Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Interstellar
Père : Christopher Nolan
Date de naissance : 2013
Majorité : 05 novembre 2014
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h49 / Poids : 165 M$
Genre : SF
Livret de famille : Matthew McConaughey (Cooper), Jessica Chastain (Murph), John Lightow (Donald), Michael Caine (Pr. Brand), Anne Hathaway (Brand), Casey Affleck (Tom), Mackenzie Foy (Murph jeune), Topher Grace, Ellen Burstyn (Murph âgé), Wes Bentley (Doyle), William Devane (Tom âgé), Matt Damon…
Signes particuliers : On était à deux doigts de la baffe. Christopher Nolan nous aura finalement juste éraflé. Ça lui apprendra à trop sur-penser son coup avant de l’expédier. Car au final, il manque de naturel. Oui, Interstellar est magnifique, oui il est virtuose, oui son scénario est très riche, malin, étudié, oui le travail de documentation scientifique est saisissant, oui l’interprétation est formidable, oui le score de Zimmer est sublime, oui Nolan est un génie pour composer des images etc… Mais voilà, cette affaire suinte l’esbroufe. Un film conçu dès le départ pour être « compliqué ». Chez Kubrick, ça venait naturellement de la richesse de la réflexion développée… Toute la nuance entre chef d’oeuvre et film mégalo.
APRÈS INCEPTION, PLACE À LA DÉ-CEPTION
LA CRITIQUE
Résumé : Le film raconte les aventures d’un groupe d’explorateurs qui utilisent une faille récemment découverte dans l’espace-temps afin de repousser les limites humaines et partir à la conquête des distances astronomiques dans un voyage interstellaire. L’INTRO :
Pour toute la planète cinéma et les geeks du monde entier, c’était probablement LE film le plus attendu de cet automne, voire de l’année. Le retour du génie Christopher Nolan, deux ans après The Dark Knight Rises. Une attente motivée par un ensemble d’éléments formant la constellation abritant ce que l’on espérait être un chef d’œuvre retentissant. Un projet ambitieux qui devait être écrit par Nolan et tourné par Spielberg avant que ce dernier ne laisse le bébé au père de Inception. Une production élaborée dans le secret attisant le mystère et la fascination. La promesse d’un film de science fiction révolutionnaire et magistral. Un script visant la crédibilité maximale, basé sur des recherches et des réflexions scientifiques ultra-poussées, et rédigé par les frères Nolan (Chris et son fidèle frangin partenaire Jonathan) main dans la main avec plusieurs éminences en astrophysique, enrôlées comme consultants. Enfin, n’oublions pas une distribution 5 étoiles allant du phœnix Matthew McConaughey à l’étoile Jessica Chastain en passant par les expérimentés John Lightow ou Michael Caine, Anne Hathaway, Casey Affleck, mais aussi Topher Grace, Ellen Burstyn, Wes Bentley… et une surprise de taille mais que l’on gardera secrète.L’AVIS :
Christopher Nolan s’est donné les moyens de ses ambitions. La grande question était de savoir si maintenant ses ambitions donnaient le chef d’œuvre attendu. Compliqué. Interstellar est de ces films qui vous coincent dans une faille spatio-temporelle, sorte de voyage intergalactique fascinant mais dont la traversée du trou noir emprunté se sera faite non sans encombres. On aurait aimé, comme une grande majorité, hurler à l’œuvre définitive, au film de l’année, vivre cette exaltation post-séance où vous êtes dans un état d’excitation transcendantale après avoir pris une claque incroyable. Mais… Trop de « mais »…Christopher Nolan signe un film à la croisée de 2001, L’Odyssée de l’Espace et de Inception (avec un soupçon de L’Etoffe des Héros). On s’explique. Le premier, pour la singularité et la richesse de l’univers science-fictionnel élaboré. Christopher Nolan ne s’est pas limité à un grand spectacle d’entertainment. Ou plutôt, il ne s’est pas dirigé vers ce type de grand spectacle. Le cinéaste souhaitait, à l’instar de Kubrick en son temps et qu’il cite fréquemment comme modèle, réaliser une œuvre plus qu’un film, une expérience plus qu’un divertissement, et Interstellar va loin, très loin, et pourrait supporter des dizaines et des dizaines de visions sans que l’on ne parvienne jamais à totalement analyser ses très nombreuses ramifications et l’incroyable densité de son histoire. Le second maintenant, parce que comme avec Inception il y a quatre ans, Chris Nolan reste dans un cinéma de la complexité formelle et narrative. Une fois de plus, son nouveau long-métrage est rempli de zones d’ombres et d’ambiguïtés. Non pas que le film soit nébuleux ou fumiste, mais il a été bâti sur des fondations extrêmement sophistiquées, poussant le spectateur à l’analyse et au décorticage pour essayer d’en saisir l’essence totale, si encore « totale » est un but atteignable.2001 vs Inception, autant dire que le mélange était quand même sacrément prometteur. D’autant que les qualités d’Interstellar dépassent les seules limites de notre galaxie d’appréciation. Comme dans sa dimension narrative, formellement, le nouveau Nolan est ambitieux. On est obligé de lui reconnaître sa splendeur visuelle virtuose, accompagnant une formidable interprétation (immenses McConaughey et Anne Hathaway), des intentions admirables, une atmosphère fascinante voire envoûtante par moments, quand la superbe partition d’un Hans Zimmer retrouvé, se met en marche par exemple, et bien entendu un scénario d’orfèvre, retors et étudié, jonglant avec les notions d’espace et de temps pour composer un film au suspens malin non sans maestria dans son panorama général. Mais voilà, Interstellar est une claque atténuée. Parce que l’aventureux, l’épique, le souffle dimensionnel, le divertissement-spectacle voient leur route partiellement barrée par un confinement nombriliste autour de volontés intellectualisantes pesantes et un… excès de qualités. Un comble incroyable mais vrai.A l’instar du cinéma de Stanley Kubrick (on parle surtout de 2001, L’Odyssée de L’espace, soyons clair), Christopher Nolan essaie de jouer dans la cour de la sur-intellectualisation de la SF. Le problème, c’est que ce jeu de miroir et cet abandon passionné et passionnant aux confins de la métaphysique paraissait naturelle chez Kubrick, soutenant une réflexion richissime sur la vie, l’existence, l’humanité. Cette même intellectualisation extrême, sonne comme de l’esbroufe chez Nolan, qui bâtit tout son film dessus et à partir d’elle, là où elle venait d’elle-même chez Kubrick. Une sur-intelligence artificielle et comme montée de toute pièce pour surfer sur ce qui avait plu dans Inception, à savoir sa complexité. Plus clairement, Kubrick ne faisait pas du cinéma compliqué pour le plaisir d’être compliqué. Nolan, non plus, mais à cette nuance près que la complexité est le point de départ de la construction de son œuvre. Et le cinéaste de perdre de vue trop de choses dans le développement de son projet.A vouloir faire un film sur-intelligent, une œuvre de SF moderne ultime, le cinéaste perd en route le ludique du grand spectacle saisissant et transporteur. Très (trop) complexe, sans arrêt dans la méditation philosophique et l’abreuvage boulimique de termes scientifiques destinant presque le film aux diplômés d’astrophysique préparant leur entrée à la NASA, Interstellar finit par sombrer dans le plus gros des dangers qui le guettaient, celui de laisser sur le carreau une partie du public. Déjà que les cinéphiles et fans avertis n’y comprennent pas tout… On se questionnera donc sur l’équilibre d´un film qui n’est pourtant pas prétentieusement gratuit, ou intellectuellement masturbatoire. Interstellar ne s’inscrit pas dans le pompeux (peut-être éventuellement dans la mégalomanie) mais se révèle juste sur-ambitieux, visant une perfection scientifique ultra-poussée qui malheureusement, aura des chances de se couper d’une partie du public. Interstellar est une sorte de recherche du chef d’œuvre (et ça c’est agaçant) amenant à un film fermé sur lui-même. Puis bon, ça suffit le côté « on comprend pas tout mais c’est génial »…Interstellar tient donc une partie de ses promesses. Malheureusement, il est loin de les tenir toutes et celles qu’il a laissées en chemin étaient parmi les plus importantes. Si on lui concédera un certain pouvoir de fascination hypnotique, un visuel époustouflant (et encore que par moments, il réussit à être cheap à force de refuser son statut de blockbuster à 165 M$) et une relative richesse de fond, on ne pourra s’empêcher d’avouer que l’on s’est un tout petit peu ennuyé devant ce trip scientifiquement cohérent et magistral mais dans le même temps, frustrant et avare. Antithèse radicale au cinéma pop corn, on repassera pour le plaisir de la pure SF à grand intensité et spectacle. Et ça, ce sera dans le meilleur des cas. Car dans le pire, on pourra aussi y voir une belle arnaque masquée dans un sublime emballage. Car en grattant le vernis, on pourrait n’être à un petit trou noir de se rendre compte que derrière son charabia scientifico-mathématico-quanto-astro-physicien, Interstellar est juste un film de SF au script on ne peut plus simple et banal, élaborant quantité de chemins de traverse pour masquer sa superficialité. On pourrait n’être aussi qu’à une constellation de se rendre compte que Nolan nous prend de haut et essayant de montrer sa supériorité orgueilleuse avec un film qui nous fait passer pour de sombres et stupides âmes incapables de saisir 1% de la complexité du monde qui l’entoure. Et si Interstellar n’était finalement pas l’exemple parfait du film qui à force de chercher à élever le spectateur, finit par s’élever tout seul au-dessus de lui en le regardant de haut, avec une forme de mépris involontaire ? En tout cas, Interstellar est un film qui marque, un film à voir, un film qui comptera sûrement. Mais il n’empêche que l’on aurait aimé être un peu plus amusé quand même. Là où il y a de la gêne, y’a pas de plaisir. Dans Interstellar, la gêne c’est le manque de contrôle. Celui d’un génie brillant qui ne sait pas se freiner et qui ne voit plus la limite entre où l’intelligence prend totalement le pas sur le plaisir pour basculer dans l’assommant.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux