Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Split
Père : M. Night Shyamalan
Date de naissance : 2016
Majorité : 27 juin 2017
Type : Sortie Blu-ray/DVD
Nationalité : USA
Taille : 1h56 / Poids : NC
Genre : Thriller fantastique
Livret de famille : James McAvoy, Anya Taylor-Joy, Haley Lu Richardson…
Signes particuliers : M. Night Shyamalan confirme qu’il est bel et bien de retour !
JAMES McAVOY MULTIPLIÉ PAR 24
LA CRITIQUE DE SPLIT
Résumé : Les fractures mentales des personnes présentant un trouble dissociatif de la personnalité ont longtemps fasciné et échappé à la science, il se dit que certains peuvent également manifester des attributs physiques uniques pour chaque personnalité ; un prisme cognitif et physiologique dans un seul être. Kevin a manifesté 23 personnalités devant son psychiatre de longue date, le Dr Fletcher mais il en reste une, immergée, qui commence à se matérialiser et à dominer toutes les autres. Contraint d’enlever trois adolescentes, dont la volontaire Casey, Kevin se bat pour survivre parmi tous ceux qui évoluent en lui-même – et autour de lui- tandis que les murs entre ses personnalités volent en éclats.
Revenu des tréfonds du nulle part avec son sympathique The Visit, petite production horrifique à mini-budget tournée en found footage et dont on avait apprécié l’humilité et les effets des surprises, M. Night Shyamalan poursuit son chemin de croix afin de réhabiliter son nom considérablement écorné par les échecs monstrueux de pas mal de ratés allant de Phénomènes à After Earth en passant par Le Dernier Maître de l’air. Des échecs, doublés d’un problème d’égo surdimensionné, qui l’avait conduit à devenir persona non grata à Hollywood. Depuis deux ans, le cinéaste jadis adulé pour Sixième Sens et Incassable, est entré dans l’écurie de Jason Blum et réapprend à travailler avec peu d’argent, pour mieux faire parler sa créativité. Si The Visit sonnait un peu comme un retour modeste mais honorable, Split, son nouveau long-métrage, s’apparente à une volonté de renouer avec une certaine ambition, tout en restant dans le circuit alternatif loin des gros studios. Porté par le sur-talentueux James McAvoy, ce thriller psychologique surprenant est un dédale qui vous conduira vers des chemins radicalement inattendus.
Difficile de parler de Split tant le nouveau Shyamalan est de ces films qui gagnent à ne pas être connus au moment de les découvrir. Le mystère est sans doute l’argument ultime qui rendra la séance encore plus délectable, car le cinéaste nous embarque dans un univers aussi fascinant qu’imprévisible, à la rencontre d’un schizophrène doté de 23 personnalités. Le jour où Kevin kidnappe trois jeunes adolescentes pour les séquestrer dans un sous-sol, le cauchemar commence. Mais pour qui ? Pour les trois gamines qui vont devoir composer avec ces 23 facettes toutes très différentes les unes des autres, rendant leur geôlier imprédictible, ou pour Kevin lui-même, dont les nombreuses personnalités luttent pour entrer dans la lumière alors qu’une 24eme prépare son émergence… Et on s’arrêtera là. Car derrière, Split est une toile d’araignée presque hitchcockienne, dans laquelle M. Night Shyamalan nous piège avec un sens de la roublardise qui rappelle ses meilleures heures.
Même dans sa construction, Split ne manque pas d’étonner. Durant sa première demi-heure, le film peine à convaincre. On lui reproche un certain désordre narratif, un rythme souffrant de longueurs, de nombreuses idées qui affluent mais qui s’imbriquent mal… Manque d’exigence et d’une vision solide ? Peut-être… Ou pas au contraire. Car passée cette entame difficile, Split révèle progressivement sa virtuosité. La confusion est en réalité à l’image de son protagoniste déséquilibré, et lentement mais sûrement, le film se met à devenir terriblement addictif. Devenu captivant, voire même fascinant, Split nous embarque alors dans les méandres du cerveau de son anti-héros, dont les personnalités se battent pour s’exprimer. Un gamin légèrement idiot, une inquiétante femme rigide, un psychopathe terrifiant, un spécialiste de la mode fantasque… Ils sont beaucoup là-haut et parce que l’on ne sait jamais qui va apparaître dans la pièce, Split de gagner crescendo ses galons de thriller angoissant et mystérieux sur lequel le spectateur ne peut jamais avoir le moindre coup d’avance.
