A l’occasion de la sortie du nouveau film de Woody Allen Wonder Wheel, nous avons pu rencontrer la distribution du film, pour le compte de l’émission Mardi Cinéma L’hebdo sur France 2.
Synopsis : Wonder Wheel croise les trajectoires de quatre personnages, dans l’effervescence du parc d’attraction de Coney Island, dans les années 50 : Ginny, ex-actrice lunatique reconvertie serveuse ; Humpty, opérateur de manège marié à Ginny ; Mickey, séduisant maître-nageur aspirant à devenir dramaturge ; et Carolina, fille de Humpty longtemps disparue de la circulation qui se réfugie chez son père pour fuir les gangsters à ses trousses.
LE 31 JANVIER AU CINÉMA
ENTRETIEN AVEC KATE WINSLET & JIM BELUSHI
Qu’est-ce qui vous a donné de rejoindre l’aventure Wonder Wheel ?
Kate Winslet : En tant qu’acteur quand Woody Allen vous appelle, vous ne vous posez pas de question. Vous foncez ! D’autant que les personnages du film sont absolument brillants. La vie est courte et elle est faite d’expériences enrichissantes qui vous laisseront des souvenirs indélébiles. En tant qu’acteur, vous ne pouvez pas refuser quand on vous sert un script comme celui-ci, si riche, si extraordinairement bien écrit, si fin, avec de nombreuses couches de lecture.
Jim Belushi : En fait, même si Woody Allen vous appelle pour faire une pub pour Pepsi, vous le faites !
Kate Winslet : J’ai aussi été attirée par le fait que ce n’était une comédie à la « Woody Allen ». Le côté sombre de l’histoire m’a séduite.
Jim Belushi : Beaucoup de cinéastes ont essayé de créer des personnages « à la Woody Allen ». Mais son style est unique, son approche aussi.
Dans le cinéma de Woody Allen, les acteurs ont toujours un rôle central, ils sont essentiels. Comment c’était de travailler avec lui ?
Kate Winslet : C’était formidable… et très intense. C’était un petit budget donc on n’avait pas beaucoup de temps pour boucler le film. Le tournage n’a duré que six semaines, contre 11 ou 12 semaines habituellement. Il y avait donc la moitié du temps traditionnel mais un script avec encore plus de dialogues que n’importe quel film classique ! Je crois que je n’ai jamais eu autant de dialogues à dire dans un film dans toute ma carrière !
Jim Belushi : Tu devais avoir autant de lignes de dialogues que dans King Lear !
Kate Winslet : Mais c’était excitant de faire partie de ce film car c’était un vrai challenge d’avoir autant de texte à dire. Je devais être constamment préparée, je devais avoir tout en tête en permanence. C’est exténuant, surtout qu’émotionnellement, c’est un personnage complexe et perturbé. Mais ce fut une très belle expérience, avec une petite équipe de tournage, un vrai esprit de solidarité, ce que j’aime beaucoup.
Jim Belushi : Et une équipe très concentrée. Il n’y avait jamais de verbiage inutile, l’équipe était très focalisée sur le travail. L’atmosphère de tournage était formidable. Concernant Wody, mon plus beau souvenir avec lui ne concerne pas le travail. Je viens de Chicago et Woody le savait. Un jour, il se tourne vers moi après une prise et me lance : « Je pense que Chicago va gagner le championnat de baseball cette année. ». Je suis tombé amoureux de Woody car ils l’ont fait, il a eu raison !!
Kate Winslet : Woody est quelqu’un de très surprenant.
Kate, il paraît que lors de votre première scène sur le tournage, Woody a trouvé que « vous faisiez trop votre actrice » ?!
Kate Winslet : (rires) Alors oui, mais ce n’était pas sur ma première scène, c’était plus tard pendant le tournage. Woody Allen est quelqu’un de très honnête et de très direct, mais aussi quelqu’un de très drôle et de très doux. Il ne sera jamais impoli. Un jour, on répétait une scène, je récite tout mon monologue et là, il me regarde et me lance : « Heu… Tu vas jouer toute la scène comme ça ? ». J’étais interloqué et je me suis demandée s’il venait vraiment me dire ce que je venais d’entendre. Je lui demande donc quel est le problème et il me sort que je fais « trop l’actrice« . Dépitée, je me suis dit « Oh mon Dieu… »
Jim Belushi : En vrai, quand on est acteur, on voit très bien ce qu’il veut dire par là. Il veut dire d’être plus sobre.
Kate Winslet : Exactement. C’était un peu décourageant sur l’instant mais en réalité, c’est une excellente indication pour un comédien. On comprend parfaitement ce que l’on doit changer avec une phrase comme cela. Cela veut dire de jouer de manière plus simple, plus classique, avec moins de gestes etc… Bref. Il faudrait que j’arrête de raconter cette histoire en fait ! (rires)
Les dialogues de Woody Allen sont toujours millimétrés. C’est possible d’improviser avec lui ?
Kate Winslet : C’est drôle car Woody voudrait croire que c’est possible. Il dit tout le temps que l’on ne doit pas hésiter à changer le texte si on n’aime pas les mots, qu’on peut l’adapter à nous. Non mais sérieusement, qui voudrait changer une ligne d’un texte de Woody Allen ?!
Jim Belushi : Il a eu un Oscar pour son écriture et on s’amuserait à changer ses textes ?! En effet, il nous dit souvent que l’on peut changer les mots s’ils ne nous paraissent pas naturels. Mais faut pas oublier qu’on se prend tellement la tête pour mémoriser ses textes, qu’on va pas les changer une fois qu’on les connaît enfin par cœur !!
Kate Winslet : C’est ça. J’avais tellement à cœur d’être bien préparée que j’avais appris tout le script, même les lignes de mes collègues.
Jim Belushi : C’est un truc drôle ça avec Kate. Elle connaissait tout le script, elle connaissait le texte de tout le monde, y compris celui du figurant qui joue le chauffeur de taxi dans une scène !
Kate Winslet : C’est vrai. Mais justement, parce que je connaissais le script sur le bout des doigts avant d’attaquer le tournage, ç’aurait été difficile d’improviser. D’ailleurs, c’est arrivé un jour. On allait attaquer une scène et il me dit qu’il n’a pas écrit de dialogues car il comptait sur le fait que j’improviserai un truc sur le tournage. J’ai paniqué et je ne savais pas quoi dire ! Pour résumé, il est tellement doué pour écrire, que l’on n’a pas envie de trahir la moindre ligne.
ENTRETIEN AVEC JUNO TEMPLE & JUSTIN TIMBERLAKE
Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce projet ?
Juno Temple : Clairement, l’opportunité de tourner avec Woody Allen, qui est un réalisateur au style unique. Et puis le scénario était extraordinaire.
Justin Timberlake : Tout pareil.
Juno Temple : Ah, et aussi la chance de pouvoir travailler avec Kate Winslet qui est l’une de mes héroïnes !
Justin Timberlake : Ouais, elle est pas mal… Non je plaisante, elle est géniale !
Woody Allen est un sacré personnage et une légende du cinéma. Comment c’est de travailler avec lui ?
Justin Timberlake : Formidable. C’est quelqu’un qui fait confiance à ses acteurs. J’avais entendu beaucoup de rumeurs à son sujet, comme quoi il ne faisait jamais de répétitions, qu’il ne dirigeait pas vraiment ses comédiens… C’est en fait tout le contraire ! Il fait des répétitions, mais de scènes vraiment très spécifiques.
Juno Temple : Il y a forcément un peu de pression car de manière générale, on ne veut jamais décevoir un réalisateur mais encore moins quand on a des dialogues pareils avec une vraie rythmique.
Justement, en parlant des dialogues, est-il possible d’improviser sur le tournage d’un Woody Allen ?
Juno Temple : Vous pouvez mais vous n’en avez pas envie.
Justin Timberlake : Exactement. Une ou deux fois, j’ai voulu tenter quelque chose de différent et finalement, je me suis rendu compte que ce n’était pas une bonne idée.
Juno Temple : Mais Woody n’est pas contre, attention. Il est très ouvert par rapport à ses dialogues.
Justin Timberlake : En fait, quand il sent que quelque chose ne fonctionne pas bien, il propose de lui-même de changer les dialogues pour que l’on se sente plus à l’aise. Le plus drôle, c’est quand il trouve qu’un dialogue est trop long alors que c’est l’heure d’aller manger ! Il vous regarde en disant « J’ai vraiment écrit ça moi ? ». « Heu… oui Woody, c’est écrit. » On se demande s’il se moque de vous ou pas ! (rires)
Un jour, je tournais une scène avec Kate Winslet et là, au milieu de la scène, je vois Woody qui se lève et qui s’en va. Il se retourne, me regarde et me dit « Ah mais tu étais encore en train de parler là ? » (rires) Je lui dit : « Heu oui Woody, la scène n’est pas finie ! ». Et là il me sort « Ah non, c’est pas possible, on doit aller déjeuner là ! » Il était 10h du matin ! On revient de déjeuner et il décide de raccourcir la scène et c’était parfait au final ! Il sait toujours ce qu’il fait en fait.
Pouvez-vous nous raconter votre premier jour de tournage ?
Juno Temple : Mon premier jour, c’était avec toi Justin.
Justin Timberlake : Je me souviendrai toute ma vie de mon premier jour de tournage pour une raison futile en plus. Je me pointe sur le plateau et je vois Woody Allen. J’avais un jean et un t-shirt bleu. J’arrive devant lui et là, je me rends compte qu’il est habillé exactement de la même manière que moi ! Tout pareil. Je passe mon bras autour de lui car je trouvais ça drôle à voir, côte à côte. Il lisait son scénario et là, il lève la tête et sursaute ! Il regarde mes habits fixement et dit « Oh… Ok, très bien ». Et hop, il se barre !
Un mot du décor de Coney Island dans les années 50. Vous aimez ce côté rétro de l’ancienne Amérique ?
Justin Timberlake : C’était une super époque !
Juno Temple : Les costumes de cette époque sont magnifiques ! Il y a un côté délicieux. Pour Coney Island, ça ne ressemble plus du tout à ça aujourd’hui ! Les gens des décors ont fait un super travail. A l’image, il y a quelque chose de fascinant à voir cet univers. Pour ceux qui y vivaient, c’était une autre histoire. On pouvait vite devenir fou avec tout ce bruit, cette musique et cette agitation.
Justin Timberlake : Cette époque permet de lier aussi le film à certains œuvres qui se passent à la même période, quand le théâtre se frayait un chemin vers le cinéma. Ce n’est pas un hasard si Wonder Wheel rappelle Un Tramway Nommé Désir par exemple. On se croirait dans une pièce de théâtre. C’est une tragédie et si vous aimez le cinéma, si vous aimez les classiques du cinéma, les œuvres de Tennessee Williams ou Elia Kazan, alors vous aimerez ce film.
Propos recueillis et traduits par Nicolas Rieux pour Mardi Cinéma L’hebdo.
Merci