Nom : Amy
Père : Asif Kapadia
Date de naissance : 2014
Majorité : 08 juillet 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h07 / Poids : NC
Genre : Documentaire
Livret de famille : Amy Winehouse, Blake Fielder, Peter Doherty, Mark Ronson, Tony Bennett, Juliette Ashby, Yasiin Bey, Salaam Remi, Lauren Gilbert, Nick Shymansky, Andrew Morris, Janis et Mitchell Whinehouse… (eux-mêmes)
Signes particuliers : Plus qu’un documentaire sur la star de la chanson britannique qui ne voulait pas en être une, une nouvelle oeuvre profonde et exceptionnelle signée Asif Kapadia, qui a su gagner la confiance de tout l’entourage d’Amy Winehouse pour livrer ce portrait déchirant.
LA TRAGÉDIE D’UNE VIE À CONTRESENS
LA CRITIQUE
Résumé : Dotée d’un talent unique au sein de sa génération, Amy Winehouse a immédiatement capté l’attention du monde entier. Authentique artiste jazz, elle se servait de ses dons pour l’écriture et l’interprétation afin d’analyser ses propres failles. Cette combinaison de sincérité à l’état brut et de talent ont donné vie à certaines des chansons les plus populaires de notre époque. Mais l’attention permanente des médias et une vie personnelle compliquée associées à un succès planétaire et un mode de vie instable ont fait de la vie d’Amy Winehouse un château de cartes à l’équilibre précaire.Le grand public a célébré son immense succès tout en jugeant à la hâte ses faiblesses. Ce talent si salvateur pour elle a fini par être la cause même de sa chute. Avec les propres mots d’Amy Winehouse et des images inédites, Asif Kapadia nous raconte l’histoire de cette incroyable artiste, récompensée par six Grammy Awards.L’INTRO :
Ce qu’il y a de fascinant dans le travail d’Asif Kapadia, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’apprécier particulièrement le sujet de ses documentaires pour aimer ses documentaires et être littéralement happé par ce qu’il nous raconte. Senna en était déjà la preuve, il y a cinq ans. Et d’ailleurs, il n’est presque pas étonnant d’apprendre que le documentariste de talent n’était lui-même pas spécialement un grand fan de la chanteuse Amy Winehouse avant de porter à l’écran l’incroyable ratage qu’aura été sa vie, pas plus qu’il n’en était un fin connaisseur. Alors, pourquoi, comment ? C’est l’autre force d’Asif Kapadia, savoir dénicher dans un sujet, le potentiel mirifique pour raconter une histoire puissante, pour voir dans l’existence fulgurante de certaines personnes, des scénarios forts et presque cinématographiques. Présenté en séance spéciale à Cannes, Amy nous plonge dans la vie cabossée de la chanteuse londonienne, décédée à l’âge de 27 ans des suites d’une overdose d’alcool. Une fin tragique, dont la violence accablante n’est finalement que le reflet d’une existence meurtrie.L’AVIS :
Encore une fois, Asif Kapadia arrive à nous intéresser à un sujet qui, au départ, pouvait nous paraître lointain et pas pour nous. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, il n’est définitivement pas nécessaire d’apprécier tout particulièrement Amy Winehouse, son style, sa voix et sa musique pour s’éprendre de Amy. Tout comme il n’était pas nécessaire d’aimer la Formule 1 pour apprécier à juste valeur l’excellent Senna. Parce que ce que vise Asif Kapadia, ce n’est finalement pas tant le seul portrait de fan ou la simple biographie informative. Tout le travail de cet artiste unique, est de parvenir à aborder ses sujets par le prisme d’un genre cinématographique qui, à lui-seul, témoigne de l’intérêt de porter à l’écran, l’existence de telle ou telle icône. Avec Senna, le cinéaste s’était rendu compte d’à quel point la vie du pilote Ayrton Senna était un formidable thriller haletant. Et c’est ainsi qu’il avait abordé son documentaire propulsé par un suspens incroyable cristallisant les défis personnels d’un homme fantastique, complexe, et presque fou. Avec Amy, c’est la tragédie qui au centre de ce nouvel effort. Amy est avant tout, un drame bouleversant dressant le portrait terrible d’une icône emblématique de ce que le star system peut avoir de pire question destruction d’une personne broyée par ses rouages car en inadéquation avec ce monde de contraintes. Amy Winehouse était une femme simple, libre, fragile, indomptable. Autant de traits qui ne collaient pas à un monde formaté et formateur, écrasant et suceur de moelle aspirée au nom du sacro-saint « spectacle permanent ». A travers son documentaire, Kapadia parvient à dépasser son sujet, à lui conférer une universalité en rapport avec ces personnes en danger, ces personnes englouties par des sables mouvants et dévissant vers un gouffre aspirant. Des personnes en péril auxquelles il est impératif de tendre la main dans une situation d’urgence. Amy Winehouse, c’est l’histoire d’une longue chute irrémédiable dont beaucoup de gens et de facteurs sont responsables. Sauf que le temps des « il aura fallu » et des « on aurait dû » est passé. La tragédie est actée, et son dénouement est aussi bouleversant qu’implacable.A travers ce portrait qui finit par devenir fascinant dans tout ce qu’il embrasse au-delà de l’histoire dramatique d’une star de la chanson, on assiste à une déchéance inéluctable, aux tentatives de secours contrariées par le système, par des personnes malveillantes, par des gens qui refusaient de voir une réalité en face. Pourtant, Kapadia ne juge ni n’accable personne. Il montre. Au spectateur d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Amy Winehouse était plongée dans une spirale autodestructrice évidente, mais on ne peut occulter le fait qu’elle y a été souvent poussée. En dépit de quelques raccourcis ou zones non éclairées (pourquoi son ex-petit-ami Blake est soudainement revenu dans sa vie après leur rupture, par exemple), Amy est une nouvelle démonstration du talent de Asif Kapadia nous peindre des portraits poignants et pour nous retourner littéralement avec une force à la gravité implacable. Sur la foi d’un travail de regroupement et de recoupement d’archives saisissant, agencées avec intelligence par un montage talentueux et beaucoup d’idées créatives (notamment le fait d’aller puiser ses ressentis à travers ses chansons mises en parallèle avec sa vie mouvementée), le documentariste nous livre une fois de plus, une œuvre extraordinaire, à la fois déluge émotionnel et regard empathique, alimentée par des thématiques substantielles. Reste la question en suspens du voyeurisme que l’on éprouve à la découverte d’un film qui entend pourtant dénoncer celui autour de la pauvre Amy, voyeurisme qui aura participé à la détruire. Par manque de matière vidéo, Kapadia n’aura eu d’autre choix que d’avoir recours à quantité d’images filmées par des paparazzi-rapaces, avides de sa déchéance. La démarche en est parfois gênante et se retourne un peu contre le documentaire lui-même, qui se sert dans ce qu’il accuse, avant d’être heureusement sauvé par sa profondeur et ce qu’il embrasse au-delà de son seul sujet.
LA BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux