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DARK CRYSTAL – LE TEMPS DE LA RÉSISTANCE : l’avis de Fred sur la série

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : The Dark Crystal : Age of Resistance
Père : Louis Leterrier
Date de naissance : 2019
Majorité : 30 août 2019
Type : Dispo sur Netflix
Nationalité : USA, Angleterre
Taille : 10 épisodes
Genre : Fantasy

Livret de famille : Taron Egerton, Anya Taylor-Joy, Nathalie Emmanuel…

Signes particuliers : Louis Leterrier réussit son adaptation de l’univers !

UN SUPERBE PROLONGEMENT DU FILM !

AVIS SUR DARK CRYSTAL : LE TEMPS DE LA RÉSISTANCE

Synopsis : Le monde de Thra se meurt. Le Cristal est le cœur de Thra, une source de pouvoirs mystérieux endommagée par les Skeksès. Lorsque des Gelfling découvrent l’horrible vérité qui se cache derrière le pouvoir des Skeksès, les feux de la rébellion s’allument et une bataille épique pour la planète commence.

Voilà maintenant 37 ans, forts du succès de leurs émissions The Muppet Show et Sesame Steet à la télévision américaine, Jim Henson et Frank Oz décidèrent de se lancer dans un projet d’une ambition inédite : Dark Crystal, le premier long-métrage entièrement constitué de marionnettes ! Avec l’aide de Brian Froud qui en imaginera les contours par son travail d’illustrations et un budget de 16 millions dollars en poche, ce pari fou aboutira sur l’une des plus belles prouesses technologiques de l’époque, mais dont l’univers atypique et l’intelligence du propos laisseront d’abord une bonne partie du public sur le carreau avant d’acquérir heureusement un statut de film culte au fil des années… Et on peut le comprendre, en trouvant une sorte d’équilibre parfait entre la fascination enfantine et un traitement adulte de la fantasy, Dark Crystal se positionnait comme une œuvre véritablement à part, préférant développer son propre univers original selon la perspective de ses auteurs plutôt que de chercher à satisfaire les attentes convenues d’un large public. On imagine donc sans mal le nombre de spectateurs de 1982 décontenancés devant Dark Crystal en s’attendant à assister à un film familial avec de sympathiques petites marionnettes dans un monde lumineux…

Théâtre du long-métrage, la planète Thra n’avait en effet plus grand chose de lumineux si ce n’est le Cristal de Vie qui était chargé d’assurer l’équilibre entre sa biodiversité car, depuis un millénaire, les Skeksès, une race issue de créatures venues d’un autre monde, en avait corrompu le fonctionnement pour s’assurer l’immortalité. Particulièrement répugnants par leur apparence (des espèces d’immenses oiseaux cadavériques) et la fausse opulence de leur cour déviante, la vision de cette petite caste d’individus s’octroyant les richesses d’un monde en le détruisant allait prendre une tournure encore plus cruelle avec la découverte de leurs agissements génocidaires sur le peuple pacifique de la planète, les Gelflings, dont la vie était devenue littéralement une essence pour leurs bourreaux. Après avoir pris connaissance de ces sombres desseins, Jen, un des derniers survivants de cette population, se mettait en quête d’un morceau du Cristal brisé pour tenter de venir à bout des terribles Skeksès… Exploit technique permanent, émerveillement de chaque instant par son univers et son bestiaire tout autant inventif qu’infini, aventure poétique et mystique jusqu’à la moelle, charge politique féroce contre une minorité d’individus ayant tous les pouvoirs pour annihiler une majorité silencieuse, ode à l’unification pour sauver tout un environnement en train de péricliter… Le moins que l’on puisse, c’est que le film Dark Crystal avait clairement une longueur d’avance sur son temps et on ne peut que vous conseiller de le (re)découvrir avant de tenter la nouvelle excroissance de cet univers proposée par Jeffrey Addiss et Will Matthews aujourd’hui sur Netflix. Ce sera d’ailleurs une excellente initiative pour bien comprendre la subtilité de l’évolution de certains protagonistes et les références que partagent le long-métrage et la série Age of Resistance

