A l’occasion de la sortie du nouveau film de Woody Allen Wonder Wheel, nous avons pu rencontrer le réalisateur, pour le compte de l’émission Mardi Cinéma L’hebdo sur France 2.
Synopsis : Wonder Wheel croise les trajectoires de quatre personnages, dans l’effervescence du parc d’attraction de Coney Island, dans les années 50 : Ginny, ex-actrice lunatique reconvertie serveuse ; Humpty, opérateur de manège marié à Ginny ; Mickey, séduisant maître-nageur aspirant à devenir dramaturge ; et Carolina, fille de Humpty longtemps disparue de la circulation qui se réfugie chez son père pour fuir les gangsters à ses trousses.
LE 31 JANVIER AU CINÉMA
Pourriez-vous nous dire ce que vous avez voulu raconter derrière cette histoire ?
Woody Allen : J’ai voulu exprimer l’idée que dans la vie, il y a des choses immuables comme les romances passionnelles, des choses qui ne changeront jamais, qui se répéteront toujours, comme une grande roue de fête foraine qui tourne encore et encore… sans jamais aller nulle part. La passion est un sentiment qui était le même il y a 500 ans et aujourd’hui. C’était pareil à l’époque de Shakespeare, d’Epstein, d’Eugene O’Neil ou aujourd’hui. L’amour, la passion, le désir, la solitude, la trahison, le meurtre par jalousie… Ce sont des choses qui existent depuis toujours et qui ne changeront jamais, que ce soit à Coney Island, Paris, Rome ou New-York.
Même pour ce film, on lit dans plein d’articles parlant de « la nouvelle comédie de Woody Allen ». Pourtant, en découvrant Wonder Wheel, on se rend vite compte que ce n’est pas une comédie, c’est plutôt une tragédie. Comment le voyez-vous de votre point de vue ?
Woody Allen : Allez savoir pourquoi mais quand les gens parlent de mes films, ils pensent toujours « comédie ». Peut-être parce que j’en ai fait beaucoup et que mon nom est attaché à cela. C’est indiscutable que Wonder Wheel est une tragédie. N’importe quelle personne saine d’esprit ne taxerait pas ce film de « comédie ». Ceux qui le font ne réfléchissent pas. Ils pensent « Woody Allen, donc comédie ». C’était la même chose avec Match Point. Certains parlaient de « comédie noire ». Non, ce n’était pas une comédie. Enfin, ce sont juste des gens qui ne savent pas vraiment de quoi ils parlent. Mais bon, c’est la vie d’artiste. Quand on est un artiste, on est confronté à trois catégories de personnes, ceux qui ne comprennent rien à ce que vous faites, ceux qui se foutent de ce que vous faites, et ceux qui n’aiment pas ce que vous faites ! Ça fait déjà beaucoup à affronter !
Une fois de plus dans votre cinéma, les acteurs sont vraiment le point central, le maillon essentiel…
Woody Allen : J’ai la chance d’avoir d’excellents acteurs encore une fois. C’est un privilège pour moi. Je me suis toujours efforcé d’avoir de grands comédiens car ainsi, je n’ai pas besoin de perdre mon temps à les diriger ! Quand vous travaillez avec des comédiens tels que Justin Timberlake, Kate Winslet et les autres, vous n’avez pas besoin de vous asseoir à côté d’eux pour leur dire quoi faire. Ils savent ce qu’ils ont à faire car ils sont doués. Pas besoin de faire de répétitions ou de leur expliquer le scénario. Je leur envoie le script, ils l’acceptent, le comprennent, et on se voit directement le premier jour de tournage ! S’ils ont une question, je réponds bien entendu, mais ils n’en ont jamais car ils sont bons. Et parce qu’ils sont bons, tout ce qu’ils font est très bien. Avec les grands comédiens, pas besoin de jouer le rôle du réalisateur qui discute. On s’écarte de leur chemin et on les laisse faire.
Vous avez l’air d’être un accroc au travail. Finalement, vous enchaînez les films sans jamais vous arrêtez. C’est un besoin pour vous, une nécessité de travailler ?
Woody Allen : En fait, j’aime ça. J’aime écrire et j’aime faire des films. Donc je fais mon film, je le remets au distributeur qui le sort en salles, et je passe au suivant. Si les gens aiment, je suis content. Si les critiques aiment, je suis content. Après, je ne regarde pas les critiques, je ne vais pas voir mes films en salles pour voir comment le public réagit, je ne m’intéresse pas au box office. Je fais juste mon film et je passe au suivant. Tout le fun est là, le reste est futile.
Le décorum du film est important avec ce Coney Island des années 50. Pourquoi ce choix ?
Woody Allen : En 1950, Coney Island était quelque chose de bien plus imposant et clinquant qu’aujourd’hui. J’ai voulu jouer avec le contraste entre cet endroit vraiment magique pour les visiteurs avec les manèges, les grandes roues, le tir à la carabine, les ballons, les enfants qui courraient partout et les sodas, et vraiment insupportable pour ceux qui y travaillent. Pour eux, ce n’est pas si génial, c’est bruyant, sale, pauvre… Le contraste était intéressant entre la vision poétique et la vision harassante.
Propos recueillis et traduits par Nicolas Rieux pour Mardi Cinéma L’hebdo.