Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Citadel
Père : Ciaran Foy
Livret de famille : Aneurin Barnard (Tommy), James Cosmo (le prêtre), Wunmi Mosaku (Marie), Jake Wilson (Danny), Amy Shiels (Joanne)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : Irlande, Angleterre
Taille/Poids : 1h24 – 3 millions €
Signes particuliers (+) : Un film original au très fort caractère, qui laisse une empreinte troublante par son mélange des tons, des genres et des styles.
Signes particuliers (-) : Un scénario pas très bien écrit, dans sa première comme dans sa seconde moitié mais pour des raisons différentes. Des maladresses comme souvent dans un premier film et une incapacité à exploiter au mieux ses idées.
PÉNÉTREZ DANS LA CITADELLE…
Résumé : Tommy est un jeune papa traumatisé. Depuis la brutale agression de sa compagne enceinte dans les couloirs de la citée miteuse où ils vivent, par une horde d’enfants sauvages, il doit faire face seul à la vie de ce microcosme glauque, à ses responsabilités de père isolé, Joanne étant depuis plongée dans un coma irréversible et à son agoraphobie aiguë, héritée du drame. Mais il va devoir surmonter ses peurs pour sauver son bébé des griffes de ces adolescents sanguinaires…
Triplement présenté en France, au dernier festival de Gérardmer, au PIFFF parisien 2012 et au Festival de l’Etrange de la même année, Citadel tarde tellement à sortir en salles, qu’on peut presque d’ores et déjà lui prédire au mieux une sortie en direct-to-video. Dommage pour un film qui aura glané le Prix du Public au PIFFF et en même temps, presque logique et prévisible pour ce petit budget irlando-britannique réalisé par un jeune cinéaste qui ne s’est jusque-là illustré que dans l’école formatrice du court-métrage (5 déjà) plus un autre intégré dans l’atypique anthologie réunissant dix segments, Hotel Darklight, réalisée sans volonté de profit puisque le résultat sera posté directement sur la toile. Citadel est en tout cas, l’illustration de la vitalité du cinéma de genre irlandais qui ne cesse de grandir ces derniers temps, au rythme du renouveau de son voisin anglais.
Film à cheval entre le drame, le revenge flick, le polar ultra-violent et le fantastique horrifique pur, Citadel est un projet étrange, à l’image du résultat du travail de Ciaran Foy sur un film clairement marginal et loin de tous les codes traditionnels. Un film surprenant et déroutant qui prend place dans une sinistre banlieue austère et glauque, en décrépitude et livrée à une violence bestiale personnifiée par une horde de jeunes adolescents fous et impitoyables qui enlève les enfants et tue sans raison les adultes dans des accès de furie animale. Peu de clés de compréhension sont données au départ d’une intrigue qui se structure progressivement pour devenir à l’arrivée un film vraiment singulier et furieux à la narration aussi chaotique que l’ambiance qu’elle dépeint.
