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AVE, CÉSAR! des frères Coen : la critique du film

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Nom : Hail, Ceasar!
Père : Joel et Ethan Coen
Date de naissance : 2015
Majorité : 17 février 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h40 / Poids : 22 M$
Genre : Comédie

 

Livret de famille : Josh Brolin, George Clooney, Alden Ehrenreich, Scarlett Johansson, Frances McDormand, Ralph Fiennes, Tilda Swinton, Channning Tatum, Jonah Hill, Christophe Lambert…

Signes particuliers : Les frères Coen signe un nouveau long-métrage archétypal de leur cinéma mais malheureusement mis en échec par son concept ennuyeux sur la longueur.

LA DRÔLE DE DÉCLARATION D’AMOUR AU CINÉMA DES COEN

LA CRITIQUE

Résumé : La folle journée d’Eddie Mannix va nous entraîner dans les coulisses d’un grand studio Hollywoodien. Une époque où la machine à rêves turbinait sans relâche pour régaler indifféremment ses spectateurs de péplums, de comédies musicales, d’adaptations de pièces de théâtre raffinées, de westerns ou encore de ballets nautiques en tous genres. Eddie Mannix est fixer chez Capitole, un des plus célèbres Studios de cinéma américain de l’époque. Il y est chargé de régler tous les problèmes inhérents à chacun de leurs films. Un travail qui ne connaît ni les horaires, ni la routine. En une seule journée il va devoir gérer aussi bien les susceptibilités des différentes communautés religieuses, pour pouvoir valider leur adaptation de la Bible en Technicolor, que celles du très précieux réalisateur vedette Laurence Laurentz qui n’apprécie que modérément qu’on lui ait attribué le jeune espoir du western comme tête d’affiche de son prochain drame psychologique.Il règle à la chaîne le pétrin dans lequel les artistes du studio ont l’art et la manière de se précipiter tous seuls. En plus de sortir une starlette des griffes de la police, ou de sauver la réputation et la carrière de DeeAnna Moran la reine du ballet nautique, Eddie Mannix va devoir élucider les agissements louches du virtuose de claquettes, Burt Gurney. Cerise sur le gâteau, il a maille à partir avec un obscur groupuscule d’activistes politique qui, en plein tournage de la fameuse superproduction biblique AVE CÉSAR lui réclame une rançon pour l’enlèvement de la plus grosse star du Studio, Baird Whitlok. Le tout en essayant de juguler les ardeurs journalistiques des deux jumelles et chroniqueuses ennemies, Thora et Thessaly Thacker. La journée promet d’être mouvementée.Hail, Casar!L’INTRO :

Ils avaient la côte à leurs débuts dans les années 80, ils avaient la côte au cours de leur glorieuse traversée des 90’s, ils l’avaient encore dans les années 2000 avec une bardée de récompenses et enfin, ils l’ont toujours depuis le début de la décennie 2010, avec une œuvre qui tend de plus en plus à se diversifier pour explorer de nouveaux horizons. Les Frères Coen, c’est presque une institution depuis plus de trente ans. Trente ans de cinéma, trente ans de classiques instantanés souvent fabuleux, 17 longs-métrages au total, et une renommée toujours aussi intacte, sinon plus. Avec Ave, César!, nouvel effort qui marque leur retour après trois ans d’absence et le consacré Inside Llewyn Davis, le duo de frangins le plus célèbre d’Hollywood plonge cette fois-ci dans… Hollywood justement ! Mais pas le Hollywood d’aujourd’hui à la manière d’un What Just Happened ? ou de la série Entourage. Non, le Hollywood de l’âge d’or du cinéma américain, celui des années 1950, à l’époque où une mini-crise couvait avec l’émergence concurrentielle de la télévision et alors que le péril rouge communiste perturbait la quiétude de la grande famille du septième art.ave cesar_1L’AVIS :

Ce n’est pas un secret mais ça se bouscule dans le tout-Los Angeles pour venir tourner sous la caméra de frères Coen devenus totalement hype, du moins encore plus qu’avant. Sur le tournage de Ave, César!, les stars pointaient en file indienne au portillon du plateau, comme autant d’assurés aux guichets de la sécu. Les amis George Clooney ou Frances McDormand pour commencer, mais également Josh Brolin, Scarlett Johansson, Ralph Fiennes, Tilda Swinton, Channning Tatum, Jonah Hill et même notre Christophe « Christopher » Lambert national. Que du beau monde pour une nouvelle loufoquerie que l’on espérait délicieuse, d’autant que le sujet avait tout pour plaire et se prêter à leur sens de la dérision inimitable. Présenté en ouverture de la dernière Berlinale qui vient d’ouvrir ses portes, Ave, César! est une comédie suivant la folle journée d’un espèce de patron de grand studio qui ne sait plus ou donner de la tête, entre une vedette fraîchement kidnappée, une autre dont on veut changer l’image malgré sa médiocrité avérée, une autre encore qui s’illustre par quelques frasques amoureuses et on en passe des vertes et des pas mûres, comme devoir gérer les stars capricieuses, les journalistes gossip qui rôdent, les réalisateurs furieux ou les scénaristes en colère. Les plateaux de Capitol Pictures tournent à plein régime, tout un tas de films sont en production et Eddie Mannix (Josh Brolin) gère, entre deux allers retours pour se confesser chez le prêtre du coin et un arrêt de la cigarette compliqué.Hail, Caesar!L’apogée du polar noir, le western de série B, les ballets endiablés de Busby Berkeley, les tournages à la chaîne, la comédie musicale, les stars érigées en vedette plus pour leurs gueules d’anges que pour le jeu d’acteur, les comédies musicales, Clark Gable, Ben-Hur, les icônes au caractère bien trempé façon Bette Davis ou Mae West, le nabab de la Fox Joseph Schenk, la femme fatale à l’ancienne, l’essor de la télévision, le maccarthysme… En plongeant dans le Hollywood des années 50, qu’ils s’amusent à joyeusement pasticher dans une œuvre aussi délirante que prétendue jouissive, les frères Coen alignent les références cinéphiles plus ou moins évidentes autant dans le contenu que dans l’épine dorsale de leur nouveau long-métrage, parlant de cet Hollywood d’antan à la manière de ce même Hollywood d’antan, en reprenant à son compte ses codes de production désuets. Volontairement rétro et curieusement emmené avec un esprit du décalage permanent entre réalité et rêverie fantasmée, Ave, César! tourne autour de son univers, que l’on observe dans un mélange de séduction amusée et de détachement problématique. Car premier point gênant, Ave, César! brandit cet univers gentiment brocardé comme son seul argument ou presque, alors que derrière, tout sonne terriblement creux, telle une coquille vide offerte dans un bel écrin en trompe-l’œil. Rapidement, le concept semi-parodique du film affiche ses limites et malheureusement, elles trahissent très vite une œuvre un peu trop facile en plus de s’avérer un brin indigeste, engoncée dans son exercice de style second degré semblable à un amoncellement de petites saynètes aléatoirement jubilatoires, seulement liées entre elles par la marche mouvementée de ce patron se baladant d’un plateau à l’autre, traversant ainsi les différents univers de son studio en quelques heures. Comme lui, le spectateur passe d’un monde à l’autre, tantôt le péplum tantôt le western, tantôt la comédie musicale et tantôt le mélodrame classieux, avec à chaque fois la volonté des Coen, de calquer leur mise en scène sur les univers entrevus.ave cesar_4L’idée de ce portrait humoristique déviant n’était pas mauvaise en soi et Ave, César! ne manque d’ailleurs pas de qualités pour illustrer cette balade croquée avec charme et sympathie. Mais l’ennui est que tout y fonctionne de manière très intermittente, l’humour comme les références, le charme de la reconstitution décalée comme le doux cabotinage de sa distribution. On sourit à défaut de rire, on se plaît à relever les innombrables clins d’œil cinéphiles tout en se demandant si ce jeu de référence est suffisant, on se réjouit de cette plongée ubuesque dans le Hollywood des années 50 tout en restant en marge d’une vision parfois si conceptuelle qu’elle en devient hermétique, on se régale de cet éclatant casting tout en autodérision mais sans jamais pouvoir s’attacher à aucun personnage, d’autant que les frères Coen ne font rien pour nourrir un quelconque lien entre eux et le spectateur, à trop les utiliser uniquement comme des ressorts comiques et non des personnages écrits à part entière… Et alors que certaines tentatives audacieuses virent au grotesque, alors que le liant d’ensemble ne se fait que par l’univers et ses délires formalistes, alors que la pseudo-intrigue autour d’un complot communiste ennuie passablement ou que le film échoue sur une redondance formelle érigeant les murs d’un cruel manque de soutien narratif à cet évoqué exercice conceptuel, Ave, César! de gentiment ennuyer et de ne laisser comme seul souvenir, ces délicieuses parodies de tournages de séries B parfois improbables.Hail, Caesar!Ave, César! voulait prendre des allures de joyeuse parade méta-cinématographique s’amusant de son propre art avec un doux cynisme assumé mais il chute du côté d’un semi-échec tour à tour enthousiasmant par sa déclaration d’amour au cinéma d’antan, ou agaçant par sa fainéantise déguisée (car il est évident que le film est malgré tout le fruit d’un gros travail tant d’écriture qu’artistique). Plus problématique, Ave, César! se voulait subtilement cinglé et décapant, il en devient aussi frivole que lourdingue et rate ses ambitions par paresse et maladresse, alors que la récréation glisse par moments vers une pseudo légèreté rafraichissante cachant une auto-flagornerie et un égocentrisme horripilant. Dans ce délire incongru des Coen trop foutraque pour convaincre pleinement, le meilleur côtoie finalement le pire, ou l’inverse, c’est selon.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

One thought on “AVE, CÉSAR! des frères Coen : la critique du film

  1. Excellente analyse. Je suis d’accord sur tout. J’ai passé tout le film en me demandant quand l’histoire allait commencer. Ces communistes à Malibu sont ratés. Un mauvais Cohen, trop conceptuel en effet pour fonctionner vraiment. Mais l’hommage à Hollywood reste intéressant.

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