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A VERY ENGLISHMAN (critique – biopic)

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Very_Englishman_afficheMondo-mètre :
note 7
Carte d’identité :
Nom : The Look of Love
Parent : Michael Winterbottom
Livret de famille : Steve Coogan (Paul Raymond), Anna Friel (Jean Raymond), Imogen Poots (Debbie Raymond), Tamsin Egerton (Fiona), Chris Addison (Tony), James Lance (Carl), Stephen Fry (Barrister)…
Date de naissance : 2013 (sortie le 19/06/13)
Nationalité : Angleterre
Taille/Poids : 1h41 – Budget NC

Signes particuliers (+) : Un biopic original et « swingant », pop et coloré, sur un « personnage » passionnant (et pourtant méconnu chez nous) et plein de contradictions. Humour, drame, noirceur et subversif au menu.

Signes particuliers (-) : Le film aurait gagné à être un peu plus long et à davantage exploiter ses thématiques de fond.

 

LET’S SHOW BEGIN !

Résumé : La vie de Paul Raymond, jeune homme débarqué de Liverpool sans un sou et qui deviendra la plus grosse fortune d’Angleterre grâce au succès de ses cabarets aux femmes dénudées et au magazine qu’il lancera, Men Only. Boulimique d’acquisition pour bâtir un empire, Raymond était un homme à femmes mais aussi l’homme d’une femme, sa fille chérie Debbie…

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L’INTRO :

Réalisateur touche-à-tout qui aime à changer d’univers à chaque film plutôt que de s’enfermer dans un registre spécifique, pour parler généralement de drame et d’amour sous ses différentes formes dans des films qui prennent toujours appui sur des sujets qu’il juge importants, Michael Winterbottom poursuit son exploration de « tous les cinémas ». En cela, il est un digne représentant de ce que cherche à véhiculer notre site, un auteur britannique animé d’une véritable soif de films, de genres, de styles, d’univers, de nationalité, un amoureux du monde et du septième art qui aime à errer un peu partout où il trouve des sujets intéressants à filmer. En 1995, il parlait d’homosexualité avec Butterfly Kiss, en 1996, de tragédie amoureuse avec le film en costumes Jude alors qu’il sillonnait Sarajevo en 1997, avec son drame de guerre Welcome to Sarajevo. En 2003, il plongeait dans un camp de réfugiés afghans au Pakistan avec In this World puis en 2004, il s’immergeait dans la musique rock anglaise à travers une éphémère histoire passionnelle. Plus récemment, on le retrouvait du côté de l’Italie, en 2008,  pour son drame Un été italien ou aux Etats-Unis avec l’excellent polar noir adapté de Jim Thompson, The Killer Inside Me en 2010 avant de prendre la direction du Rajasthan avec Trishna. Oui, Michael Winterbottom est bel et bien un amoureux du monde, de tous les mondes. Mais pour son nouveau film, A Very Englishman, il revient sur ses terres anglaises et tente le paria audacieux du biopic en signant une élégante et colorée biographie de Paul Raymond, véritable icône britannique, un peu moins connu chez nous en France, mais qui fut l’une voire le plus grande fortune anglaise de ces dernières années, derrière un véritable empire fondé sur ses cabarets aux femmes dénudées avant de se lancer dans l’édition avec le magazine « Men Only ». Un homme controversé, à la vie mouvementée, parti de rien pour devenir tout, multipliant les femmes et les excentricités dans un monde de luxe et de luxure.

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Le challenge pour le cinéaste était multiple. D’abord, trouver la bonne méthode pour s’emparer de la vie de cet homme qui aura bouleversé et éreinté la bonne morale britannique sur plusieurs décennies. Le travail biographique n’est jamais une chose facile et au contraire très casse-gueule. Il faut réussir le subtil mélange de distraire les gens, tout en restant fidèle au sujet traité, en gardant une certaine distance vis-à-vis du personnage tout en faisant en sorte à ce que le public devienne son complice pour s’intéresser à sa vie. Autre challenge ici, ne pas trahir l’essence même de Paul Raymond, homme de tous les vices, de tous les extrêmes mais aussi de toutes les contradictions. Enfin, il fallait aussi s’immerger dans l’Angleterre des années 60 pour poser les bases de la vie de l’homme qui courra jusqu’en 2008, année de sa mort. Le metteur en scène et ses équipes artistiques, feront un énorme travail de recherches et de reconstituions pour redonner vie à l’écran aux fabuleuses sixties, aux dingues seventies avant d’entamer le virage vers les eighties puis les années 90. Un film étalé sur des années esthétiquement très différentes requérant un immense travail d’adaptation alors que sur cette immense étendue temporelle, les thèmes choisis comme angle pour cerner Paul Raymond devaient sans cesse être mis en avant.

