Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Creed
Père : Ryan Coogler
Date de naissance : 2015
Majorité : 18 mai 2016
Type : Sortie Blu-ray/DVD
Nationalité : USA
Taille : 2h15 / Poids : 35 M$
Genre : Drame, Boxe
Livret de famille : Michael B. Jordan (Adonis Creed), Sylvester Stallone (Rocky Balboa), Tessa Thompson (Bianca), Phylicia Rashad (Mary Ann), Wood Harris (Tony), Tony Bellew (Conlan), Ritchie Coster (Pete Sporino), Graham McTavish (Tommy), Andre Ward (Wheeler)…
Signes particuliers : Rocky passe le flambeau à Creed, et Ryan Coogler assène un uppercut aussi fiévreux qu’un chef-d’œuvre.
LA SAGA RENAÎT DE PLUS BELLE !
LA CRITIQUE
Résumé : Adonis Johnson n’a jamais connu son père, le célèbre champion du monde poids lourd Apollo Creed décédé avant sa naissance. Pourtant, il a la boxe dans le sang et décide d’être entraîné par le meilleur de sa catégorie. À Philadelphie, il retrouve la trace de Rocky Balboa, que son père avait affronté autrefois, et lui demande de devenir son entraîneur. D’abord réticent, l’ancien champion décèle une force inébranlable chez Adonis et finit par accepter…L’INTRO :
Il est des réalisateurs comme ça, qui ont tellement impressionné par leur maîtrise incroyable dès leur premier long-métrage, que l’on avait immédiatement hâte de les retrouver au plus vite, si possible dans un univers radicalement différent pour voir si leur talent était bel et bien une évidence et non un feu de paille, fruit d’un bon concours de circonstances. Avec Creed, spin-off de Rocky, Ryan Coogler ne pouvait pas plus s’éloigner de son premier exercice, l’excellent Fruitvale Station, déjà avec l’étoile Michael B. Jordan. Six films en trente ans, voilà ce qu’aura représentée l’aventure Rocky. Aujourd’hui, c’est non sans une pointe de mélancolie que l’on dit adieu à la célèbre saga immortalisée par John G. Avildsen et Sylvester Stallone. Car qu’on se le dise une bonne fois pour toute, Creed n’est pas un Rocky 7. A la limite, c’est un Rocky 2.0 qui, comme son titre français l’indique, se veut l’héritage de la franchise Rocky Balboa.L’AVIS :
Comment passer derrière une saga mythique pour la relancer, la réinventer, la faire renaître de ces cendres encore chaudes après le très bon Rocky Balboa il y a dix ans ? Comment imposer une nouvelle icône alors que l’ancienne est encore une légende vivante ? Comment transporter et faire vibrer le public au son des aventures d’un fils spirituel, en respectant une mythologie, tout en devant prendre ses marques pour développer son propre film ? Comment refaire sans refaire Rocky ? Autant de questions auxquelles Ryan Coogler devait trouver des solutions, autant de défis auxquels il devait se mesurer en relevant fièrement un challenge périlleux. Être dans l’ombre d’un mythe mais trouver le moyen d’en sortir pour réussir à se faire son propre nom, endosser un patronyme glorieux avec l’angoisse de le ternir par l’échec, c’est à la fois le sujet matriciel de l’histoire de Creed et le pari fondamental d’un film fantastiquement méta, qui est ce qu’il raconte et qui raconte ce qu’il est. La montagne était imposante, Ryan Coogler l’a gravie puis renversée avec brio, avec génie même, et une chose est sûre, avec honnêteté, puissance et courage. Rares sont les exercices de ce type qui parviennent à se délester de leurs entraves avec autant de panache, d’intelligence et de force. Creed est le prolongement de Rocky, le renouveau de Rocky, est le fils spirituel de Rocky. Mais surtout, Creed est Creed, un nouveau film, une nouvelle histoire écrite, une nouvelle légende couchée sur pellicule. Et quelle légende. On l’adore déjà.Rien de tel que les techniques de la boxe pour réaliser un bon film de boxe. Ça, Ryan Coogler l’a compris, intégré, digéré, mieux que personne depuis John Avildsen (et Scorsese avec Raging Bull). Creed transpose en langage cinématographique le langage du sport qu’il met en scène, et brille de mille feux, s’imposant comme le meilleur Rocky depuis… Rocky. Un fils peut-il égaler son légendaire paternel ? La saga nous le dira si d’aventure d’autres viennent, mais une chose est sûre, Creed n’est pas