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ROOM de Lenny Abrahamson : la critique du film

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Room_filmnote 4.5 -5
Nom : Room
Père : Lenny Abrahamson
Date de naissance : 2015
Majorité : 09 mars 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : Canada, Irlande
Taille : 1h58 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen, Sean Bridgers, William H. Macy, Tom McCamus…

Signes particuliers : Le coup de génie d’un cinéaste ayant réussit à transcender la noirceur de son histoire pour la porter vers tellement plus.

COMME UN PETIT GOÛT DE CHEF-D’ŒUVRE…

LA CRITIQUE

Résumé : Jack, 5 ans, vit seul avec sa mère, Ma. Elle lui apprend à jouer, à rire et à comprendre le monde qui l’entoure. Un monde qui commence et s’arrête aux murs de leur chambre, où ils sont retenus prisonniers, le seul endroit que Jack ait jamais connu. L’amour de Ma pour Jack la pousse à tout risquer pour offrir à son fils une chance de s’échapper et de découvrir l’extérieur, une aventure à laquelle il n’était pas préparé.room_film_3L’INTRO :

Elizabeth Fritzl, Jayce Lee Dugard, Natascha Kampusch. Trois noms, trois affaires sordides qui ont largement alimenté l’actualité et les rubriques « faits divers » du monde entier. Toutes ont en commun d’avoir été séquestrées pendant de nombreuses années, violées à plusieurs reprises par leur geôlier, et pour les deux premières, d’avoir mis au monde des enfants au cours de leur captivité. Room, nouveau long-métrage du cinéaste Lenny Abrahamson (Frank avec Michael Fassbender) est basé sur le best-seller d’Emma Donoghue, au passage auteure du scénario. Un roman lui-même inspiré de ces affaires, et plus particulièrement de celles horrifiantes d’Elizabeth Fritzl et Jayce Lee Dugard. L’histoire d’une mère et de son fils de cinq ans né dans l’étroitesse de la prison dans laquelle ils sont retenus prisonniers par un psychopathe de la pire espèce.

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L’AVIS :

En reprenant à son compte de tels faits divers abominables, Lenny Abrahamson aurait pu se laisser porter par l’illustration d’un drame s’enfonçant loin dans le voyeurisme glauque et le pathos malsain. Mais c’était sans compter sur l’incroyable intelligence du cinéaste, sur l’incroyable intelligence de son écriture et de sa mise en scène, prenant avec une extrême clairvoyance, le contrepied total de ce que l’on pouvait attendre d’un tel projet. On aura peut-être encore en mémoire le sinistre 3096 Tage de Sherry Hormann, qui avait porté à l’écran il y a trois ans, l’histoire tragique de Natascha Kampusch. Enfermé dans la simple illustration de l’anecdote, on lui avait reproché sa démarche un peu perverse se limitant à son sujet sans y apporter quoique ce soit qui aurait pu réellement justifier son existence. C’est au final tout ce qu’a su éviter Lenny Abrahamson avec son Room, véritable tour de force grandiose et poignant, pas loin du chef-d’œuvre se dépêtrant avec génie de tous les dangers qui le guettaient.

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Room s’ouvre sur un huis-clos. Une mère, son fils, une pièce exiguë insalubre, et une âme malfaisante qui rôde, celle d’Old Nick, ce geôlier qui les détient sans scrupule. On comprend vite que le petit Jack n’a connu que cela dans sa vie, l’enfermement entre ces quatre murs sinistres. Mais que faire avec un tel postulat à la noirceur terrible ? Et c’est là que le génie fabuleux de Lenny Abrahamson entre en scène. Plutôt que de tourner en rond autour de l’horreur de la situation qui lui sert de rampe de lancement, le cinéaste de se pencher sur la relation entre cette mère abîmée et ce fils plein de vie et inconscient de ce qui se trame autour de lui. Car la douceur bienveillante de sa mère, qui voit en lui son seul et unique lien avec une existence à jamais déchirée, va littéralement porter ce drame réussissant le pari fou et improbable, de faire naître de la poésie au milieu du monstrueux, de soustraire des moments lumineux à l’horreur de ce quotidien épouvantable, de voler des instants d’humanité magnifiques à l’ignominie d’une vie qui n’en serait presque pas une, s’il n’y avait pas cette attachement filial sublimant tout, au point de repousser les barrières de l’infâme pour ouvrir un monde du possible plein d’espoir et de beauté.

