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THE KILLER de John Woo : la critique du film (2024)

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Spectateurs

Nom : The Killer
Père : John Woo
Date de naissance : 23 octobre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h06 / Poids : NC
Genre : Action, Thriller

Livret de Famille : Nathalie Emmanuel, Sam Worthington, Omar Sy, Saïd Taghmaoui, Grégoire Montel, Eric Cantona…

Signes particuliers : C’était vraiment pas nécessaire.

Synopsis : Lors de l’exécution de son dernier contrat, un tueur à gage provoque la cécité d’une jeune chanteuse. Pour trouver l’argent nécessaire à l’opération de la jeune femme, il accepte un nouveau contrat.

 

AUTO-REMAKE DE LA MORT

NOTRE AVIS SUR THE KILLER

De grâce, que quelqu’un retire des mains de John Woo, la pelle avec laquelle il est en train d’enterrer sa carrière. Il est difficile de croire que celui a signé A Toute Épreuve, Le Syndicat du Crime, Volte/Face ou Les Trois Royaumes soit la même personne qui signe cet auto-remake aux fraises avec extra crème et coulis fruits rouges. Enfin si c’est concevable, John Carpenter a bien signé The Ward et Brian De Palma Domino, la Guerre Silencieuse…. Ça s’appelle l’âge et tout le monde ne vieillit pas comme Martin Scorsese. Mais John Woo fait presque pire, il ne se contente pas d’un déclin déjà bien visible avec son nazouillard Silent Night, il va jusqu’à saccager son héritage en remakant l’un de ses plus beaux faits d’arme. En 1989, The Killer fut un choc inoubliable. Chow-Yun Fat, la réalisation folle de Woo, la dimension tragique de l’histoire, la valse des balles dans des gunfights mémorables… The Killer était une merveille de passion tragique et d’action spectacle. 35 ans plus tard, John Woo investit la capitale française pour refaire The Killer mais version 2.0 (avec une femme donc), avec Paris et la Tour Eiffel en décor et Omer Lupin Sy en co-vedette de Nathalie Emmanuel. Putain, que c’est rude. En seulement 10 minutes d’introduction, John Woo nous a déjà foutu les deux genoux à terre. Certains pour pleurer, d’autres pour rire, une poignée pour faire les deux en même temps. Dire que The Killer est nul serait un euphémisme. Véritable masterclass du nanar, il concourt déjà au titre de purge d’or 2024. Le loupé est XXL.

Il y a pourtant des choses. Des moments, des fulgurances, des idées, des intentions. Comme quand John Woo emprunte à Hitchcock, à Leone, au cinéma HK de la Shaw Brothers ou à lui-même avec ses motifs éternels (des oiseaux au ralenti, la chorégraphie du face à face armé). Mais ce ne sont là que des bouts de PQ éparpillés dans un WC à la chasse mal tirée. Artistiquement parlant, The Killer est une hérésie, une insulte au cinéma du réalisateur. Et dans le même temps, on y trouve paradoxalement quelques trucs cool. Comme si un bon plan par demi-heure devait obligatoirement être compensé par dix mauvaises idées lâchées en rafale comme des pets un lendemain de chili con carne trop épicé. Dans le milieu du film, on perdrait presque de vue la médiocrité confondante du truc pour se laisser prendre à l’histoire (pourtant connue). Dans une séquence d’hôpital spectaculaire, on oublierait presque que c’est filmé sans les mains ni les yeux pour profiter de l’intensité du gunfight. Parfois, au détour d’un regard capté, d’un dialogue qui fait mouche, d’un soubresaut de délicatesse, d’une image d’action qui interpelle, The Killer nous ramène vers une raison : il y a du cinéma chez John Woo. Il est parfois clinquant, exubérant, surappuyé, mais c’est son style et c’est aussi pour ça qu’on l’aime. Sauf qu’en amour, c’est comme dans le sexe, c’est bien d’avoir des limites. Une partouze à 18, pourquoi pas, un tête à cul avec un bouc, non. Et les limites, John Woo ne les franchit pas, il les piétine avec un autorité qui laisse franchement songeur. Son esprit était-il réellement présent pour avoir voulu ou validé un truc pareil ? La mise en scène est capable d’idées affreuses dans les cadrages, le montage est ahurissant de non-sens, la musique pourra être tenue responsable d’épidémie d’otites aiguës, le jeu d’Omar Sy est une masterclass de nullité (comme ses costumes soit dit en passant), les dialogues ont parfois ni queue ni tête (tout comme l’alternance entre le français et l’anglais d’ailleurs), les twist du scénario titillent le grotesque hilarant (mention à la découverte d’un lien passé entre le flic Omar Sy et la tueuse Natahlie Emmanuel – on vous garde intact au frigo ce grand moment et d’autres). Et on en passe. The Killer est une invraisemblable enfilade d’actes de mauvais goût. Parfois artistiquement douteux, souvent plus que proche de la fiction TF1 que du noble long-métrage de cinéma, ce remake parisien délivre tout son potentiel dans des 10 premières minutes. Dix minutes aux allures de florilège de merditude, comme une sorte de feu d’artifice où rien ne va, de l’image jusqu’au son.

The Killer est parfois tellement à côté de la plaque qu’il en devient lunaire. On serait presque tenté de s’émerveiller devant une telle prise d’audace. Faire aussi nul volontairement, faut vraiment avoir une sacrée paire de… caméras. Mais trêve de plaisanterie, la vérité, c’est que ce remake est gênant. Du moins au début. Car étrangement, on finit presque par s’habituer à sa médiocrité abyssale et à son esthétique dégueulasse, un peu comme cette trace au plafond depuis le jour où l’on a éclaté ce gros moustique avec sa pantoufle, et qu’on a la flemme de nettoyer depuis car ça implique huile de coude et escabeau. À partir de là, on ne fait pas complètement fi des maladresses et autres aberrations artistiques, mais on arrive presque à profiter de la générosité que tente d’injecter John Woo à son spectacle sans temps morts. Dommage que l’on soit constamment rattrapé par l’envie de pouffer de rire devant telle ineptie, délire ringardo-kitsch ou illumination cinématico-naze (les visions en flashback, c’est douloureux). Sur ce, vite le Blu-ray de l’original avec Chow-Yun Fat. Il n’y a que ça pour essayer d’oublier la douleur.

 

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