loin d’égaler Rocky premier du nom. Armé d’une force de frappe dévastatrice, doué d’un jeu de jambe formidable de grâce et de virtuosité, aidé par une vision sans fausse note, et placé sous la protection d’un mentor bienveillant (un Stallone en mode passation de flambeau), Creed danse sur le ring de l’écran, enchaîne les uppercuts au visage d’un spectateur surpris par tant de talent déversé à chaque plan. Garde haute, souffle tantôt court tantôt long, jeu d’esquives, coups portés, parfois vifs et rapides parfois profonds et allongés, Creed met au tapis, glisse entre les genres comme ses pieds glisse sur le ring. Le drame identitaire sur fond de quête existentielle et filiale nous pousse sonnés dans les cordes, les scènes de boxe à la fougue revancharde nous redressent immédiatement et nous remettent en jeu, alors que la trajectoire de ce jeune écorché pris entre les deux histoires qui sont les siennes, provoque l’émulsion nécessaire pour nous soulever et nous projeter aux côtés de ce nouvel héros pour lequel on prend immédiatement fait et cause.Intelligent tant dans son essence que dans sa démarche ou sa mise en images, Creed déploie son histoire avec une terrible intensité, qui se charge en particules émotionnelles grâce à son incroyable humanité, à sa profondeur substantielle, à son authenticité de chaque instant, à sa rythmique parfaite, et surtout, grâce à sa richesse intérieure et extérieure. D’un scénario superbe à une mise en scène magnifique, Creed touche du doigt la perfection à tous les niveaux. Son jeu de jambe vif et dynamique lui permet de bouger sans cesse entre le drame bouleversant, la folle soirée sportive au paroxysme du stressant, la romance émouvante, ou encore la drôlerie bienvenue pour encore plus iconiser ses protagonistes offrant une merveilleuse rencontre entre l’initiatique et le crépusculaire. Et ce jeu de jambe sans cesse en mouvement trouve sa pleine expression dans une technique épatante, qui illustre avec brio un récit savamment pensé et minutieusement confectionné. Derrière, ses variations de souffle, tour à tour court ou long, impulsent un rythme jouant avec les ruptures de tons et la progression dramatique pour imposer une fresque laissant passer le spectateur par tous les sentiments, touché, atteint, galvanisé, transporté, au point de vouloir presque finir debout dans la salle, les applaudissements à portée de mains. Car s’il y a bien une chose qu’indéniablement Coogler a réussi à ressusciter, c’est que l’on ne regarde pas Creed, on le vit comme si l’on y était !Jamais Creed ne s’émousse, jamais il ne relâche la pression, jamais il ne perd de vue sa clairvoyance, grâce au génie et à la maîtrise d’un Ryan Coogler touché par la grâce. L’âme de Rocky plane en permanence au-dessus de la tête de ce faux revival inspiré et pourtant, rarement le mauvais visage du fan-service avait autant été absent des festivités célébrant des retrouvailles avec une icône de cinéma. Parce que le cinéaste a compris ce qu’il avait à faire, a compris ce que le public attendait, et parce qu’avec habileté et adresse, il a su le matérialiser en faisant de son œuvre, un véritable acte de transmission à cheval entre la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère. Creed combat au corps à corps avec son modèle, paré derrière sa respectueuse humilité, mais sans afficher le moindre complexe. Ryan Coogler tient bien sa garde, respecte son devoir, mais ne se sent jamais contraint par de quelconque passages obligés. Seulement transporté par sa farouche énergie, il entre dans l’arène et fait ce qu’il avait à faire. Et il le fait tellement bien, important les ingrédients d’un vrai bon Rocky à l’ancienne tout en les remodelant dans une nouvelle histoire qui échappe à la fois aux dangers du plat réchauffé, tout comme à ceux de la trahison éhontée. Parfait d’équilibre, Creed se mue alors en un spectacle total, fin et puissant, dramatique et rageur, envoûtant et bouleversant. En chef d’orchestre prodigieux, Ryan Coogler conjugue à merveille son bagage emmagasiné du côté du cinéma d’auteur, et une certaine idée du cinéma de divertissement. Et