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On ne dévoilera pas la suite de l’intrigue (cela dit la bande-annonce se charge très bien de le faire à notre place), mais toujours avec une sagacité fascinante, Lenny Abrahamson saura trouver les bonnes échappatoires pour ne jamais enfermer son film dans ce qu’il ne veut pas être. Petit bijou de tendresse bouleversante sans cesse soutenu par un cœur aussi immense que n’est ridiculement petit le lieu de son action, Room emporte tout sur son passage et réussira surtout avec brio, à ne jamais se limiter au récit de l’anecdote de fait divers. En épousant le regard de cet enfant irrésistiblement attachant, Room fait chavirer et emporte tout sur son passage, par sa faculté à transformer sa petite pièce en un véritable univers, par l’indescriptible peinture d’un amour maternel qui s’acharne à abolir l’effroyable pour inventer une histoire alternative écartant l’odieux au profit de l’imaginaire. Et c’est quand on pense que Room va commencer à trouver ses limites, que Lenny Abrahamson déploie la deuxième couche de son génie, s’attachant à décrypter dans sa seconde partie, des ressorts psychologiques passionnants abordés avec subtilité, richesse et une étourdissante maîtrise de chaque plan, chaque scène, chaque minute, s’immisçant encore plus pleinement au cœur de ces liens mère-fils bâtis sur l’anormalité d’une situation extrême, pour mieux en analyser l’impact émotionnel entre passion et gravité.roomRoom s’étend sur quasiment deux heures. Pas une seule seconde, Lenny Abrahamson perd notre attention vissée à cet exercice de haute-voltige. Car Room a cette faculté de se relancer en permanence grâce à une narration finement élaborée, posant perpétuellement les bonnes questions induites par son sujet. Tout est parfait ou presque, et bien entendu, à commencer par ses interprètes. Si l’on pourra s’étendre de long en large et en travers sur l’incroyable prestation d’une immense Brie Larson qui entre clairement dans la cour des grandes (et pas seulement pour sa nomination à l’Oscar), on ne manquera pas surtout de souligner le numéro saisissant du jeune Jacob Tremblay, l’étoile qui brille de mille feux au centre de Room. Aucun superlatif ne serait assez probant pour décrire sa bouleversante partition, le jeune comédien d’à peine dix ans réussissant l’exploit de voler la vedette à sa co-star de renom.room-movie-brie-larsonAvec Room, Lenny Abrahamson aura brillamment relevé le pari de transcender son sujet, de dépasser la simple peinture du calvaire d’un enfermement pour aller chercher tellement plus derrière le récit de cet isolement tragique. Balayant d’un revers de la main toute notion de dérangeant, de noirceur, de tableau d’un enfer sombre, le cinéaste a su voguer directement vers l’émotion sans jamais en faire trop, sans jamais n’appuyer aucune scène pour diriger le spectateur à travers une dramatisation didactique qui aurait été néfaste à son entreprise. Laissant parler la pureté et la justesse de son scénario pour que naissent d’elles-mêmes les sensations les plus remuantes, le réalisateur se contente d’œuvrer avec minutie et finesse, pour filmer un combat contre le désespoir, pour filmer un acte de résilience majestueux, celui d’une mère protectrice qui s’accroche à son fils pour survivre, celui d’un fils qui s’accroche à sa mère en incarnant tout ce qui lui reste. Entre eux, chaque parole, chaque silence, chaque regard ou geste, se charge d’une portée luttant contre le destin. Room est une claque viscérale, qui parvient à embrasser un sujet difficile et choc, pour en faire une œuvre magique dont la sensibilité opère comme une secousse laissant traîner derrière elle, de petites répliques faites d’émoi, de grandeur d’âme et de renaissance. Tout simplement magistral.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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