Il y a un parfum d’irréel dans l’entame de Citadel qui pourtant, même s’il exagère un peu la situation tragiquement quotidienne qu’il narre, essaie de mettre un pied dans un certain réalisme avec cette histoire de jeune père marqué par l’agression brutale dont a été victime sa compagne enceinte plongée depuis dans un coma irréversible. De cette agression, il en a gardé une agoraphobie violente qui l’handicape lourdement au quotidien alors qu’il doit se débattre pour élever son bébé tout en vivant dans un cadre difficile, une citée vouée à la rénovation pour faire table rase de sa misère malsaine. Ciaran Foy entame son film comme un drame assez étrange, assez confus aussi, et pas forcément palpitant en apparence. Dire que l’on s’ennuie serait un peu exagéré mais pas tant que cela tant on est un peu perturbé par une première partie assez curieuse qui ne correspondant pas forcément à ce à quoi l’on pouvait s’attendre de la part d’un film de genre. Plus proche d’un cinéma métaphoriquement social, s’attachant essentiellement aux troubles de son personnage complexé essayant de s’en sortir, la menace reste présente mais tapie dans l’ombre, en arrière plan d’un film qui cherche avant tout à s’embaumer d’un parfum de paranoïa, d’oppression sourde et de psychose aiguë alors que le spectateur est livré à lui-même, plongé dans un drame « de genre » dont il n’a pas encore toutes les cartes de compréhension. Ces cartes, qui se font attendre un peu trop longtemps, finiront par être distribuées plus tard, lorsque le film bascule dans sa seconde moitié, plus animée et viscérale, plus ancrée dans un cinéma d’horreur efficace quelque part entre le glauque violent et le craspec sombre mais sans cesse mâtiné d’une ambiance fantastique impalpable et obscure. Une deuxième moitié plus explicative où le film commence à se livrer, présentant la menace sourde qui ne faisait que traverser furtivement l’histoire jusqu’alors, dans le seul but de soutenir le déséquilibre mental du héros. On pourrait croire que Citadel va alors se révéler mais encore une fois, Ciaran Foy a du mal à trouver la bonne tonalité et le bon tempo. D’un film plus psychologique mais baignant dans une atmosphère presque surnaturelle à la Le Locataire de Polanski, Citadel bascule vers un croisement entre Chromosome 3 et un cinéma de genre aux créatures mutantes style The Descent, tout ça dans une cadre passant d’un équivalent à celui du Harry Brown de Daniel Barber avec Michael Caine à celui plus extrême d’un The Raid. Malheureusement, aucune de ses glorieuses références ne sera atteinte ni de près ni de loin d’ailleurs, même si Citadel, au-delà de ses inspirations, se réclame de la filiation d’un nouveau cinéma de genre anglo-irlandais particulièrement rageur, poisseux et accrocheur, rappelant sur certains points le récent Kill List de Ben Whitley.
Ciaran Foy accouche d’un film troublant, dont il reste en mémoire une singularité de ton associée à une singularité visuelle et structurelle, passant du drame psychologique à la fureur d’un film de terreur fantastique hardcore. Le cinéaste commet pas mal de maladresses, notamment dans sa gestion de l’écriture d’un film souvent confus et qui manque de concision structurelle dans sa dramaturgie et de force de percussion narrative, d’autant qu’il entremêle pas toujours adroitement ses nuances de tons (à l’exemple du personnage du prêtre à la limite de l’absurde ou de l’infirmière qui apporte une touche de romance dans un film déjà très éclaté dans son encrage classificatoire). Mais Citadel marque quand même, sans que l’on sache trop pourquoi. Alors que certains éléments de son scénario le tireraient presque vers le nanar de série B presque risible, il réussit malgré tout à se sortir des ornières dans lesquelles il s’était enfermé par son atypisme et sa force de caractère se nourrissant de son environnement au lieu de miser sur les seuls effets de peur faciles dans la lutte entre assaillants et assailli. Citadel n’est pas vraiment un bon film en cela qu’il ne parvient jamais à tirer parti au mieux de ses situations et de ses thématiques, mais c’est un premier film très prometteur qui, à défaut d’impressionner ou de tétaniser, à au moins le mérite de nous plonger dans une forme étourdissante de confusion alimentée par une ambiance marquée par une profonde sinistrose, rompant avec tous les repères habituels que l’on pourrait avoir. Une curiosité maladroite et bancale, trop peut-être pour convaincre pleinement, mais une curiosité quand même, racée et posant un regard original sur le genre et la façon d’y intégrer des personnages dotés de vrais enjeux dramatiques comme ici Tommy qui doit non seulement sauver sa fille mais franchir un cap dans son handicap, devant trouver des ressources au fond de lui aussi bien pour son bébé que pour lui-même, ce qui donnera lieu à une petit coup scénaristique aussi comique que malin et efficace. Et il a au moins le mérite de proposer quelque-chose, un regard, un angle, un style.
Bande-annonce :