Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Mon Roi
Mère : Maïwenn
Date de naissance : 2014
Majorité : 21 octobre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h04 / Poids : NC
Genre : Drame, Romance
Livret de famille : Emmanuelle Bercot (Tony), Vincent Cassel (Giorgio), Louis Garrel (Solal), Isild Le Besco (Babeth), Chrystèle Saint-Louis Augustin (Agnès), Yann Goven (Jean)…
Signes particuliers : Pour son quatrième long-métrage, Maïwenn signe une fresque romanesque perturbée par le drame de deux passionnés qui s’autodétruisent.
AMOUR, PASSION, DÉCHIREMENT ET RÉSILIENCE
LA CRITIQUE
Résumé : Tony est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski. Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio. Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré? Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ? Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer …L’INTRO :
Maïwenn et la réalisation : acte IV. Quoiqu’on pense de la personne, souvent critiquée voire peu estimée pour son narcissisme et sa prétention notable, l’important chez l’actrice-cinéaste est son travail. C’est sur cela qu’elle est, et doit être, jugée avant tout. Et pour le coup, force est de reconnaître que Maïwenn attire le respect de ce côté là. Après son inaugural Pardonnez-moi, un premier film arborant les maladresses des débuts, la réalisatrice a enchaîné les réussites, l’étonnant Le Bal des Actrices d’abord, puis le magistral Polisse, ensuite. Aujourd’hui, elle livre Mon Roi, romance tragique portée par Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel, sélectionnée en compétition officielle au dernier festival de Cannes, d’où elle repartira avec le prix d’interprétation féminine. Pour la première fois, Maïwenn laisse le jeu à d’autres et se contente d’orchestrer ce « bal de l’amour ».L’AVIS :
Des années que Maïwenn travaillait sur Mon Roi, né soi-disant de l’écoute de la célèbre chanson d’Elli Medeiros « Toi mon Toit« . La scénariste-réalisatrice aura longuement mûri cette fresque romantico-dramatique étalée sur plusieurs années et scrutant la passion déchirante d’un couple tour à tour fusionnel et antinomique, à travers des flashbacks mémoriels où le souvenir tente de se conjuguer au recul lucide. Un amour destructeur et dévorant, c’est tout l’enjeu au centre de Mon Roi, bouleversant récit qui enivre, consume, brise, écrase. Elle est une femme faussement forte et réellement fragile tombée sous la coupe piégeuse d’un amour incommensurable qui lui aura fait du mal. Il est un séducteur, beau-parleur pour les uns, pervers narcissique pour les autres, dont le soupçonné mal-être caché est en partie responsable du calvaire vécu. Ensemble, leur passion conjugue leurs névroses respectives, qui se cristallisent dans des conflits plus grands que nature. Ou quand l’addition dans une histoire d’amour à deux, se complexifie quand entrent dans l’équation, des notions de soustraction, de division, de multiplication au carré des problèmes ravageurs. Tony, le personnage d’Emmanuelle Bercot, est tour à tour naïve, attachante, faible, hystérique. Giorgio, celui de Vincent Cassel, fascine, révulse, charme, repousse, emporte, énerve. Reflet de la vie qui n’est pas un long fleuve tranquille, reflet d’un amour comme un encéphalogramme qui se refuse à être plat, Mon Roi brille par le maelström dur et viscéral qu’il déploie, illuminé par des protagonistes qui énervent autant qu’ils régalent.C’est le fil de leur romance destructrice revue à rebours, qui donnera ses tons à un film aussi changeant que les phases de ce type d’amour passionnel et broyeur. Mon Roi commence comme une comédie, dévie lentement vers la comédie dramatique, braque dans le drame pur, puis glisse lentement vers la tragédie horrifiante. La vie amoureuse selon Maïwenn ? Disons plutôt que l’amour est le sentiment nuancé par excellence, capable de tout et de rien, capable d’enivrer, capable de faire plus mal que tout autre chose. Plein de vérité (et de vérités), ce qui vibre avec fracas dans cette chronique dramatique, le vrai genre du film en définitive, c’est la justesse permanente de chaque moment, de chaque étape du fil de ce couple qui s’adore, se déchire, s’aime, s’anéantit. Aussi beau qu’il ne peut se révéler cruel et amer, Mon Roi emporte tout sur son passage, entre rires et larmes, entre authenticité et regard sombre et désespéré. Deux êtres, deux aimants qui succombent à l’attraction irrésistible qu’ils éprouvent l’un envers l’autre. Et en scintillance, cette impossibilité de dire « stop » quand il en est encore temps. « Nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons » disait Freud. Mon Roi est la démonstration de cet état de vulnérabilité, auquel on assiste impuissant, l’œil saisi par le dessin d’un traumatisme démolisseur, comme le fait patiemment le frangin à l’humour dévastateur (formidable Louis Garrel).La métaphore de la convalescence qui entrecoupe le récit (après un accident de ski, Tony devant apprendre à remarcher, au sens propre comme au sens figuré), manque peut-être d’un peu de finesse, mais elle permet d’illustrer ce regard en arrière sur l’écoulement de cette « rivière romanesque » aux tourbillons périlleux, ou quand l’amour peut s’avérer toxique, étouffant, au point que dans la balance, les moments de bonheur resteront irrémédiablement associés au cauchemar qui les entourait. Qui est responsable ? Lui pour ses actions ? Elle, pour avoir été si naïve, faible, et pour en avoir redemandé encore et encore ? Un peu féministe dans l’âme (bien que la cinéaste refuse cette considération), Mon Roi aurait pu être encore plus vrai, plus pertinent, s’il s’en était allé explorer certaines facettes fondatrices de son personnage masculin, qui semble être la cible toute désignée de ce chaos créateur de souffrances. En adoptant un point de vue exclusif, le film pourra paraître aux yeux de certains, comme une charge inconfortable envers les hommes. Mais au final, l’est-il vraiment ? Ce serait probablement trop réducteur. C’est d’un homme, d’une femme et d’une situation que parle Maïwenn, sans faire de généralité. Et si tout un chacun pourra se reconnaître dans certaines ombres tapissées derrière le récit, Mon Roi transpire bel et bien l’authentique, au-delà d’une sincérité aléatoire. On pourra comprendre, objecter, compatir, détester… Et c’est là sans doute l’une des réussites de la réalisatrice avec ce quatrième long-métrage. Provoquer des réactions, bousculer violemment. Une chose est sûre, Mon Roi captive et se fait entendre, pour sa verticalité, sa radicalité, sa frontalité, sa vulgarité, sa façon de crier très fort aussi. On aime ou on déteste, parfois les deux en même temps sans pouvoir faire la part des choses et savoir quel bord gagne la partie. mais c’est encore un pari gagné pour la fantastiquement énervante Maïwenn, qui a le mérite de faire naître des émotions au cinéma et de proposer des œuvres au regard fort.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux