Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : The Accused
Père : Jonathan Kaplan
Livret de famille : Jodie Foster (Sarah Tobias), Kelly McGillis (Kathryn Murphy), Bernie Coulson (Ken Joyce), Leo Rossi (Scorpion), Carmen Argenziano (Paul), Ann Hearn (Sally), Steven Antin (Bob)…
Date de naissance : 1988
Nationalité : États-Unis, Canada
Taille/Poids : 1h48 – 6 millions $
Signes particuliers (+) : Un film fort et bouleversant qui pose d’intéressantes questions sans trop de manichéisme. La prestation étourdissante de Jodie Foster.
Signes particuliers (-) : La facture très classique du film lui fait perdre un peu de force de caractère. Kaplan est un faiseur trop impersonnel.
LE SILENCE DES VIOLEURS
Résumé : Un soir, Sarah Tobias s’échappe en courant d’un bar, le Mill. Ses vêtements sont déchirés, son corps portant des traces de coups… Elle a été violée et à plusieurs reprises. Mais qui va bien vouloir entendre le drame vécu par une pauvre jeune fille paumée, habituée aux excès d’alcool et de cannabis et à l’attitude un peu provocante ?
Réalisateur chevronné de série B honnêtes (Obsession Fatale, Belles de l’Ouest) ou d’épisodes de séries télé (il a longtemps officié sur Urgences) le cinéaste Jonathan Kaplan signa en 1988, son film le plus célèbre avec Les Accusés qui vaudra à Jodie Foster son premier Oscar pour son interprétation forte de la jeune Sarah Tobias, victime d’un viol en réunion dans l’arrière-salle d’un bar.
D’emblée, le film de Jonathan Kaplan ne brille pas par ses qualités esthétiques ou son inventivité, ni plastique, ni scénaristique. Cousu de fil blanc, Les Accusés est très prévisible et classique, typique des « films de procès » des années 80. Son intérêt principal est davantage dans la prestation d’une Jodie Foster oscarisée pour le rôle, dont le jeu évoque celui qu’elle avait pu avoir dans Taxi Driver de Scorsese. Un jeu tout en fragilité, à fleur de peau, et touchant de sensibilité. Jodie Foster porte alors sur ses frêles épaules un film qui sans elle, n’aurait probablement pas eu la même saveur. La comédienne parvient à cerner la confusion psychologique d’une victime de l’un des plus atroces crimes commis sur une femme, le viol de son corps, de son intimité. Dans cette scène clé du film, Kaplan évite tout manichéisme classique et propose une scène marquante à l’instar de celle du Irréversible de Gaspard Noé mais avec une approche très différente mais tout aussi forte. Si dans le film de Noé, la séquence du viol est insoutenable de dureté et se démarque fortement du récit pour devenir un épisode cauchemardesque en soi, hors du temps et de la réalité, une intrusion brusque dans un quotidien, Kaplan l’intègre lui totalement dans un récit cohérent dans son ensemble. Le plus dur dans cette séquence, est finalement la simplicité et la banalité de la situation. Le metteur en scène n’exagère pas la situation, ne la met pas en scène dans toute sa tragédie dramatique. Ici, point de jeune fille pure et innocente violée par des gros « porcs » rednecks alcoolisés au fin fond d’une Amérique bouseuse et incivilisée. Sarah Tobias est une jeune fille paumée, une fille qui a bu, fumé, qui provoque par sa tenue, par son jeu de flirt avec ses futurs agresseurs. Non pas qu’elle l’ait cherché et que ce qui lui arrive soit une conséquence logique de son attitude, loin de là. Mais la situation dépeinte par Kaplan est empreinte d’un certain réalisme dans la description d’un quotidien, d’une soirée tout ce qu’il y a de plus banale mais qui va dégénérer, l’alcool, le cannabis et la bêtise aidant. Et c’est en cela que la scène va trouver toute sa force et son impact. Dans le fait que la jeune fille joue à un jeu dangereux qui va tragiquement se retourner contre elle, face à des hommes qui ne vont plus maîtriser leurs pulsions devant l’attitude provocatrice de la jeune fille inconsciente du danger qu’elle amène, inconsciente de la bêtise humaine qui l’entoure. Une situation explosive latente qui va amener à commettre l’acte le plus horrible qui soit. A l’inverse de la plupart des films prenant ce thème de front, Kaplan ne cherche pas à jouer l’opposition blanc/noir. Sarah Tobias va être la victime d’une mauvaise soirée où son attitude va engendrer l’irréparable… Cette caractérisation de la jeune femme rend la situation et le drame qui en découle d’autant plus crédibles, d’une effroyable banalité dans la société actuelle. Une jeune femme s’amusant un peu trop, flirtant un peu trop jusqu’au moment où tout se délite. Une jeune femme qui est en fait représentative d’une certaine classe sociale américaine que beaucoup ne considère pas ou alors comme moins que rien. La jeune fille est une paumée, à la vie difficile où l’alcool et la marijuana sont autant d’échappatoires à une réalité parfois sordide. Cette peinture d’une Amérique des laissés pour compte est tranchée par le personnage de son avocate (Kelly Mc Gillis), issue d’un milieu bourgeois, représentant elle, la réussite américaine dans les grandes villes. Va alors s’engager un discours sur fond d’opposition entre des milieux très différents voire diamétralement opposés : « Sarah Tobias méritait-elle ce qui lui est arrivé ? ». Et si la réponse est connue de tous tant l’acte est sordide et le débat ironique, le film pose la question d’une Amérique dont personne n’entend crier la douleur.
Les Accusés n’est pas un chef d’oeuvre, loin de là, tant sa facture et son récit manque quelque peu d’originalité, de caractère et de style. Et si l’on devine la profondeur du récit et la direction que Kaplan veut donner à son métrage, on peut toutefois regretter que le traitement trop classique fasse pâtir un film qui aurait pu être bien meilleur. Mais Kaplan est bon faiseur et bien qu’esthétiquement son film ait vieilli dû à son ancrage très eighties, il reste un bon thriller juridique, impressionnant surtout dans la prestation de sa jeune comédienne et pour son sujet dramatique fort.
Bande-annonce :
En français