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A 2000 MÈTRES D’ANDRIIVKA de Mstyslav Chernov : la critique du film

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Nom : 2000 Meters To Adriivka
Père : Mstyslav Chernov
Date de naissance : 24 septembre 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : Ukraine
Taille : 1h51 / Poids : NC
Genre : Guerre

Signes particuliers : Un choc.

Synopsis : Une section ukrainienne doit traverser un kilomètre de forêt lourdement fortifiée afin de libérer un village stratégique de l’occupation russe.

LA GUERRE DROIT DANS LES YEUX

NOTRE AVIS SUR A 2000 MÈTRES D’ANDRIIVKA

Avec À 2000 Mètres d’Andriivka, Mstyslav Chernov nous embarque aux côtés d’une petite section de l’armée ukrainienne dont la mission est de libérer le village « stratégique » d’Andriivska situé deux kilomètres en amont. Le seul moyen d’y accéder est une courte bande de forêt longiligne. De chaque côté, des champs de mines meurtriers. L’objectif est clair et concis : franchir ces redoutables 2000 mètres et planter le drapeau national dans le village une fois repris aux russes. Deux petits kilomètres… Si proche lors d’une petite promenade bucolique, si loin quand on fait face à une opposition lourdement armée qui vous attend au bout.

À 2000 Mètres d’Andriivka confronte un groupe d’hommes face à un chemin de croix. Les balles qui fusent, les mortiers qui pleuvent du ciel, le bruit, la fureur, le danger, la mort, les soldats qui tombent en chemin. Mstyslav Chernov nous plonge dans un thriller de guerre à intensité maximale, haletant, douloureux, épuisant, où le courage et la peur se mêlent dans une pure illustration de l’enfer de la guerre. On se croirait devant un Il faut sauver le soldat Ryan version ukrainienne… Sauf qu’il s’agit… d’un documentaire. Oui, vous avez bien lu, À 2000 Mètres d’Andriivka n’est pas une fiction, c’est un documentaire. Le cerveau bugue, la respiration s’arrête. Glaçant. Les bombes qui tombent du ciel ne sont pas des obus factices mais de vraies bombes destructrices. Les balles qui traversent l’écran et les mortiers qui pleuvent du ciel n’ont rien de bidon, ce sont de vrais engins de mort. Et les hommes qui tombent ne sont pas des acteurs qui vont se relever après un « coupez » du réalisateur. Ils ne meurent pas pour de faux. Ils meurent pour l’éternité.

De mémoire d’Oscars, on n’a jamais vu un réalisateur remporter la précieuse statuette deux fois en l’espace de trois ans. Spielberg l’a fait en cinq ans, Tom Hanks l’a gagnée deux fois d’affilée mais c’est un comédien. En tout cas, l’ukrainien Mstyslav Chernov pourrait bien être l’un des visages à retenir de la prochaine édition. Lauréat de l’Oscar du meilleur documentaire en 2024 avec le déjà puissant 20 Jours à Marioupol (où il avait capté le début de la destruction de la ville par les troupes russes), le réalisateur sera de nouveau candidat dans la même catégorie l’an prochain avec À 2000 Mètres d’Andriivka, un nouveau documentaire sur l’horreur de la guerre en Ukraine. Plus qu’un documentaire, son film est un témoignage universel sur la réalité d’un conflit guerrier moderne dont on est loin de s’imaginer l’enfer et l’usure malgré sa forte médiatisation.

Au milieu de cette immersion dans un chaos sanglant ponctué d’affrontements que l’on sent éprouvants, des portraits d’hommes -pour beaucoup des gamins à peine majeurs- qui ne sont « pas là pour servir mais pour combattre ». Personne n’est ici par vocation de toute manière, lâche avec dépit un jeune soldat. Ils ont été attaqués, leurs maisons ont été détruites, ils ont dû prendre les armes pour défendre leurs villes et leurs villages. Terrible. Et alors que l’on assiste à un intense affrontement harassant marqué par une pluie d’obus continuelle, une autre pluie s’abat à l’écran, un déluge de séquences fortes qui marqueront à jamais les mémoires. Pas seulement de cette année, les mémoires d’une vie de cinéphile qui n’a jamais été confrontée à un film pareil. Comment oublier cette bouleversante séquence de funérailles où résonne cette phrase « On dit que les héros ne meurent jamais. C’est faux, ce sont justement les héros qui meurent. Et que restera t-il quand ils auront pris tous nos fils ? » Comment oublier ces plans saisissant de villes fantômes, en ruines, ou ces plans aériens de champs jonchés de corps de soldats tués ? Ou encore cet échange capté entre un soldat ukrainien qui balance à un soldat russe blessé « qu’est ce que vous êtes venus foutre ici, tu crois que j’avais pas mieux à faire à 19 ans qu’être là ?« 

Et si cela ne suffisait pas, si l’expérience immersive n’était pas assez forte, Chernov nous achève avec un final d’une puissance déchirante où se dresse un constat terrible duquel jaillit toute l’ironie de la guerre. Libérer des villages en ruines, progresser pour reprendre un territoire en lambeau, sauver un petit chat errant car les habitants sont partis, tenir bon dans une guerre partie pour durer des années. Et plus elle durera, « plus le monde s’en désintéressera » entend t-on laconiquement de la bouche du courageux Mstyslav Tchernov qui est allé au contact du danger pour témoigner de ce qu’il se passe dans un petit coin de l’Europe en passe d’être oublié.

 

Par Nicolas Rieux

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