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L’AVIS :

Michael Winterbottom à la tête de ce film est presque une évidence tant la vie de Paul Raymond lui permet de renouer une fois de plus avec ses thématiques privilégiées, le mélange drame et amour passionnel, une fois de plus abordé sous encore un autre angle, avec en toile de fond des sujets sérieux allant de l’évolution de la libéralisation des mœurs en Angleterre au fléau dramatique de la drogue en passant par la volonté furieuse d’un gamin de la rue de s’élever, de réussir et de devenir quelqu’un au point que cela en devienne obsessionnel dans cette quête de reniement d’un passé pauvre. Le trio, amour, tragédie et sujets sérieux est réuni et pose les fondations pour que Winterbottom laisse libre court à sa créativité pour délivrer un délicieux biopic pop et colorée ponctué de moments comiques, de drames et d’une petite dose de subversion piquant au vif la morale puritaine anglaise.

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Equivalent de Larry Flint au Royaume-Uni, Paul Raymond est ce que l’on peut appeler purement et simplement, un « personnage ». Un homme complexe, à la fois cruel et touchant, généreux et égoïste, jovial et sombre. Un homme qui fourmille de mille et une contradictions, résultat de sa construction obsessionnelle en quête d’un idéal. Cruel, il l’était dans sa façon de gérer certaines de ses relations comme avec sa première femme qu’il trompait sans cesse et sans même s’en cacher avec une inconséquence pathétique, ou avec certains de ses enfants auxquels il ne s’est jamais intéressé. Mais paradoxe, il était aussi bouleversant dans la relation qu’il entretenait avec sa fille (interprétée par Imogen Poots), le centre de son monde, son joyau le plus précieux pour qui il aurait tout donné. Il était tout aussi touchant dès lors qu’il tombait amoureux, comme un enfant au milieu d’une fête foraine, voulant tout faire briller pour illuminer les yeux de sa dulcinée. Généreux, extravagant, il avait aussi cet égoïsme et cette fierté de ne jamais lâcher prise, de sans cesse vouloir plus, de ne pas toujours faire attention aux autres que sa personnalité pouvait blesser. Homme torturé par son passé qu’il ne cesse de renier ou de rappeler seulement pour montrer qu’il n’est plus ce Geoffrey Quinn de la travailleuse Liverpool mais Paul Raymond, élégant british fou londonien, l’homme était un sujet passionnant qui ne demandait qu’un grand cinéaste pour que sa vie ne devienne un show. Il en serait probablement si flatté de voir cela, lui « l’homme qui a débarqué de Liverpool sans un sou » comme il aimait à le rappeler, aujourd’hui un héros de cinéma.

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Porté par un impressionnant Steeve Coogan qui collabore avec Winterbottom pour la quatrième fois, A Very Englishmen est un biopic un brin excentrique, qui aime à se mettre à la hauteur et à la démesure de son personnage hédoniste. Film de tous les excès avec son univers flashy, criard, musical, sa nudité frontale, ses orgies, sa culture de la luxure et de la débauche, il n’en est pas moins un portrait désenchanté d’un homme tiraillé entre le spectcale de la vie qu’il s’est forgé et le drame de son attachement passionnel pour sa fille chérie perdue dans ce tourbillon de cet univers qui aura eu raison d’elle. Un biopic original, jamais lisse, jamais fade, psychologique, piquant et relevé, où le pathétique, le sordide, la tristesse côtoient le pimpant, le stylisé, l’artificiel et le sulfureux. Certes, Michael Winterbottom aurait pu faire plus profond notamment dans l’articulation et l’ancrage de son histoire aux époques qu’elle traverse et aux sujets qu’elle pique de loin. Pour cela, il aurait peut-être fallu plus de temps qu’un film finalement assez court pour le genre, d’1h40 en tout et pour tout. Mais il n’empêche que l’on laisse facilement embarquer dans cette folie sucrée et amère à la fois.

Bande-annonce :

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