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Henri-Georges Clouzot fait parti des plus grands et des plus respectés cinéastes du cinéma français, fort d’une filmographie riche en chefs-d’oeuvre. Le Salaire de la Peur, L’Assassin Habite au 21, Le Corbeau, Quai des Orfèvres, Les Diaboliques, La Vérité sont autant de classiques inoubliables du patrimoine cinématographique hexagonal. Mais si son talent est connu et reconnu, son attitude controversée sur ses plateaux a souvent fait couler pas mal d’encre. Parfait exemple de sa « folie », le tournage de La Vérité en mai 1960 dans les studios de Joinville-le-Pont. Ce drame psychologique qui réunissait la superstar de l’époque Brigitte Bardot et Sami Frey, racontait l’histoire d’une belle jeune femme provocante qui se retrouvait accusée du meurtre de son ancien amant. C’est durant son procès que le fil de son histoire était reconstitué. Le tournage fut un bel enfer et Clouzot y laissa exploser toute sa dureté et sa misogynie, au point de rendre folle la pauvre Bardot.
Les choses furent tendues dès le départ. Fidèle à son habitude, Clouzot n’avait de cesse de hurler sur ses comédiens. Bardot comme Sami Frey menacèrent d’ailleurs de quitter le tournage si le cinéaste ne cessait pas cette « pratique » aussi agaçante qu’exténuante pour les nerfs. Mais les choses allaient empirer, prenant des proportions qui seraient totalement inacceptables aujourd’hui. Outre les invectives misogynes à répétition, trois ou quatre jours du tournage allaient cristalliser tout le cauchemar que fut la mise en boîte de La Vérité. D’abord, il y a cette fois où Clouzot obligea Brigitte Bardot à engloutir une bonne quantité d’alcool pour forcer le réalisme de son jeu. Mais le premier point d’orgue du calvaire fut le jour où son personnage fait une overdose de somnifères. Afin de pousser sa comédienne dans ses retranchements et accroître encore un peu plus le réalisme de son jeu (que Clouzot trouvait discutable), le metteur en scène ne trouva rien de mieux que d’échanger discrètement les pilules qu’elle allait prendre pour les besoins de la scène. Clouzot fît croire à Bardot qu’il s’agissait de léger antidouleurs alors qu’en réalité, c’était de vrais somnifères ! Effet garanti. Bardot apprécia moyennement. On peut comprendre.
Mais le pire était encore à venir. Un jour où il hurlait pour la énième fois sur son actrice, Bardot préféra en rire plutôt que de s’énerver. Clouzot ne goûtera que peu à la « moquerie » et manqua de peu de la frapper. Dans la foulée, alors qu’elle devait jouer une scène où elle pleurait, Clouzot décida de « l’aider » en lui marchant sur les pieds (nus) histoire de lui faire mal et de lui soutirer les larmes souhaitées. Bardot rétorqua par une baffe. Ce fut la goutte d’eau. L’actrice quitta le plateau et refusa catégoriquement de revenir tant que le metteur en scène ne serait pas excusé. Peu de temps après, Clouzot balança qu’il avait besoin d’une « actrice et non d’une amatrice ». Bien connue pour ne pas avoir sa langue de sa poche, Bardot lui rétorqua qu’elle avait besoin d’un « réalisateur et non d’un psychopathe ». Ambiance…
Le tournage éprouvant ne fut pas sans conséquence puisque,traumatisée par cette expérience douloureuse et par la pression que son statut de méga-star lui collait sur les épaules (voir le magnifique Vie Privée de Louis Malle pour bien comprendre), Brigitte Bardot commit, comme son personnage, une tentative de suicide peu après le film.