Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Dheepan
Père : Jacques Audiard
Date de naissance : 2015
Majorité : 26 août 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h54 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Antonythasan Jesuthasan (Dheepan), Kalieaswari Srinivasan (Yalini), Claudine Vinasithamby (Illayaal), Vincent Rottiers (Brahim), Marc Youssouf (Youssouf)…
Signes particuliers : Jacques Audiard décroche enfin la Palme d’Or après des années de bons voire de grands films. Une Palme d’Or méritée ?
UNE PALME DANS LA TOURMENTE
LA CRITIQUE
Résumé : Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.L’INTRO :
Le cinéaste moissonneuse-batteuse à récompenses, Jacques Audiard, est de retour aux affaires avec son septième long-métrage en vingt ans de carrière. Respectant toujours son traditionnel intervalle de 3-4 ans entre chaque nouvel effort, le metteur en scène de Un Prophète présente Dheepan, trois ans après les louanges accordées à son De Rouille et d’os qui lui avait valu quelques César et plusieurs prix par-ci par-là. Et comme à chaque nouvel film de l’enfant prodige du cinéma français, son petit dernier n’a pas échappé aux nominations et consécrations, une en particulier, puisqu’il a raflé la très convoitée et prestigieuse Palme d’Or au dernier Festival de Cannes. Relatant le périple d’un immigré clandestin sri-lankais fuyant la guerre civile et débarquant en France en compagnie d’une famille de fortune avec comme objectif, l’Angleterre et l’espoir d’une vie meilleure, Dheepan, coécrit avec le scénariste Thomas Bidegain (Un Prophète, De Rouille et d’os), tourné en langue tamoule avec des acteurs essentiellement non-professionnels, sort en France le 26 août, à l’aune de l’été.L’AVIS :
Dheepan a été une Palme d’Or décriée en mai dernier, alors que le film avait reçu un accueil mitigé des festivaliers du côté de la Croisette. Force est de reconnaître qu’en effet, il ne s’agit pas du meilleur « Audiard », sans doute même le moins fort et le moins bon au sein d’une filmographie traversée de sacrées grandes œuvres de cinéma. Pourtant, on y retrouve tous les ingrédients de son cinéma habituel, un univers sombre, presque désespéré mais dans le même temps ponctué de touches de lumière, une quête de rédemption, un carcan social marqué, des personnages attachants, une mixité des genres, un onirisme jamais très loin… Et pourtant, même si Dheepan a été désavoué par une bonne partie de la presse cannoise, une évidence s’impose. Celle que même petit Audiard reste quand même un « bon film ». L’odyssée sociale de son héros, cet ancien soldat de l’armée des Tigres de la Libération, refugié politique en France avec l’espoir d’y trouver une terre d’accueil pour épouser enfin la paix du corps et de l’âme, attire le regard, le captive, l’émeut presque, pas totalement, et c’est l’une des faiblesses du film. C’est peut-être même la principale faiblesse du film qui l’empêche de fonctionner à plein régime. Etrangement, alors que le récit s’y prêtait plus que jamais, Dheepan peine à susciter le ressenti. Autant le film parvient à nous attacher à son personnage brisé, autant il ne parvient à pas à nous enraciner à son périple le conduisant des campagnes sri-lankaises défigurées par la guerre vers une citée des Yvelines où s’en déroule une autre, plus criminelle et sociale. Peut-être un effet de « trop », peut-être parce que le récit a quelque-chose de très rocambolesque, à plus forte raison lorsqu’il dévie de son terrain social pour épouser les contours d’un néo-Justicier dans la Ville où son régleur de compte immigré se métamorphose en Charles Bronson nettoyeur de citée en déliquescence, tenue par les dealers et les gangs.Le syndrome du « trop » va alors être une récurrence qui va accompagner tout le nouvel effort de Audiard. Comme lorsqu’il zèbre sa mise en scène globalement épurée et brute, de plans « arty » et stylisés par des ralentis à la lourdeur formelle et symbolique déconcertante d’inutilité. Trop également dans la narration, qui œuvre dans la surcharge. Audiard veut aborder l’horreur que fuient ces malheureux dont on entend si souvent parler à la télévision, quand leurs bateaux coulent au milieu de la Méditerranée, il veut aborder le masque identitaire de cette famille factice composée dans la hâte du départ, il veut traiter de leur néo-quotidien au sein de ce territoire hostile qu’est la citée dangereuse dans laquelle ils échouent, il veut aussi décrire les relations qui se créent progressivement entre ces êtres qui ne connaissaient pas et doivent s’apprivoiser, il veut aborder la psychologie d’un homme tourmenté par les horreurs d’une guerre qui l’a traumatisé à jamais, il veut faire dans la fable sociale, veut toucher à la romance, à la tragédie, au thriller, il veut « agresser » le spectateur par des montées de violence frontale… Et au passage, le metteur en scène d’occulter une partie que l’on aurait voir, celle de l’arrivée de son personnage en France, ses tous premiers pas, sa galère, sa lutte au quotidien. Mais ces (trop) nombreux éléments ont du mal à se mettre en place avec homogénéité et fluidité, l’équilibre se retrouve en péril, et alors que le cinéaste présentait son film à Cannes comme un « vigilante », on comprend mieux. L’objectif du film était d’amener le spectateur vers son final très théâtralisé. Sauf que jusque-là, l’essentiel du récit était ailleurs et montrait tout autre chose, rendant son épilogue dissonant du reste, presque hors sujet, presque trop « gros » pour embrasser une réelle crédibilité.Enfin, reste l’idéologie générale. On commence à connaître Jacques Audiard et on ne doute pas une seconde, que ses intentions étaient plus louables que celles renvoyées primairement par son film. Mais sa peinture de la banlieue n’a rien d’un microcosme étudié selon des valeurs sociales. Le cinéaste ne s’en sert que comme un contexte fonctionnel, que comme un moteur asservi et destiné à soutenir la mécanique de l’ensemble, pour qu’il déroule son récit de rébellion contre la violence. On en vient vite à regretter l’absence de réflexion, de nuance, d’étude sociale, alors que le film baigne dans un schématisme qui ne lui rend pas service et atténue considérablement la portée qu’il aurait pu revêtir. Peindre la banlieue comme un seul repère de truands mal famé semble tellement passer de date et hors-propos en 2015.Néanmoins, si le tableau dressé par ce périlleux Dheepan (il fallait quand même un sacré courage pour s’attaquer à tel projet, sans tête d’affiche) peut paraître noir, le film de Jacques Audiard parvient à s’attirer une certaine sympathie, voire même une étrange bienveillance cachée derrière ses défauts. Porté par ses très bons comédiens non-professionnels, soutenu par une mise en scène racée et par le savoir-faire du cinéaste pour toujours nous attacher à ce qu’il nous raconte, ce semi-gâchis au regard de son potentiel, réussit à exister, réussit à accrocher. On perçoit avec évidence les vices de forme béants, mais Audiard reste un conteur hors pair et c’est cette faculté qui le sauve sur Dheepan.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
merci pour ce concours !
bonjour, je participe et je réponds Le combat pour les droits des femmes
C’est formidable Annette mais vous participez à quoi là exactement sous cette critique ?