pour illustrer l’essence même d’un nouveau duel, ou plutôt d’un double voire triple duel, entre soi et soi-même, entre soi et un adversaire, et enfin entre soi et la vie, Coogler en appelle à une bande originale aux furieux accents de Morricone, un nouveau thème alors que l’on dit adieu à l’ancien, saisissant ainsi à feu très vif, toute l’amplitude des nombreux combats qui vont se jouer dans la naissance de cette nouvelle aventure, de cette nouvelle icône, combats contre la vie ou sur le ring, combats qui vont alimenter ce drame sportif transcendé.Et bien sûr… Au sommet de ce monument que l’on n’attendait pas aussi fabuleux, telles deux étoiles trônant à la cime d’un sapin de noël, Michael B. Jordan et Sylvester Stallone. Le premier, fer de lance de la crème de sa génération d’acteurs, fait une énième démonstration de son talent ahurissant. Sa composition d’Adonis Creed, toute en nuances et en subtilités, navigue entre la puissance nécessaire pour en faire une icône charismatique aimantant le regard dans le cadre, et la fragilité cristallisant ses fêlures personnelles motivant sa trajectoire. Face à lui, c’est bien simple, Stallone livre peut-être sa meilleure prestation depuis Copland, incarnant un Rocky terriblement authentique, vieille légende d’antan regardant son existence dans le rétroviseur à l’heure de livrer son plus grand combat, celui de l’inéluctable fin d’une existence riche mais cabossée, qui l’a jadis érigé en mythe. Le seul regret que l’on pourrait formuler, sera peut-être à aller chercher du côté de seconds rôles moins substantiels. Exception faite d’une excellente Phylicia Rashad (remember la mère dans le Cosby Show), un adversaire en carence de présence dominante face à ce jeune frondeur qui arrive sur sa route, un personnage féminin très artificiel (Tessa Thompson alias Bianca ne pouvant soutenir la comparaison avec Talia Shire/Adrian) et la galerie des Burt Young ou Meredith Burgess qui ne trouve pas digne compensation.On se demandait ce qu’allait bien valoir Ryan Coogler à la tête de ce spin-off. Maintenant, on le sait. Tel un boxeur complet, le cinéaste a travaillé sa technique, son jeu, sa motricité, sa vista. Il signe un exercice pas loin du chef-d’œuvre, subtilement écrit, prodigieusement mis en scène, fabuleusement interprété, à la fois monstrueux d’iconisme, terriblement poignant, et littéralement exaltant comme l’a été Rocky… il y a trente ans. Un film qui met au tapis, en un round seulement. Magistral !
LE BLU-RAY DU FILM
Techniquement au top, le Blu-ray de Creed ne chute pas en entrant sur le ring du lecteur de salon. Image nette, son puissant, tout est parfait, rien à redire. Côté « suppléments », ce que le Blu-ray proposait sur le papier avait de quoi séduire. Des entretiens revenant sur la volonté de prolonger l’esprit de Rocky, un module sur la préparation physique de Michael B. Jordan, des scènes coupées. Tout cela était très alléchant. A l’arrivée, les compléments représente environ 40 minutes. Certains seront peut-être un peu déçus (les addicts aux bonus), les autres trouveront cela suffisant. Après mieux, mieux vaut de la qualité que de la quantité. C’est le petit souci justement. Le premier module revenant sur la façon dont Creed essaie de renouer avec l’essence de la saga Rocky ne s’étend que sur 14 minutes. Bien peu et surtout, insuffisant pour réellement parler du film. D’autant qu’aucun making of n’était présent, on reste clairement sur notre faim. Le second sur la préparation de M.B. Jordan n’est guère mieux, à peine 5 minutes. La performance du comédien méritait mieux qu’une simple « featurette ». Viennent les scènes coupées, environ 20 minutes. Si certaines ne sont que des scènes rallongées, quelques-unes en revanche ont de la valeur, notamment c’est séquences référentielles aux premier Rocky, peut-être ôtées pour éviter de trop verser dans l’hommage outrancier et le fan-service. On relèvera cette belle scène de Stallone ressortant un vieux carton de souvenirs et visionnant son combat contre Apollo Creed, sur un vieux magnétoscope VHS.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux