisme de Nolan. Matt Reeves s’est approprié avec génie toute la mythologie de Batman pour déployer un duel intense et fascinant entre le Bien, le Mal et tout ce qui gravite au centre et autour. Quasi-parfait, on peut décemment dire que l’on n’avait rien vu de tel dans le genre depuis The Dark Knight. Une sacrée baffe aller-retour avant un uppercut laissant sans voix ni mâchoire.

 

Par Nicolas Rieux

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