Mais le pari audacieux de Shyamalan ne s’arrête pas là. Au fur et à mesure que progresse son petit coup de maître qui se bonifie de minute en minute, le cinéaste parvient à sans cesse relancer l’intrigue de sa sulfureuse proposition. Dans son dernier acte, Split bascule radicalement dans un tout autre genre, au point de déconcerter. Mais encore une fois, le pari de Shyamalan s’avère payant. Car en l’espace d’un twist final qu’il serait coupable de dévoiler (ceux qui s’y aventureront mériteraient le bûcher), le réalisateur déplace et replace soudainement tout son long-métrage dans un ailleurs que l’on avait absolument pas vu venir, le rattachant ainsi à une mythologie qui fait sens. Certains crieront peut-être à l’effet de manche facile mais il n’en est rien, tant on se rend compte que Shyamalan savait pertinemment où il allait, et sans doute depuis fort longtemps même ! Et c’est bouche bée devant cette méga-surprise débarquant sans crier gare, que l’on comprend que Split fait partie de quelque-chose de plus grand.
Réussite périlleuse mais redoutablement bien gérée par son auteur, Split ne passe pas loin du coup brillant, et à l’image de quelques films (ceux de la race des meilleurs), il se bonifie dans la mémoire plus on y repense, et plus on songe à sa richesse narrative et thématique. Ce nouvel effort estampillé Shyamalan n’échappe pas à quelques petits défauts mais sa qualité générale redonne foi dans un cinéaste que l’on a cru un temps, perdu pour toujours. Mais s’il est bon de rendre à César ce qui appartient à César, il est aussi important de ne pas oublier ceux qui ont participé à son ascension. Et en première ligne, impossible d’oublier James McAvoy. Incroyable de bout en bout, le comédien livre une prestation puissance 24, qui en ferait un candidat crédible aux prochains Oscars si le cinéma de genre avait droit de citer. Fort à parier que l’Académie ne s’attardera pas des heures sur le cas d’une production Blumhouse dirigée par Shyamalan, mais autant prévenir que le comédien est tout simplement énorme de subtilité dans son jeu, dans son approche de ses nombreux visages dissociés, auxquels il parvient à insuffler une personnalité unique à chaque fois, s’affranchissant de toutes les limites imaginables pour se mettre en scène avec un formidable sens de la conviction. Souvent jubilatoire, Split est fantastique, à tous les égards, et s’il manque parfois d’exigence (le cœur du film se défend mieux que le début ou la fin), ça n’est que relatif au terme de ce fol abandon halluciné et hallucinant, non dénué d’intelligence, de malice, d’audace et de passion pour le cinéma. Et puis quelle surprise concoctée par Shyamalan ! Mais chut, on ne vous dit rien et on vous la laisse intacte !
LE BLU-RAY DE SPLIT
Un bon petit lot de suppléments accompagne la galette Blu-ray de Split, tous globalement courts sur pattes (généralement autour de 6 minutes). Dans l’ensemble, il s’agit de modules très factuels ou consensuels, rien de réellement surprenant mais s’ils tiennent la route et offrent un sympathique prolongement au film. Les festivités commencent par une fin alternative, très courte (à peine 28 secondes). On peut y voir un James McAvoy perché sur le toit d’un immeuble, observant et commentant la sortie d’école de lycéennes. Un scène brève, mais qui donne une tonalité encore plus sombre au film. A noter qu’il est possible de la visionner avec ou sans une introduction du cinéaste, qui revient sur son choix de ne pas l’inclure au métrage. Suit un « making of » d’une petite dizaine de minutes, en réalité un assemblage d’interviews autour du film, donnant la parole au cinéaste et au casting emmené par James McAvoy. Tous reviennent sur le film, leur choc à la découverte du scénario, ou leur expérience. Quelques rares images du tournage se glissent entre deux entretiens. L’ensemble reste assez classique et sommaire, malgré quelques petites anecdotes. Performance oblige, un module est ensuite consacré à James McAvoy et à son interprétation des différentes personnalités. Shyamalan rappelle que Spielberg disait « 90% d’un film repose sur le casting« . Le cinéaste précise que toute la pensée de son aîné se voit incarnée dans ce qu’a accompli McAvoy sur Split. De son côté, l’acteur revient sur ce qui a été le plus difficile à jouer. Très consensuel aussi, un dernier module de 3’40 revient sur la manière de travailler de Shyamalan, en donnant la parole au réalisateur mais surtout à ses proches collaborateurs. Bref, rien de folichon au final mais des suppléments honnêtes.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux