Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Godzilla
Père : Roland Emmerich
Livret de famille : Matthew Broderick (Nick Tatopoulos), Jean Reno (Philippe), Maria Pitillo (Audrey), Hank Azaria (Victor), Michael Lerner (le maire), Kevin Dunn (Hicks), Harry Shearer (Charles), Vicki Lewis (Chapman), Doug Savant (O’Neal)…
Date de naissance : 1998
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 2h20 – 125 millions $
Signes particuliers (+) : Une première moitié plutôt bien fichu question gestion du suspens et de la progression dramatique. Des effets spéciaux très réussis. Mais un dernier tiers de grand n’importe quoi, nettement moins bien écrit et plus irrespectueux envers le classique japonais, lorgnant davantage vers Jurassic Park que Godzilla.
DENVER, LE DERNIER DINOSAURE
Résumé : Suite aux essais nucléaires français dans le Pacifique, un lézard mutant et géant fait son apparition et débarque en plein New York…
En se réappropriant la saga culte japonaise Godzilla au charme rétro-kitsch, le producteur Dean Devlin et le cinéaste Roland Emmerich prenaient des risques considérables. Les changements apportés au look du célèbre lézard mutant que les deux compères ont tenté de moderniser, furent l’objet d’une cabale qui dure encore aujourd’hui, 13 ans plus tard ! Objet de moqueries dans le monde entier à commencer par le Japon qui s’est délicieusement amusé à tourner en dérision cette adaptation au détour d’une scène du Godzilla : Final War de Ryûhei Kitamura, la version emmerichienne est considérée comme l’une des plus belles purges de son auteur. Pourtant, le tandem derrière Independence Day, avait mis le paquet pour tenter de réussir cette transposition américaine d’une créature ancrée dans la culture japonaise, créée par la célèbre firme Toho dans les années 50. 125 millions de dollars de budget, les meilleurs techniciens engagés (dont Patrick Tatopoulos pour le design de la créature) et une idée, celle de profiter des essais nucléaire français dans le Pacifique pour justifier, comme dans les années 50 au japon, l’apparition de la créature. Emmerich, qui n’a jamais caché ses sympathies politiques pour les partis écologiques, avait vu dans ces essais français, l’occasion de dénoncer une fois de plus les ravages infligés à la planète par la puissante technologie humaine désastreuse pour la Terre. Mais faute de trop de mauvaises idées enchaînées à la suite les unes des autres, Godzilla se fera descendre en flèche, récoltant en pagaille nominations et prix aux Razzie Awards récompensant les pires films de l’année.
Pourtant, le film d’Emmerich n’est au fond pas si mauvais qu’on ne veuille le dire sans arrêt. Certes, l’américanisation du mythe est déroutante au départ et le charme des métrages japonais détruit à grands renforts d’effets spéciaux spectaculaire, loin de pauvres costumes en caoutchouc d’origine, mais si l’on prend ce Godzilla comme un film en soi, indépendamment de la saga japonaise originelle, on se retrouve avec un blockbuster classique offrant la part belle à l’action et aux effets spectaculaires. Godzilla serait-il donc un bon film ? Non, n’exagérons pas non plus. Le film ne mérite peut-être pas tant le statut qui lui est attribué aujourd’hui, de nanar complet, mais ce n’est en tout cas clairement pas un bon film non plus.
La faute, un problème récurrent chez Emmerich, à un scénario en dessous de tout alignant les idées les plus grotesques qui soit à un récit d’une sacrée indigence où, une nouvelle fois, les personnages n’existent pas pour un sou, noyés par la volonté de pondre le film le plus spectaculaire possible au détriment du scénario allant avec. Enfin, une nouvelle fois, peut-être pas. Disons que Godzilla pourrait marquer justement le tournant sur ce point dans la carrière du réalisateur germanique. Car à partir de là, Emmerich va comme mettre un point d’honneur à ne jamais s’embarrasser de l’écriture de personnages forts, crédibles et existant au milieu de ses films. Si précédemment, le Capitaine Steven Hiller (Will Smith) ou David Levinson (Jeff Goldblum) d’Independence Day avait un minimum d’étoffe, si Daniel Jackson (James Spader) ou le Colonel Jack O’Neil (Kurt Russell) de Stargate existaient dans l’histoire de SF qui nous était contée, il n’en sera pas de même pour les personnages des futurs films du bonhomme (Le Jour d’Après mais surtout 2012 ou 10.000 BC). Et ceux de Godzilla sont un modèle du genre. Force est d’avouer qu’on en a hautement rien à foutre des trajectoires des protagonistes campés par les Matthew Broderick, Jean Reno, Maria Pitillo et autres Hank Azaria, tous plus insipides les uns que les autres. Mais cette fois ci, le problème ne résidera pas tant dans l’abondance de clichés mièvres habituels au cinéma d’Emmerich mais davantage dans l’histoire racontée en elle-même. Si la première partie est honnête, correcte, et pose les bases d’un film catastrophe classique où la tension est croissante, montant crescendo au gré de quelques climax judicieusement distillés, la suite se perd complètement dans une espèce de tentative de d’ersatz de Jurassic Park II en plein New York, les bébés Godzilla ressemblant davantage aux vélociraptors du film de Spielberg qu’à des bébés lézards mutants. Une histoire qui manque cruellement de rythme, de rebondissements voire même d’intérêt. Emmerich déroule un script idiot, linéaire et peu inspiré avec pour seul souci permanent d’user au mieux de son énorme budget pour montrer ses monstres dont il semble tout fier. Dans cette soupe digitale, aucune trame intéressante, aucune construction ne semble se dégager.
Par ailleurs, et curieusement venant d’Emmerich, le second gros défaut de son Godzilla est son manque d’ambition et de générosité dans les scènes catastrophes. Après un Independence Day impressionnant techniquement au regard de son mince financement, on pouvait s’attendre à davantage question « spectaculaire ». Et le film déçoit cruellement, Emmerich cherchant plus à étirer son histoire sur deux heures qu’à enchaîner les scènes de destruction de New York. Dommage, car c’est bien là qu’il est le meilleur !
Godzilla est une petite déception, c’est incontestable, autant qu’il s’avère même être ennuyeux par moments et ça, c’est presque une première chez le plus hollywoodien des allemands. L’acharnement est peut-être un peu fort pour un film qui n’est pas plus mauvais que bien des blockbusters vus depuis mais pour le coup, le scénario aurait mérité d’être davantage travaillé, davantage écrit tout simplement. D’autant qu’en s’attaquant à une légende du cinéma, Emmerich aurait dû prévoir qu’il risquait de s’attirer les foudres de bien des fans. Si le procès fait au look du monstre destructeur est un faux débat tant il n’est, ni plus ni moins, qu’une version retravaillée et modernisée (pas dégueulasse d’ailleurs bien que s’éloignant du look originel), les critiques ne pourront décemment pas épargner un film manquant de structure, de progression dramatique et terriblement déséquilibré entre son première et sa seconde heure.
Bande-annonce :