Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Trance
Père : Danny Boyle
Livret de famille : James McAvoy (Simon), Rosario Dawson (Elizabeth), Vincent Cassel (Franck), Danny Sapani (Nate), Wahab Sheikh (Riz), Tuppence Middleton (la jeune femme rêvée)…
Date de naissance : 2013 / Nationalité : Angleterre
Taille/Poids : 1h35 – 19 millions $
Signes particuliers (+) : La réal virtuose et tendue de Boyle et un suspens haletant qui fonctionne malgré les grossièretés scénaristiques.
Signes particuliers (-) : Le film manque de crédibilité générale et flirte même parfois avec le ridicule en plus de devenir un peu lassant dans sa recherche excessive de la surprise permanente dans un script simple mais complexifié à l’extrême.
UN MANQUE DE BOYLE
Résumé : Simon Newton, commissaire-priseur dans une célèbre maison de vente aux enchères, participe au braquage d’un Goya en plein milieu d’une vente. Il cache l’oeuvre d’art mais un coup reçu à la tête l’empêche de se souvenir d’où… Ses complices ne voient pas cet « oubli » d’un bon oeil et l’expédie chez une thérapeute spécialisée dans l’hypnose…
Trois ans après le petit budget biographique plein de hargne, efficace et rentre-dedans qu’était 127 Heures, le britannique Danny Boyle est de retour avec cette fois-ci un thriller machiavélique, limite hitchcockien dans l’âme, et signe son dixième long-métrage de cinéma. Un cap important ponctuant jusque-là un presque sans faute tant Boyle est clairement l’un des metteurs en scène les plus constants et parmi les plus intéressants de son pays, lui qui n’a jamais eu besoin de millions par camion-benne pour réaliser de petites merveilles aussi distrayantes que follement inventives et de qualité. Alors qu’une suite à Trainspotting se prépare avec la même équipe derrière la caméra, Danny Boyle collabore justement une nouvelle fois avant d’entamer cette nouvelle aventure, avec John Hodge, le scénariste du dit classique de 1996. Coincé entre ses obligations pour le Comité Olympique (Boyle a mis en scène la cérémonie d’ouverture des JO de Londres 2012) et les impératifs qu’exigent un tournage, Trance est une nouvelle petite bombe survitaminée du cinéaste, tournée avec une détermination toujours plus rageuse. Et Boyle de rester fidèle à lui-même et à ses méthodes de travail : tournage rapide, collaboration avec des acteurs de nationalités disparates (l’écossais James McAvoy, l’américaine Rosario Dawson, le français Vincent Cassel), importance accordée à la musique, à l’esthétique visuelle et au rythme avec un résultat en forme de canette énergisante.
Trance parle de vol de tableaux et de thérapie par l’hypnose via l’engrenage infernal dans lequel est plongé Simon Newton (McAvoy), un commissaire-priseur embarqué dans le vol d’un Goya lors d’une vente aux enchères. Sur sa route, deux personnes : Franck (Cassel), l’organisateur du hold-up et Elizabeth Lamb (Dawson), une thérapeute spécialisée dans l’hypnose. Scénario à tiroirs multipliant les doubles-fonds, musique électro dopée (signée Rick Smith qui avait déjà travaillé lui-aussi sur Trainpotting), accélération permanente du rythme pour soutenir la folie d’un script tortueux emmenant le spectateur dans les dédales d’une histoire aux nombreuses illusions et trompe-l’œil, Trance est un petit bolide qui une fois lancé et inarrêtable. Un film dans lequel chacun va donner de sa personne pour aboutir à un résultat le plus singulier possible, entre un James McAvoy qui tente des cascades dangereuses où une Rosario Dawson dont l’interprétation fera couler beaucoup d’encre notamment pour une fameuse scène de nu full-frontal où la belle dévoile sans pudeur toute son anatomie qui en fait fantasmer tant.
Construit comme un puzzle facétieux où le spectateur ne doit jamais rien prendre comme acquis dans un film/casse-tête diabolique et étourdissant, Trance est l’occasion une fois de plus, d’admirer la maîtrise virtuose d’un Danny Boyle aux multiples talents. Cette fois, il le met au service d’un thriller psychologico-dramatique visuellement éblouissant, narrativement complexe, rythmé et sans temps-morts. Boyle et le marionnettiste qui opèrent dans les coulisses en jouant les ficelles retorses d’un script à la structure étudiée, calculée, millimétrée et ultra-réfléchie. Peut-être un peu trop justement car Trance manque parfois (voire souvent) de naturel et fait preuve d’une certaine forme de roublardise très appuyée en cela qu’il veut tellement jouer avec le spectateur, ses croyances et ses acquis dans le déroulement de l’histoire, qu’il finit par devenir qu’une maison de glace où se reflètent partout tous les trucs et astuces qui construisent la structure dramatique piégeuse de ce dédale ouvert. Tant et si bien qu’au lieu de se laisser aller vers ce thriller limite psychédélique et labyrinthique, on se retrouve à constamment être spectateur du travail d’un artiste qui s’amuse à nous balader avec délectation, pour jouer certes, mais en prenant le risque de le faire une fois de trop, celle où le jeu deviendra lassant et non plus amusant. A trop vouloir surprendre son audience à chaque coin de page de script, Trance est en devient en effet presque un peu trop « tout », un peu trop rusé, un peu trop roublard, un peu trop malicieux, un peu trop tortueux, un peu trop factice dans son recours au twist inépuisable ouvrant double-fond sur double-fond, sans jamais avoir quelque part e tête, la bonne limite à laquelle s’arrêter.
Trance est une affaire de faux-semblant façonnés sur une mécanique complexe dissimulant au final une histoire assez simple. La méthode Hitchcock. Sauf que Boyle a eu les yeux plus gros que le ventre et alors que l’on traverse ce dédale pelliculée fourmillant d’embûches à tous les recoins, on finit par déboucher sur une petite clairière, théâtre d’un final nous révélant les clés de compréhension d’un scénario de série B très tiré par les cheveux à la limite de l’improbable. Ou quand le simplisme assez limite s’offre comme résolution à tout un jeu de miroirs malin et sophistiqué. Pourtant, pas vraiment de déception à l’arrivée de ce thriller ludique et divertissant, juste une sensation d’avoir été un peu trop baladé avant de faire découvrir un pot-au-roses qui a de fortes chances d’en excéder plus d’un par la façon dont il dégonfle l’intelligence de l’ensemble pour le ramener à un terre-à-terre sacrément abscons. Pourtant, on parvient à prendre du plaisir dans cet embrouillement narratif à s’en arracher les cheveux même si Boyle finit par agacer que ce soit par son incapacité à s’arrêter avant de franchir la ligne jaune, ou par une légère auto-caricature de son style entre rythme énervé et musique électro-pop appuyée le soulignant, rappelant la recette gagnante du bonbon acidulé qu’était Trainspotting.
Danny Boyle signe au final un film sympathique qui aurait pu être une petite pépite jubilatoire s’il avait respecté l’adage selon lequel « l’abus est dangereux pour la santé ». Abus de faux et de frais twists, abus de trucs et astuces roublards, abus de complexification narrative pas toujours utile (renforçant l’impact de la chute quand il s’agit de retomber lourdement dans la simplification), abus de sa BO éléctro, abus de sophistication visuelle, abus de son style (frôlant l’auto-caricature) et enfin abus de rebondissements narratifs parfois si tirés par les cheveux et improbables que le script tout entier en frise le grotesque… Trance est l’occasion pour le cinéaste anglais de flamber au risque de se brûler les ailes et ce qui est jeu bien divertissant au départ, finit par devenir un peu agaçant à la longue lorsque le film commence à se moquer de nous par une certaine forme de cynisme involontaire nous embrouillant à l’excès pour pas grand-chose. La mécanique du vide ? Peut-être pas jusque-là même si l’on serait tenté, mais ce serait oublier les bonnes choses qui ponctuent ce cinéma excité et singulier d’un véritable artiste stratège au accouche d’un film décalé et distrayant malgré ses défauts énervants.
Bande-annonce :