Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Calvary
Père : John M. McDonagh
Date de naissance : 2014
Majorité : 26 novembre 2014
Type : Sortie en salles
Nationalité : Irlande
Taille : 1h45 / Poids : 2,8 M€
Genre : Drame, Comédie dramatique
Livret de famille : Brendan Gleeson (Père James), Chris O’Dowd (Jack), Kelly Reilly (Fiona), Aidan Gillen (Dr Harte), Dylan Moran (Michael), Isaach de Bankolé (Simon), Emmet Walsh (l’écrivain), Marie-Josée Croze (Teresa)…
Signes particuliers : Réalisateur iconoclaste se plaisant dans un cinéma transgenre quelque part entre le tragique et l’humour très noir, J. M. McDonagh livre un exercice particulièrement déroutant, mi-drame plombant et mi-comédie sarcastique. Le mariage est aussi envoûtant qu’il déconcerte et laisse songeur.
AU NOM DU PRÊTRE…
LA CRITIQUE
Résumé : La vie du père James est brusquement bouleversée par la confession d’un mystérieux membre de sa paroisse, qui menace de le tuer. Alors qu’il s’efforce de continuer à s’occuper de sa fille et d’aider ses paroissiens à résoudre leurs problèmes, le prêtre sent l’étau se refermer inexorablement sur lui, sans savoir s’il aura le courage d’affronter le calvaire très personnel qui l’attend… L’INTRO :
Après un premier film très bien reçu (l’excellent L’Irlandais en 2012 avec Brendan Gleeson), le cinéaste John Michael McDonagh est de retour avec son second long-métrage, Calvary, porté par le même comédien, en passe de devenir son acteur fétiche. Le réalisateur nous embarque une nouvelle fois dans son Irlande bien-aimée, pour un film au moins aussi étonnant (et détonnant) que le précédent. Calvary avait été présenté à Sundance puis à Berlin, et a récemment encore attiré l’attention au Festival de Dinard. La confirmation que McDonagh est décidément un auteur à l’univers très singulier…
L’AVIS :
Les films de John Michael McDonagh nous baladent dans un univers atypique qui lui est propre, où le cinéaste casse les barrières des genres pour livrer des portraits déroutants de personnages hauts en couleurs. L’Irlandais était une comédie policière lorgnant vers le thriller impertinent à l’humour noir très marqué avec son anti-héros, policier municipal trash, flegmatique et raciste. Avec Calvary, c’est à un prêtre que le metteur en scène nous attache, le père James, qui doit faire face à un bien étonnante nouvelle introductive. Sorte de film policier à enquête inversée puisque l’on ne part pas d’un meurtre commis dont on recherche le coupable mais d’un meurtre annoncé dont on cherche le futur auteur, Calvary est une nouvelle fois un film transgenre. Car si le postulat nous conduirait vers un registre bien précis, l’allure et le ton du film l’en dégage immédiatement. Mi-comédie à humour noir et froid et mi-drame psychanalytique à atmosphère pesante (pour ne pas dire plombante), Calvary ère dans un no man’s land indéfinissable, sorte de promenade tragi-comique à l’esprit très désanchanté, illustrant selon McDonagh, les cinq état du processus de deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation.
Porté par une belle galerie de personnages éclectiques et authentiques, flanqués aux confins d’une Irlande typique, Calvary est une drôle de voyage aussi dépaysant qu’il n’est déroutant. Peut-être un peu trop, même. McDonagh s’aventure peut-être un peu trop loin au-delà de lignes de démarcations des tons et ne maîtrise pas aussi bien qu’à l’accoutumée son style « ofniesque ». Ou au contraire, il le maîtrisant tellement bien que le résultat en devient trop déconcertant pour convaincre pleinement. Concrètement, Calvary a du mal à se situer, ou plutôt devrait-on dire, refuse catégoriquement de se situer, errant entre la chronique doucement drolatique et le drame fortement mélancolique. Sauf que McDonagh n’essaie pas de marier les deux, il les appose de façon contiguë et nous perd dans un peu dans une zone inidentifiable si troublante qu’elle en deviendrait gênante. Calvary n’est pas assez drôle pour se revendiquer « comédie », ou au contraire trop caustique pour être qualifié de drame. Tout ça sans être non plus une comédie dramatique à proprement parler, extension logique et habituelle de ce type de mariage. Qu’est donc Calvary au final ? Un ofni traversé par un profond humanisme mais qui provoque une sorte de malaise aussi appréciable sur certains aspects, que désarçonnant sur d’autres.A la fois profond et touchant, sombre et désespéré, parfois fascinant, formellement élégant, souvent glauque mais ponctué d’élans comiques et sarcastiques au cynisme jubilatoire (dissertant avec acidité sur l’Eglise, la bourgeoisie et les clichés de ces bourgades reculées à la sinistrose ambiante marquée), Calvary n’est jamais déplaisant ou convenu, jamais palpitant ou brillant non plus… En somme, le genre d’expérience cinématographique, sorte d’équivalent irlandais d’un certain cinéma danois décalé (façon Adam’s Apple etc.), dont on ne sait vraiment pas trop quoi penser et qui risque fort de résonner chez chacun comme une balade au sentiment très personnel.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux