Nom : Exposed
Père : Declan Dale
Date de naissance : 2015
Majorité : 09 mai 2016
Type : Sortie vidéo
(Editeur : Seven Sept)
Nationalité : USA
Taille : 1h48 / Poids : NC
Genre : Drame, Policier
Livret de famille : Keanu Reeves, Ana de Armas, Mira Sorvino, Christopher McDonald, Big Daddy Kane, Danny Hoch, Michael Rispoli…
Signes particuliers : Un film qui aurait pu être bon sans la stupidité de ses producteurs-bouchers.
SUSPICIONS DE MASSACRE CONFIRMÉE…
LA CRITIQUE
Résumé : Alors qu’un détective privé enquête sur la mort de son partenaire, une jeune femme latino est témoin d’étranges phénomènes.L’INTRO :
Un an à peine après Knock Knock d’Eli Roth, Keanu Reeves retrouve la jeune et jolie Ana de Armas sur Suspicions signé Declan Dale. Ne cherchez pas à savoir qui est cet illustre inconnu, vous ne le trouverez pas et pour cause, Declan Dale est tout simplement un pseudonyme pris par le réalisateur Gee Malik Linton, lequel a tout simplement préféré renier ce thriller dramatique plutôt que de voir son nom y être associé de près ou de loin. Quand on pense qu’il s’agissait pourtant là de son premier long-métrage (soit en gros, sa carte d’entrée à Hollywood), voilà qui pose d’emblée des bases peu rassurantes concernant cette série B fleurant bon le film maudit par excellence.L’AVIS :
Pour la faire courte, Gee Malik Linton avait tout du jeune gaillard plein de rêves et d’espoirs. Passé un premier court-métrage inaugural, le talentueux bonhomme signe avec Lionsgate, studio de renom qui accepte de produire son premier scénario de long-métrage. Une star hollywoodienne à bord, une jeune première qui vient tout juste de se faire remarquer, la has been (mais que l’on aime beaucoup quand même) Mira Sorvino dans la boucle… Exposed (son titre en VO) partait plutôt bien et Gee Malik Linton voyait déjà les choses en grands, ambitionnant une rencontre très audacieuse et WTF entre Le Labyrinthe de Pan et Irréversible. On vous le donne en mille, rien ne va se passer comme l’avait prévu le jeune idéaliste. Lionsgate mettra le nez dans son affaire et cherchera à transformer son film en ce qu’il n’était pas. Linton avait articulé le scénario de son drame, sur des résonances sociales et sur des thématiques de fond allant des maltraitances sur enfants aux violences faites aux femmes, en passant par les abus policiers et la criminalité dans les quartiers défavorisés. Le tout à travers une histoire sombre et tragique, teintée de petites notes fantastiques à la portée psychologique et symbolique fascinante. Sauf que Lionsgate voudra finalement un thriller basique et passepartout capitalisant sur la présence de sa star Keanu Reeves. En clair, un produit facilement exportable sur le marché international du DTV en lieu et place d’un film exigeant plus proche du cinéma indépendant. Au terme d’une hallucinante entreprise de destruction massive, Suspicions ne ressemblera finalement à rien, et certainement pas à ce qu’il devait être à la base, alors que quelques vagues réminiscences de ses origines subsistent en fond de tableau. Linton ne veut plus en entendre parler, Keanu Reeves refuse d’en assurer la promo… On les comprend, toute l’intelligence de l’entreprise ayant été évacuée par la cuvette des toilettes.Rarement le charcutage opéré au montage sur un film ne se sera autant vu qu’avec le résultat final de ce Suspicions, pur produit à l’image de son accouchement douloureux. Deux histoires sans aucun rapport apparent semblent coexister dans la confusion la plus totale au cœur de la dynamique du film de Linton/Dale. L’enquête menée par un flic sur l’assassinat de son partenaire et la destinée d’une jeune femme témoin d’une étrange apparition mystique dans le métro. A cela s’ajoute le parcours d’un ex-détenu fraîchement sorti de taule et cherchant se ranger ou un puissant caïd patibulaire, désireux de se blanchir d’un meurtre qu’on voudrait lui coller sur le dos. Sautant sans cesse entre ses histoires avec une frénésie quasi-maladive sans jamais laisser vivre aucune scène (parfois des bonds de deux minutes, le temps d’une séquence absconse) via un montage complètement à côté de la plaque et clairement orchestré par des producteurs sans aucune fibre artistique tant il relève, narrativement, du grand n’importe quoi ni fait ni à faire, Suspicions déroule ses récits parallèles en prenant soin de larguer complètement le spectateur dans un maelström radicalement incompréhensible et nonsensique. Chacune de ses intrigues patine péniblement sans trop savoir quoi faire ni où aller, chaque recoin de son histoire paraît atteindre des sommets d’inutilité aberrante, et l’on en vient très vite à se demander si le film lui-même, sait réellement où il se dirige. Vient alors la fin… Et c’est à travers elle que l’on comprendra l’étendue des dégâts.Lorsque Suspicions dévoile son dernier acte (que l’on se gardera de révéler), les pièces du puzzle se mettent en place et les intentions initiales de Gee Malik Linton filtrent au milieu du carnage. Vient alors le temps de la frustration, celle de se dire que le cinéaste tenait très probablement un excellent scénario de départ, scénario qui aurait pu donner lieu à très beau drame psychologique, noir, empathique et original, si son audace n’avait pas été victime de producteurs sans scrupules ayant transformé un pari potentiellement gagnant, en un sabotage grandeur nature. Ou un drame profondément douloureux en un thriller bas de gamme. Profondément déséquilibré, sans aucune homogénéité visuelle et narrative, multipliant les incohérences et les enchaînements de scènes sans queue ni tête, en plus d’être incroyablement lourd et confus, Suspicions ressemblerait presque à une Citroën C4 que l’on aurait voulu fabriquer à partir des pièces d’un frigo. Les deux choses n’auraient tellement rien à voir qu’il ne faudrait pas s’étonner de voir un résultat désarmant de surréalisme. La médiocrité du film de Linton/Dale qui consternait tant au départ, finit par laisser un goût amer, celui de la fort désagréable sensation d’avoir été pris pour un idiot, à l’image de son auteur (pour lequel on ne peut qu’éprouver de la compassion attristée), ou à l’image d’un Keanu Reeves qui se retrouve pris en étau dans un film pour lequel il n’avait pas signé, du moins pas en l’état. Sachant que son intrigue était censée occuper 30% du film environ et qu’Ana de Armas devait en être l’héroïne (ce qui n’arrangeait pas Lionsgate visiblement, qui aura tout déconstruit pour remonter la chose à l’inverse), on se rend vite compte de l’ampleur de l’éclatement opéré et l’on saisit mieux le pourquoi de cette impression de voir l’acteur traverser un film sur lequel son personnage n’a aucune emprise. Reste Ana de Armas, plutôt prometteuse justement, mais dont le rôle et ses dimensions passionnantes ont, eux aussi, souffert de ce carnage en règle. Encore une aberration cinématographique de producteurs à coller au bûcher, dont il est difficile d’évoquer toute l’intelligence et la fascinante logique sans déflorer son final puissamment sombre, audacieux et chargé en symbolique, mais malheureusement meurtri par ses financiers-assassins.
LA BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux