[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : La nuit a dévoré le monde
Père : Dominique Rocher
Date de naissance : 2018
Majorité : 15 octobre 2018
Type : Sortie DVD
Nationalité : France
Taille : 1h34 / Poids : NC
Genre : Horreur
Livret de famille : Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant…
Signes particuliers : Une très bon film de zombie made in France !
LES ZOMBIES ENVAHISSENT PARIS
CRITIQUE DE LA NUIT A DÉVORÉ LE MONDE
Résumé : En se réveillant ce matin dans cet appartement où la veille encore la fête battait son plein Sam doit se rendre à l’évidence : il est tout seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Mais Sam est-il vraiment le seul survivant ?
Qu’il est bon de voir le cinéma de genre vivoter en France. Certes, il n’a pas les reins solides mais il existe, il survit, il se démerde. Après les déceptions Revenge et 4 Histoires Fantastiques et en attendant le Ghostland de Pascal Laugier, c’est La nuit a dévoré le monde qui tente sa chance auprès du public. Un jeune réalisateur dont c’est le premier long-métrage, pas de grandes stars au générique exception faite des petits rôles tenus par Golshifteh Farahani et Denis Lavant (le film est entièrement porté par le danois Anders Danielsen vu dans Oslo 31 ou Ce Sentiment de l’été), et un postulat minimaliste, enfermant un homme dans un appartement haussmannien alors que Paris est envahi par des zombies. Rien de dingue sur le papier mais les très bons échos en provenance du dernier festival de Gerardmer se confirment vite, le film de Dominique Rocher est définitivement une bonne surprise.
Sans avoir la prétention de venir jouer les malins qui réinventerait le genre, Dominique Rocher a simplement bien assuré ses bases et récite ses gammes avec efficacité et savoir-faire. Le cinéaste, que l’on sent connaisseur de ses classiques, emprunte beaucoup à droite à gauche, piochant dans des décennies de culture zombie pour confectionner un drame d’horreur intimiste quasi entièrement en huis-clos, observant le cauchemar d’un homme seul qui tente de survivre dans ce nouvel environnement sans sombrer dans la folie. Beaucoup de ruse compense la minceur du budget, beaucoup d’intuition compense le peu d’originalité factuelle, et si La nuit a dévoré le monde ressemble à pléiade de films déjà vus par le passé, des petites idées par-ci par-là parviennent à le rendre intéressant, à l’élever au-dessus du no man’s land d’un genre où l’on trouve à boire et surtout à manger. Autant d’idées pimentant un édifice modeste mais qui tient la route, grâce à un scénario bien ficelé et compartimenté, grâce à une mise en scène soignée et capable de touches d’inspiration, et grâce à un univers qui ne trahit jamais sa réalité désargentée, privilégiant une direction ingénieuse allant plus vers l’étude psychologique que vers l’épouvante facile.
Car clairement, La nuit a dévoré le monde ne cherche pas à terrifier. Trop l’ont déjà fait avant lui. Utiliser le zombie comme métaphore politique ? Romero est déjà passé par là. Restait l’idée d’explorer l’humain confronté au chaos, au silence, à une atmosphère soudainement lourde de calme. L’intelligence de Dominique Rocher est de ne jamais s’aventurer au-delà de ses moyens. Mieux vaut faire simple et honnête que compliqué et foireux. La nuit a dévoré le monde a pris le meilleur chemin vers la réussite. Le réalisateur ne cherche jamais à épater la galerie en ayant les yeux plus gros que le ventre, et c’est très probablement ce qui fait la noblesse de son effort. Forcément, on voit ses inspirations qui transpirent, de 28 Jours plus tard à Je suis une légende en passant par Le Monde, La Chair et Le Diable et tant d’autres, récents ou anciens. Forcément, on voit les coutures qui soutiennent ce premier long-métrage étonnamment sûr de lui et jamais balbutiant. Mais la qualité est au rendez-vous et les vrais mordus de cinéma zombie pourraient bien adhérer à la cause d’un Dominique Rocher plein de ressource, qui tente une proposition audacieuse en s’intéressant davantage à l’être humain au milieu des morts-vivants, et non l’inverse.
Sans être parfait (quelques micro-incohérences sans gravité et un Anders Danielsen toujours aussi moyen), La nuit a dévoré le monde réussit à épater. Non pas parce qu’il est d’une fraîcheur à toute épreuve, ni parce qu’il s’impose comme une grosse claque inattendue, mais parce que l’humilité de sa démarche l’anoblit. D’autant qu’entre les gouttes, Rocher parvient à distiller quelques scènes magnifiques (le pote Alfred, la musique, le quotidien routinier qui s’installe), comme il parvient à distiller quelques scènes bien stressantes (le chat) voire quelques scènes amusantes (le tir aux zombies). Tout ça, et des bribes de propos. Comme quand son personnage se questionne sur la nouvelle normalité de son univers marqué par la léthargie et la mort cérébrale, ou qu’il devient presque plus zombie que les zombies à cause du vertige d’une solitude grandissante. Bonne surprise, bonne péloche.LE DVD DE LA NUIT A DÉVORÉ LE MONDE
La Nuit a Dévoré le Monde n’a pas eu droit à son édition Blu-ray malheureusement (option trop coûteuse pour un film de niche comme celui-ci) mais il a droit en revanche à une solide édition DVD concoctée par les cinéphiles de chez Blaq Out. Si les puristes regretteront logiquement l’absence d’une très haute définition et devront se contenter d’un rendu image correct mais sans éclat (étalonnage qui ne dépasse jamais sa fonction, qualité d’image parfois baveuse et en difficulté dans les tons sombres), il faudra tout de même rendre à César ce qui lui appartient. Et pour le coup, Blaq Out a fait avec les moyens du bord mais s’est efforcé de ne pas trop sacrifier cette sortie mineure aux yeux de certains. Côté suppléments, on retrouve ainsi un contenu intéressant avec une série d’interview (environ 6 minutes chacun) successivement du réalisateur Dominique Rocher, de son co-scénariste Benjamin Lemans, et du chef maquilleur Olivier Alfonso, puis la traditionnelle bande-annonce du film. Mais le petit plus apporté par Blaq Out, c’est le court-métrage La Vitesse du Passé, réalisé par Benjamin Rocher en 2011 avec Mélanie Thierry et Alban Lenoir. L’histoire d’un jeune couple qui vient d’emménager dans la maison de leurs rêves, mais qui va voir l’innocence de leur relation laisser place aux tensions du quotidien… Il est toujours intéressant de voir comment un réalisateur a pu évoluer entre ses premiers travaux et l’œuvre que l’on découvre aujourd’hui. L’association de ce « vieux » court-métrage des débuts et de ce premier long-métrage, permet de mesurer la progression de Dominique Rocher et de comprendre à quel point le bonhomme est vraiment talentueux.
BANDE ANNONCE :
Par Nicolas Rieux