Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Paradise Lost
Père : Andrea Di Stefano
Date de naissance : 2013
Majorité : 05 novembre 2014
Type : Sortie en salles
Nationalité : France, Belgique, Espagne
Taille : 1h54 / Poids : 25 M$
Genre : Thriller, Drame, Biopic
Livret de famille : Benicio Del Toro (Escobar), Josh Hutcherson (Nick), Claudia Traisac (Maria), Brady Corbet (Dylan), Carlos Bardem (Christo), Ana Girardot (Laura)…
Signes particuliers : Si vous attendiez une fresque criminelle à la Scarface sur l’un des plus célèbres barons de cartel colombien, passez votre chemin, Paradise Lost est tout sauf cela. Pas dénué d’intérêt et de qualités, le film d’Andrea Di Stefano est trop inscrit dans la demi-mesure pour parvenir à clairement se situer. Reste un excellent Benicio del Toro mais quel manque de souffle et de passion.
UN FILM SUR AUTOUR DE PABLO ESCOBAR
LA CRITIQUE
Résumé : Nick pense avoir trouvé son paradis en rejoignant son frère en Colombie. Un lagon turquoise, une plage d’ivoire et des vagues parfaites ; un rêve pour ce jeune surfeur canadien. Il y rencontre Maria, une magnifique Colombienne. Ils tombent follement amoureux. Tout semble parfait… jusqu’à ce que Maria le présente à son oncle : un certain Pablo Escobar. L’INTRO :
La trajectoire du réalisateur italien Andrea Di Stefano n’aura décidément rien de banale. Acteur de formation aperçu dans pas mal de choses en Italie comme aux Etats-Unis (du Fantôme de l’Opéra d’Argento à L’Odyssée de Pi de Ang Lee), Di Stefano scénarisera un court-métrage en 2010 avant de se retrouver à la tête de son premier long-métrage trois ans plus tard. Une petite œuvre intimiste histoire de se faire la main ? Pas du tout. Di Stefano entre directement dans le grand bain avec Paradise Lost, film lié à l’histoire du baron de la drogue colombien Pablo Escobar, avec côté distribution, l’immense Benicio Del Toro et la coqueluche des jeunes filles, Josh Hutcherson (Peta dans Hunger Games, au cas où). On a vu pire comme débuts. Alors que quantité de projets sur cette figure criminelle légendaire n’ont jamais pu aboutir (par Oliver Stone ou Joe Carnahan), la vision originale affichée par le scénario que l’italien a mis trois semaines à écrire a séduit. Et Paradise Lost de faire partie des films parmi les plus attendus de cette fin de mois d’Octobre, autant pour son sujet fascinant que pour son interprète que l’on sait follement génial.L’AVIS :
Le résultat du travail d’Andrea Di Stefano est déroutant. Que ceux qui attendaient une grande fresque criminelle épique et définitive, se fourrent le doigt dans l’œil. Paradise Lost prend la tangente et file vers un ailleurs très éloigné des Scarface, Le Parrain ou autres films du genre. Œuvre étrange à mi-chemin entre le film classique et le film « d’auteur », prenant la forme du premier tout en s’écartant (ou du moins rêvant de le faire) de ses codes fondamentaux pour s’inviter régulièrement sur le rythme et la composition du second, Paradise Lost est ainsi un film aux équilibres sans cesse inscrits dans la « demi-mesure ». Et ce statut ne lui sied pas toujours très bien. Mi-biopic et mi-fiction par exemple, puisque le film se lie à la trajectoire d’Escobar mais ne le prend pas comme sujet principal, pas plus qu’il ne raconte une histoire totalement vraie, injectant un récit romanesque totalement inventé. Mi-fresque gangster dans l’apparence et mi-tragédie grecque dans l’âme, mi-romance contrariée et mi-thriller fondé sur l’image d’une figure du mal emblématique… Paradise Lost est un film incessamment hybride, développant un portrait à la fois glaçant et empathique de la star des cartels tout en se cantonnant à une période très réduite (autour de l’année 1991) et l’on pourrait continuer à dérouler la liste des exemples de ces croisements que l’on pourrait tout aussi voir comme des hésitations. Devant la caméra par exemple, Benicio Del Toro étant aussi monstrueux de charisme et fabuleux d’incarnation, que Josh Hutcherson est fade et lisse.La vision d’Andrea Di Stefano était extrêmement audacieuse. Le cinéaste a voulu prendre le contrepied de tout ce que l’on pouvait attendre de ce type de film et sa démarche visant l’originalité et la sincérité, est louable. Mais en nous refusant la fresque criminelle pour privilégier une tragédie opératique et romantiquement désenchantée, le néophyte fait preuve à la fois de singularité et dans le même temps, de frustration, nous ôtant une grande part de plaisir coupable à trop vouloir privilégier le récit insipide d’un spectateur embarqué dans la danse de celui dont on voulait entendre vraiment parler. Paradise Lost est intéressant dans sa plongée intimiste refusant les codes les plus évidents pour essayer de se glisser derrière eux (pas de violence extrême, pas de drogue à l’image… Oui, oui, le film parle pourtant de Pablo Escobar), mais le film finit par en pâtir et manque de romanesque pour soutenir son drame amoureux, manque de puissance effroyable pour soutenir le portrait de fond de cet Escobar à la fois centre de gravité et pourtant figure de fond, le héros étant ce canadien (Josh Hutcherson) voyant ses rêves de paradis s’envoler après avoir mis le doigt dans un engrenage sentimental moralement déchirant.Au final, Paradise Lost trouve sa voie dans des partis-pris « différents » qui finissent par incarner irrévocablement sa faiblesse et trahir la noblesse de ses convictions. On reconnaît le travail de documentation évident de Di Stefano, on reconnaît la qualité de son travail esthétique ou sa propension à apposer une tension sourde à certaines de ses séquences, on reconnaît l’intéressant de sa démarche de départ anti-hagiographique visant à côtoyer le mythe par le destin d’un personnage tiers sans pour autant s’abîmer dans lui, préférant mettre en lumière les nombreuses contradictions d’un homme généreux et impitoyable tout en restant à distance… Mais Paradise Lost se fane en route, finit par devenir frustrant, les moments choisis pour former ce portrait ne sont pas toujours adroitement ciblés, les ellipses agacent, le récit principal développé tombe dans l’insipide et la naïveté… Sans être un mauvais film (loin de là), Paradise Lost est juste une déception. Celle d’avoir voulu s’embourber dans une voie qui n’était peut-être pas la meilleure.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux