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NOSFERATU de Robert Eggers : la critique du film

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Nom : Nosferatu
Père : Robert Eggers
Date de naissance : 25 décembre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h12 / Poids : NC
Genre : Horreur

Livret de Famille : Lily-Rose Depp, Bill Skarsgård, Willem Dafoe, Nicholas Hoult, Aaron Taylor-Johnson, Emma Corrin…

Signes particuliers : Une relecture brutale, primale, viscérale.

Synopsis : NOSFERATU de Robert Eggers est un conte gothique d’une obsession entre une jeune femme hantée et un vampire épris d’elle, causant des horreurs indicibles sur son passage.

 

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NOTRE AVIS SUR NOSFERATU

Du chef-d’œuvre de Murnau au classique baroque de Coppola, de l’exploitation intensive de la Hammer aux blockbusters modernes bis ou foireux en passant par le Werner Herzog, les parodies, les délires régressifs ou les films qui le convoquent indirectement, Dracula a été tellement tourné et retourné dans tous les sens que l’on se demande à chaque fois ce qu’il peut bien rester à exhumer de son cercueil terreux. Que dire ou montrer de plus ? Et puis vient Robert Eggers, après encore récemment Le Dernier Voyage du Demeter ou Renfield. Avec sa vision d’auteur très marquée, son style radical et ses ambitions de signer un remake terrifiant proposant des « choses inattendues », l’auteur de The Witch, The Lighthouse ou The Northman a su répondre aux attentes monstrueuses précédant son Nosferatu, à n’en pas douter LE film d’horreur de cette fin d’année.

Sur le fond, Eggers revisite plutôt classiquement l’histoire emblématique imaginée par Bram Stoker, en s’orientant vers les codes de Nosferatu. Agent immobilier dans l’Allemagne de la fin du XIXème, Thomas Hutter est envoyé dans les montagnes transylvaniennes pour y finaliser l’accord de vente d’un domaine acquis par le mystérieux comte Orlock. Au terme d’un voyage difficile, il trouvera et sombrera dans un cauchemar qui va le frapper lui, son épouse Ellen, ses amis les Harding et bien d’autres.

Tel un orfèvre, Robert Eggers fait fondre dans une marmite le roman de Bram Stoker, les films de Murnau, Herzog ou Coppola, et de manière tout l’imaginaire du mythe de Nosferatu… De la matière brute obtenue, le cinéaste façonne à nouveau l’histoire du maître des vampires selon son style si singulier, pour proposer sa vision à lui de l’épopée vampirique, son Nosferatu. Et quel Nosferatu ! Bestial, brutal, primal, viscéral, avec une esthétique étouffante, souvent quasi monochromatique, soutenue par de puissantes cornes de brume apocalyptiques, ce Nosferatu est différent de tout ce que l’on avait pu voir jusqu’ici. Robert Eggers justifie son pari de l’énième remake en proposant un film qui n’innove pas sur le fond mais sur la forme, transformant une histoire d’horreur en véritable expérience de cinéma intensément terrifiante. Rien n’est plus identifiable qu’un film de Robert Eggers. Avec Nosferatu, tout son cinéma est convoqué, comme si tout ce qu’il avait pu faire jusqu’à aujourd’hui n’avait été qu’expérimentations pour en arriver là où il devait en arriver : reprendre à son compte l’un des plus grands mythes de l’épouvante pour le remodeler selon son sens du réalisme charnel, épurant à l’extrême tout le folklore romanesque pour ne garder que l’essence de la terreur habitée et habitante.

Se lancer dans ce Nosferatu 2024, c’est accepter de pénétrer de plain-pieds dans l’enfer selon Eggers. Avec sa sidérante et magistrale virtuosité artistique, le cinéaste nous hypnotise, ferme toutes les portes, barricade fenêtres et sorties de secours, pour piéger le spectateur dans un cauchemar anxiogène de plus de deux heures dont il sera impossible de s’extraire. Visuellement glacial, proche du noir et blanc ultra-travaillé pour renforcer l’impact d’une ambiance obsédante et mortifère, Nosferatu ne distille pas la peur comme dans les précédents longs-métrages du cinéaste, il veut être la peur, il veut transpirer et incarner la peur. Eggers pense et entreprend tout en ce sens. Les images tétanisantes s’enchaînent comme des coups de génie successifs, l’atmosphère délétère croît crescendo en tension oppressante pour devenir envahissante, limite asphyxiante, le travail sonore crispant et la partition musicale lourde deviennent envahissant et le film étire ses membres pour attirer à lui tant le film vampirique que l’épopée horrifique, le drame psychologique ou le film de possession.

Avec Murnau, on a eu le lugubre. Avec Herzog, on a eu le mélancolique. Chez Coppola, on a eu le baroque. Avec Eggers, c’est la matérialisation de l’horreur primaire. Le cinéaste réussit l’exploit prodigieux de marier toutes les tonalités jadis explorées et d’en ajouter des nouvelles. L’expressionnisme allemand de Murnau, la poésie d’Herzog, l’emphase inquiétante de Coppola. La somme de tout cela donne un film de vampire vampirisant, du genre qui envoûte et possède le spectateur comme Nosferatu envoûte et possède la pauvre Ellen Hutter, pénétrant l’esprit pour mieux torturer de l’intérieur.

Nosferatu est un très grand film de sensations. Sinistre, macabre, aliénant, sensuel, cruel, barbare. Et Eggers ne passe pas loin du coup parfait, seulement freiné par quelques redondances à chercher dans la trajectoire du personnage de Lilly Rose-Depp, dont les scènes (en mode possession façon L’Exorciste) se répètent jusqu’à l’overdose, et avec elles la prestation autistique de la comédienne en surchauffe, voire en surjeu. Et dire qu’Anya Taylor-Joy fût un temps associée au rôle… Néanmoins, si le film s’affaisse un peu de ce côté-ci, il se rattrape très bien partout ailleurs en soufflant un effrayant vent épique balayant des Nicholas Hoult, Aaron Taylor-Johnson et autre Willem Dafoe ou Emma Corrin, tous emportés par la puissance écrasante d’un Nosferatu effroyablement incarné par Bill Skarsgard. Eggers ne passe pas loin du chef-d’oeuvre. Une chose est sûre, jamais le mythe de Dracula/Nosferatu n’a été illustré de manière aussi primitive, aussi sauvage. Ce Nosferatu est paralysant de terreur, un sentiment semblable à celui qu’inspirait Max Schreck il y a fort longtemps.

 

 

Par Nicolas Rieux

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