Avant d’aller plus loin, il convient de s’arrêter sur le vent de modernité formelle qui va souffler dans ce retour sur Thra. Tout a été effectivement pensé pour privilégier au maximum la continuité des techniques artisanales qui ont fait la force du film, aussi bien au niveau des marionnettes que par le retour de certains collaborateurs y ayant participé à l’époque. Mais 2019 oblige, les effets numériques sont désormais également de la partie. Si, comme l’auteur de ces lignes, vous avez eu l’idée de revoir le film de 1982 très peu de temps avant de vous lancer dans la série, autant ne pas vous cacher que le premier épisode encourt le danger de vous faire quelque peu paniquer. Sans doute pour séduire une nouvelle génération et en mettre plein la vue dès son introduction, Age of Resistance va faire une très grande place aux nouvelles technologies dans le but de nous réintroduire dans ce monde et… à vrai dire, peut-être même un trop. À l’instar du prologue du film revisité de manière assez discutable ou des marionnettes qui semblent un peu perdues dans d’immenses décors numériques, ce retour aux sources de Dark Crystal joue avec le feu de la modernité dans ses prémices au risque de perdre le charme artisanal ambitieux qui a fait -et fait encore- le succès de son modèle. Heureusement et assez rapidement (on n’y pense même plus à la fin du pilote), ce côté tape-à-l’œil prenant le risque de tout engloutir sur son passage ralentit et se met à cohabiter avec les effets plus anciens dans une parfaite harmonie qui ne quittera désormais plus la série jusqu’à son terme. Passés ces excès, l’alliance entre les vieilles et nouvelles technologies ne va d’ailleurs servir qu’un seul but, celui qui va de devenir le leitmotiv de la série sur tous les plans possibles : renouer avec la magie de Dark Crystal pour toujours l’approfondir et l’exalter !

Cette introduction chargée aura néanmoins été nécessaire pour nous présenter l’ampleur des forces en présence sur la planète Thra cinquante trines… heu, pardon… années avant les événements du film. Les Skeksès dominaient déjà ce monde de leurs serres machiavéliques mais ils coexistaient encore avec les sept clans de Gelflings disséminés sur Thra et n’ayant pas encore conscience du danger que représentaient les rapaces cupides. S’attachant à trois clans à travers trois de leurs représentants (Rian pour les Rochenbois guerriers, Brea pour les Vaprans érudits et Deet pour les Grottans souterrains), la série va épouser un déroulement assez classique vis-à-vis de ce type de récit où, en gros, la première partie va servir à rassembler les protagonistes en « communauté » en les éveillant à la nature à la menace et la deuxième à les voir tenter de la combattre. Le fait que les Skeksès se mettent à boire littéralement comme du petit lait le peuple Gelfling avec l’aide du Cristal afin de prolonger leur existence va évidemment être le déclencheur de ce soulèvement en construction… Et, bon sang, que Dark Crystal : Age of Resistance va vite s’imposer en tant que prologue rêvé du long-métrage ! Eh oui, chers petits Podlings, c’est une réussite quasi-totale qui ne trahit jamais son aîné mais qui, mieux, l’embellit encore plus ! En se déroulant avant des événements bien connus (et ici fatals), un prequel à l’histoire d’une œuvre aussi importante en son genre aurait pu aller de pair avec le risque de nous interroger quant au but réel de son existence (ben oui, on en connaît déjà le fin mot après tout) mais pas Age of Resistance qui va ne cesser d’étonner dans les développements extrêmement pertinents qu’elle ajoute pour étoffer sa propre mythologie !

Sur la façon même de traiter son univers, la série explose perpétuellement le cadre du film en s’appuyant sur les bases de ce dernier pour aller explorer ce qui se cache au-delà. La variété de tribus Gelflings avec leurs fonctionnements spécifiques, les autres peuplades, une pluie de nouveaux décors en plus de ceux connus, une faune et une flore faisant appel à un imaginaire sans limite pour toujours écarquiller un peu plus nos yeux d’enfants… C’est bien simple, avec le retour en arrière qu’opère Age of Resistance, l’environnement de la planète de Thra paraît être un puits sans fond que le film n’avait en réalité fait qu’effleurer.

Le nom de Louis Leterrier (qui signe l’intégralité de la série à la réalisation) pouvait légitiment donner lieu à des appréhensions quant à sa capacité à être à la hauteur d’un tel matériau. Rassurez-vous, le bonhomme est non seulement au rendez-vous mais, grâce à Age of Resistance, il signe tout simplement le sommet de sa carrière en faisant virevolter l’objectif de sa caméra avec une véritable maestria pour nous immerger dans les nombreuses épreuves qui attendent les habitants de Thra ! La flamme de l’émerveillement ressentie devant le film sera ravivée et, osons-le dire, peut-être même attisée vu que le fond est au diapason de la forme ! Eh oui, comme elle le fait en termes de richesses visuelles, Age of Resistance profite de sa longueur (10 épisodes de près d’une heure filant à la vitesse de l’éclair) pour développer tout un vivier de discours en corrélation avec ceux du film qui n’ont absolument rien perdu de leur force, bien au contraire ! Le fonctionnement de cour des Skeksès toujours aussi ragoûtants et cruels (mais vraiment, la série va même plus loin par moment !) et plus particulièrement, les manipulations du perfide Chambellan sont passés ainsi à la loupe alors que leur soif de pouvoir et d’immortalité atteint leur point de non-retour. Leur influence maléfique omniprésente envenime d’abord Thra en elle-même, déréglée par le Cristal vicié, et ensuite ses représentants les plus emblématiques, les Gelflings. Dès le départ, ils sont ici quelque part eux-mêmes corrompus par une intolérance entre tribus que les Skèksès entretiennent savamment en déléguant les pouvoirs d’arbitres aux Vaprans jugés supérieurs. C’est ainsi qu’avant la résistance face aux Skèksès, la série va construire l’union d’un peuple trop longtemps divisé comme unique possibilité d’un futur viable. En ce sens, la condition dramatique du guerrier Rian posant d’emblée l’éveil sur les enjeux à venir, les relations de pouvoirs entre Brea, ses sœurs et sa mère face aux oiseaux de mauvaise augure ou encore l’odyssée de la naïve Deet à la surface de ses grottes vont être les points à unifier devant une menace qui ne recule devant plus rien pour maximiser son appropriation de ressources vitales.

Tolérance, protection environnementale, union face aux inégalités grandissantes, appel au soulèvement face au mépris d’une classe dominante… Mine de rien, face à une majorité aseptisée, la série Dark Crystal fait donc elle aussi de la résistance pour maintenir la substance de ses discours toujours aussi pertinents et les renforce aussi en appuyant sur des points encore plus en résonance avec l’époque actuelle. Le tout est bien entendu fondu dans une montagne ô combien généreuse de péripéties impressionnantes où les morceaux de bravoure se disputent à l’émotion et à la poésie mais, même lors de ses rares temps morts qui trouvent toujours le temps de rebondir entre de jolies trouvailles, de nouveaux personnages, d’autres surgissant du passé, de l’humour (fabuleux petit Hup !) et une myriade de références cinématographiques bien intégrées à l’ensemble, la série ne perd jamais de vue la puissance évocatrice de ce qu’elle veut raconter et, même de manière sous-jacente, cette force est toujours omniprésente comme la main-mise des Skèksès sur Thra… mais dans une optique beaucoup plus louable bien entendu.

Enfin, comme ne pas souligner le génie du doublage VO à la hauteur de tous les noms prestigieux qu’il réunit ? Si les acteurs prêtant leurs voix aux Skeksès ont l’air de réellement s’amuser au plus haut point afin de traduire les personnalités odieuses de ces derniers (mentions spéciales à Simon Pegg, Jason Isaacs et Mark Hamill respectivement dans les rôles du Chambellan, de l’Empereur et du Savant), il faut absolument saluer l’interprétation parfaite du trio de Gelflings héros de l’histoire : Taron Egerton en Rian, l’énergie d’Anya Taylor-Joy en Brea et la douceur si exquise de la voix de Nathalie Emmanuel en Deet que l’on en vient à avoir un méchant crush pour une marionnette blonde à peau verte et aux oreilles à 90 degrés du visage…

Après un laps de temps d’immersion vite oublié dû à quelque paramètres de réglages modernes, Dark Crystal: Age of Resistance se révèle être une claque de fantasy comme on n’osait plus rêver d’en voir ! En parfaite harmonie avec l’esprit de son modèle tout en l’enrichissant constamment à tous les niveaux, la série réussit l’exploit de s’emparer de tous les qualificatifs élogieux que l’on attribuait auparavant au long-métrage de Jim Henson et Frank Oz pour les glorifier et les réactualiser en écho à des problématiques contemporaines. Trente-sept ans ont passé mais l’émerveillement devant tant de poésie et d’intelligence qui débordent de l’écran est intact et demeure le temps de ces 10 épisodes d’une saison qui en appelle incontestablement une autre. Thra a encore besoin d’aide pour aller mieux et nul doute que notre envie de « rêvailler » à nouveau avec les Gelflings ne se tarira jamais après un si beau retour…

Par Frédéric Sebource

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